Musique

Essentielle musique

Chanter sur son balcon, écouter des concerts en ligne, suivre les prestations spontanées de Michel Rivard, Chris Martin ou Kevin Parent sur Facebook ou Instagram, toutes les façons sont bonnes de garder la musique « vivante » pendant le confinement. Serait-ce qu’elle est, elle aussi, un service essentiel ?

Inutile de demander à Michel Rivard, Marie-Pierre Arthur ou Cindy Bédard si la musique est essentielle à leur bien-être. Leur vie à eux, C’EST la musique, pour paraphraser la chanson de Charlebois. En ces temps d’isolement, ils constatent que c’est aussi un baume, voire un besoin, pour bien d’autres gens. Alors ils chantent, ou chanteront, en direct ou non, de leur salon, pour ceux qui ont besoin d’entendre autre chose que le décompte des infections et des morts.

« Avec tout ce qu’on vit en ce moment, qui touche tout le monde et qui semble invraisemblable, on ressent très fort ce besoin vital de se rassembler. On en voit l’importance pour les artistes et on le sent de la part des gens, sur les réseaux sociaux », remarque Cindy Bédard, qui a donné jeudi un concert sur Facebook, grâce à une initiative du Centre national des arts (CNA). C’est rassurant de voir qu’on vit ça ensemble. »

Le besoin d’être ensemble

Ensemble. Le mot revient souvent dans la bouche de Cindy Bédard au cours de la conversation. Ce désir de cultiver le lien, c’est aussi ce qui anime Michel Rivard, qui offre depuis plus d’une semaine des « chansons spontanées », anciennes ou fraîchement composées, seul à la guitare, depuis son domicile. « Tant qu’à jouer tous les jours, je me suis dit : amusons-nous et allons voir les gens », explique-t-il.

Sa toute première chanson spontanée évoque bellement la période qu’on traverse : « Je vous aime d’amour/Mais ne m’en voulez pas/Si par les temps qui courent/Je reste chez moi/Solitaire chez nous/Solidaire de vous ». Quelques mots justes, une fabuleuse mélodie, et tout là : sens, émotion, humanité.

« C’est devenu important pour moi de le faire chaque jour et la réponse est extraordinaire, se réjouit-il. Nombre de gens me disent que ça leur fait du bien, que c’est leur rendez-vous, qu’ils attendent ça comme ils attendent le Dr Arruda », dit encore Michel Rivard, qui fait d’ailleurs un clin d’œil au directeur de santé publique dans un blues teinté d’humour publié lundi.

Dans une caméra

Alors que bien des artistes d’ici – dont  Kevin Parent, Lisa LeBlanc, Luc De Larochellière, Andrea Lindsay, etc. – ou d’ailleurs (la liste est longue), se sont tournés vers les réseaux sociaux pour garder contact avec leur public et faire partager un peu de musique, Marie-Pierre Arthur observe encore le phénomène à distance. « D’instinct, ça ne me parle pas encore beaucoup », dit-elle franchement.

Elle va toutefois tenter l’expérience dimanche lors d’un Facebook live de la série parrainée par le CNA. « Je ne suis pas très attirée par l’idée de chanter devant une caméra, mais peut-être que je vais découvrir que c’est une façon de m’exprimer pareil, songe-t-elle. L’important en ce moment est de se faire du bien et de faire du bien aux autres. »

Son rapport à la caméra a déjà commencé à changer puisque c’est devenu un outil pour garder contact avec la famille et les amis. « Je vais prendre cet angle-là : c’est un moyen d’être avec d’autres personnes, de partager des choses et des émotions », dit-elle. Marie-Pierre Arthur se produira vraisemblablement en duo, puisqu’elle a un pianiste « pas pire » à la maison, son amoureux François Lafontaine.

Redonner du sens à la musique

Ce lien un peu plus étroit qui se tisse entre les artistes et ceux qui les suivent fait croire à Michel Rivard que s’opère en ce moment un « retour à l’essentiel ». « Les gens retrouvent peut-être un sens et un plaisir à écouter de la musique », réfléchit-il. Cindy Bédard croit aussi que les gens prennent le temps d’en faire une activité à part entière et pas « pour accompagner autre chose ».

Marie-Pierre Arthur, elle, aimerait bien qu’on ait un outil comparable aux cotes d’écoute pour voir la place qu’occupe réellement la musique dans la vie des gens.

« J’ai besoin autant de musique que de silence en ce moment. Et j’écoute de la musique qui ne m’empêche pas de m’entendre respirer. »

— Marie-Pierre Arthur

Ce n’est qu’après la crise, selon elle, qu’on saura jusqu’à quel point la musique est essentielle pour les gens.

Michel Rivard, lui, est optimiste. Il croit qu’une fois sorti de cette crise, on ne reviendra pas « à la même normale », que ces propositions « sympathiques et humaines » sur l’internet vont peut-être ramener des gens vers la musique d’ici. « Et j’espère que les gens vont se rendre compte que derrière les chansons et les spectacles, il y a aussi des gens, que ça va recréer une relation plus solide entre la culture et eux », ajoute-t-il.

Prise de conscience

Jérémie Pelletier, chez Bonsound, avoue avoir du mal à mettre les mots « musique » et « service essentiel » dans la même phrase en ce moment. « Ce qui est essentiel, dit-il, c’est la santé, les pharmacies et les épiceries. » Il constate toutefois que la population semble s’être ralliée autour de la culture, l’un des premiers secteurs affectés par la crise sanitaire. « On tenait pour acquis ce que les artistes et la culture nous offrent », croit-il.

Son observation est partagée par Geneviève Côté, de la SOCAN. « L’une des affaires qui vont sortir de cette crise-là, c’est que la culture est nécessaire, alors que beaucoup la voyaient [jusqu’ici] comme un accessoire, pense-t-elle. Les gens réalisent que la culture est partout, qu’elle a une valeur. »

Ce mouvement de sympathie, cette nécessité, Cindy Bédard, les ressent aussi. « Je suis surprise de voir à quel point on en a parlé, admet-elle, en précisant que cette considération fait du bien. Le gouvernement en a parlé aussi, avec des mesures pour les artistes et les travailleurs autonomes. Là, c’est concret que c’est important. »

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