Lutte contre le réchauffement climatique

Le Canada parmi les cancres de la planète, selon une étude

Si tous les pays du monde faisaient des efforts équivalents à ceux du Canada dans la lutte contre les changements climatiques, la température du globe connaîtrait une hausse catastrophique de 5,1 °C, en 2100. C’est ce que conclut une étude publiée hier dans la revue Nature. Explications.

Comparer les efforts

L’étude de l’Université de Melbourne, en Australie, compare les engagements des États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est donc la cible qui est étudiée et non le plan pour l’atteindre. Surtout, cette comparaison est faite selon divers principes d’équité, c’est-à-dire proportionnellement à la responsabilité des États dans la pollution et à leurs capacités à agir. Car ces « contributions nationalement déterminées », comme elles sont nommées dans l’accord de Paris, n’ont pas la même importance pour un pays développé qui pollue depuis longtemps que pour un pays pauvre dont les émissions sont récentes.

Le Canada comme la Chine

Si l’ensemble des pays de la planète affichaient « la même ambition que le Canada, le monde irait vers 5 degrés » d’augmentation de la température à l’horizon 2100, constate l’auteur de l’étude, Yann Robiou du Pont, que La Presse a joint par téléphone. Mais le Canada n’est pas le seul dans cette situation : c’est aussi le cas de la Chine, de la Russie et de la Nouvelle-Zélande, entre autres. Une hausse de la température du globe de l’ordre de 5,1 °C serait « catastrophique », affirme Yann Robiou du Pont, ajoutant que « c’est le maximum que les scénarios prévoient si on ne fait rien ».

Greenpeace n’est pas surprise

Les conclusions de l’étude n’étonnent pas le responsable de la campagne Climat Énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin. Le gouvernement Trudeau, malgré ses beaux discours verts, a adopté la même cible de réduction des émissions de GES que celle du gouvernement Harper, rappelle-t-il, ajoutant que le Canada obtiendrait une pire note que ça si l’évaluation tenait compte du fait qu’il n’a pas de plan permettant d’atteindre cette cible-là. Cible que le Canada est en voie de rater complètement, par 66 millions de tonnes, ajoute M. Bonin. « Le gouvernement ne peut prétendre sur aucune tribune internationale qu’il est un leader climatique, qu’il prend au sérieux la science climatique, alors que le Canada devrait faire [beaucoup] plus d’efforts qu’il n’en fait actuellement », indique-t-il.

L’Inde fait mieux

Parmi les économies les plus importantes, c’est l’Inde qui fait figure de leader, selon l’étude. Si tous les pays avaient le même niveau d’engagement que New Delhi, la hausse de la température planétaire pourrait être limitée à 2,6 °C, ce qui est nettement plus élevé que l’objectif de l’accord de Paris, mais nettement moins que si on imitait les autres grandes puissances économiques. « Le vrai enjeu, ce n’est pas de voir à quel point un pays ne fait rien, c’est de faire une évaluation des ambitions pour arriver à faire plus », explique Yann Robiou du Pont, qui a notamment étudié à l’Université McGill.

Les champions en Afrique

C’est en Afrique que se trouve la majorité des pays obtenant les meilleurs résultats. L’Amérique centrale fait également bonne figure. Si l’ensemble de la communauté internationale avait des engagements aussi ambitieux que ces pays, le réchauffement climatique pourrait être limité à 1,2 °C, soit moins que l’objectif de l’accord de Paris, qui vise une hausse « nettement en dessous » de 2 °C en renforçant les efforts pour atteindre 1,5 °C. L’étude démontre donc que « la responsabilité de l’action incombe aux pays développés, [qui ont] la responsabilité à la fois historique et financière de prendre le leadership », affirme Yann Robiou du Pont.

Une « pression » sur Ottawa

L’étude « met énormément de pression » sur le gouvernement canadien, estime Patrick Bonin. « Il est encore temps de rajuster le tir », à condition de ne pas permettre l’expansion de la production de gaz et de pétrole au Canada, qui « vont nous enfermer dans une économie forte en carbone pendant des décennies », croit-il. Autrement, Justin Trudeau « va avoir l’air de Pinocchio s’il a des prétentions vertes », illustre l’écologiste. C’est d’ailleurs en quelque sorte le souhait de Yann Robiou du Pont : que son étude serve d’outil de mesure et de pression pour forcer l’action des gouvernements.

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