Agriculture

Cinq mots pour comprendre le miel

VALORISATION 

Les années qui viennent seront belles pour le miel canadien, dit Rod Scarlett, du Conseil canadien du miel. « Les consommateurs cherchent des produits naturels et locaux », dit-il.

Certains chefs utilisent du miel sauvage québécois et l’indiquent sur leurs menus, se félicite Anicet Desrochers. « Les gens voient la différence entre un miel pasteurisé, un miel local agricole et un miel spécifique », dit-il. Un miel agricole provient d’une région où l’on pratique l’agriculture. Les abeilles iront butiner la lavande, le trèfle ou le bleuet, donnant des goûts particuliers à chacun de leurs miels. 

Lorsque Anicet Desrochers parle de miel spécifique, il fait référence au miel sauvage, souvent bio, jamais pasteurisé. Les apiculteurs qui font du miel sauvage envoient leurs butineuses dans des milieux vierges. Ils font ensuite analyser leur miel. « Parfois, les chercheurs trouvent des grains de pollen qu’ils ne reconnaissent même pas, explique Anicet Desrochers. Les abeilles butinent dans des endroits qui n’ont pas été exploités depuis 50 ans. »

« Le miel sauvage est fait naturellement, dans un milieu naturel, dit-il. En bouche, c’est beaucoup plus complexe. Ça part de tous bords, tous côtés. »

CONCURRENCE

Le miel a de la concurrence, admet Rod Scarlett, du Conseil canadien du miel. Les producteurs de sirop d’érable ont des études en main qui valorisent leur sucre. Les apiculteurs doivent faire la même chose. « On doit faire un meilleur marketing du miel », dit Rod Scarlett.

IDENTIFICATION 

Le problème n’est pas nouveau : l’appellation Canada no 1 réfère à une qualité, et non à une origine géographique. Ce qui fait qu’un pot qui s’affiche Canada no 1 contient parfois du miel argentin ou chinois. Des producteurs canadiens ont lancé une pétition en ligne demandant à McCormick Canada, qui importe ces miels, d’utiliser d’abord du miel local. Au Québec, les produits qui affichent le logo Aliments du Québec ne contiennent pas de miel importé. Intermiel, un important producteur (8500 ruches), préfère utiliser la certification Miel 100 %, Québec qui impose un processus de traçabilité de la ruche à la table. 

Parfois, il est cependant impossible de trouver du miel québécois à l’épicerie. Pourquoi ? 

« L’accès aux rayons est coûteux et compliqué », explique Éléonore Macle, vice-présidente d’Intermiel, une entreprise familiale. Pour entrer sur les listes de distribution des groupes d’épiceries, il faut aussi fournir une bonne quantité de miel, ce qui est impossible pour certains petits producteurs. Le mieux, estime Éléonore Macle, est de se rendre directement chez le producteur, ce qui permet d’en apprendre aussi sur le miel et ses qualités.

POLLINISATION 

Les abeilles ne sont pas appréciées que pour leur miel : elles donnent un immense coup de main à la nature en agriculture en faisant la pollinisation dans les champs. Au Québec, environ 60 % des apiculteurs font de la pollinisation, estime Léo Buteau, président de la Fédération des apiculteurs. Leurs abeilles ne manquent pas d’ouvrage : bleuets, fraises, framboises, pommes, canneberges, citrouilles, alouette. Les producteurs de bleuets ou de canneberges vont verser 150 $ la ruche à l’apiculteur qui lui prête ses butineuses. Les pomiculteurs payent moins cher la location, car la pollinisation est plus rapide. 

Le producteur doit par contre calculer que des abeilles qui travaillent dans une bleuetière vont donner moins de miel. Le stress provoqué par les déplacements en camion, d’un agriculteur à un autre, peut aussi causer des morts prématurées. 

« Le transport peut être stressant, confirme Valérie Fournier, chercheuse en entomologie agricole à l’Université Laval. De plus, on force les abeilles à ne manger que du bleuet durant des semaines, alors qu’elles ont besoin de plusieurs sortes de fleurs pour avoir tous les acides aminés essentiels. » Afin de compenser ces carences, explique Valérie Fournier, les apiculteurs donnent des suppléments à leurs insectes. 

Aux États-Unis, raconte la chercheuse, on promène les abeilles des orangeraies de la Floride aux amandiers de la Californie. Les distances sont énormes, et ça stresse les insectes. « Les abeilles auront un système immunitaire affaibli, dit-elle, ce qui les rend plus vulnérables aux parasites comme le varroa. »

BANALISATION 

L’engouement pour le miel et l’abeille est très positif, dit l’apiculteur Félix Lapierre, à condition que ce soit bien fait. Lui-même vend des colonies d’abeilles et des reines à des néophytes et il est surpris de voir des gens se lancer dans l’apiculture alors qu’ils n’y connaissent strictement rien. Or, dit-il, un apiculteur doit pouvoir au moins reconnaître les maladies dans ses colonies. Un faux bourdon malade ira s’installer dans une autre ruche et contaminera toute la colonie. « Les abeilles sont fragiles », rappelle le producteur des Laurentides. Après le varroa, c’est maintenant un petit coléoptère qui fait des ravages présentement aux États-Unis, au grand dam des apiculteurs québécois qui savent bien que leurs ruches seront touchées bientôt. « Les apiculteurs se sont rajouté des tâches, explique Félix Lapierre. Ils divisent leurs ruches afin de créer des colonies plus fortes. »

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