Le courrier de la sommelière

Que penser des vins d’épicerie ?

Chaque année, en décembre et en janvier, je déguste un échantillonnage de vins à bas prix. Parce que ce n’est pas Noël tous les jours, et que nos poches ne sont pas sans fond. Et parce que ça fait toujours plaisir de trouver une petite perle : un vin peu cher, bien fait, et qui donne du plaisir à boire.

Cette fois, j’ai décidé d’aller voir du côté des épiceries. Au Québec, c’est environ une bouteille de vin sur quatre qui y est vendue ! Qu’en est-il de la qualité ?

Il n’y a presque plus de mauvais vins sur le marché aujourd’hui ; j’entends par là des vins impropres à la consommation. De meilleures connaissances en viticulture et en œnologie, ainsi que tout un arsenal d’additifs et de manipulations, permettent d’élaborer des vins sans défauts. Mais un vin dont la seule vertu est de ne pas avoir de défauts reste un vin très ordinaire.

J’ai goûté une trentaine de vins achetés en épicerie. Dire qu’il y a des dégustations moins agréables que d’autres, c’est un euphémisme.

Habituellement, il y a toujours quelques coups de cœur dans une dégustation : des vins qui nous interpellent, qui procurent du plaisir. Dans celle-ci, il n’y en a pas eu.

Les vins offerts en épicerie sont obligatoirement des vins importés en vrac et embouteillés au Québec, par l’une des 12 entreprises qui possèdent un permis d’embouteilleur. Le vin en vrac, même s’il peut être correct, demeure au mieux du vin ordinaire. Ce sont des vins qui se négocient à la source autour de 1,50 $ le litre. Quand on produit des vins en volume, au plus petit prix possible, ça implique des modes de culture et de production qui ne donnent tout simplement pas de la grande qualité.

À noter : les vins en vrac ne sont pas l’apanage des épiceries et des dépanneurs. On en retrouve près d’une soixantaine à la SAQ. Pour savoir si c’est du vrac, référez-vous à l’adresse de l’embouteilleur, inscrite obligatoirement, le plus souvent au dos de la bouteille, en petits caractères. Fortes chances que ça dise : Montréal, Québec.

Depuis 2016, ces vins peuvent afficher le cépage et le millésime. Les appellations d’origine contrôlée sont en général proscrites, sauf pour huit, dont Bordeaux et Marlborough. Mais ne vous laissez pas berner : ce n’est pas parce que ces détails figurent sur l’étiquette que le vin sera meilleur !

Saveurs chimiques de bonbon

Les résultats de cette dégustation ? La plupart des vins étaient techniquement corrects. Après tout, ils ont été testés et approuvés par les laboratoires de la SAQ : ils sont propres à la consommation. Mais de là à avoir envie de les boire, il y a tout un monde.

En général, ceux du Nouveau Monde sont les plus sucrés, avec des saveurs chimiques de bonbon, de bois cheap (des copeaux ou autres additifs qui imitent les saveurs du chêne). À des lieues des vins dignes de ce nom : ils se rapprochent plus d’une boisson gazeuse, d’un jus de fruits artificiel. Ceux du Vieux Monde sont plus souvent secs. Mais plusieurs sont minces, manquent de matière, de maturité, et affichent des saveurs souvent loin de celles du vin.

Plus chers

Mais le pire dans tout ça reste le prix : les vins achetés en épicerie sont chers. La SAQ prend sa marge habituelle sur ces vins, à laquelle il faut ajouter celle du détaillant et celle du grossiste. Les vins en épicerie sont donc toujours plus chers qu’à la SAQ, même lorsqu’ils sont offerts au rabais. N’oubliez pas que les prix affichés en épicerie sont avant taxes, et ceux à la SAQ comprennent les taxes.

L’exception à tout ça, ce sont les vins du Québec, qui peuvent aussi maintenant être vendus en épicerie. Ce n’est pas dire qu’ils vous plairont nécessairement. Mais au moins, on a affaire à de vraies personnes, souvent des artisans, qui cultivent leur terre et font leur vin. Des gens que vous pourrez contacter ou visiter pour en apprendre plus sur ce qu’ils font et leur dire ce que vous pensez de leur vin. C’est aussi encourager une économie locale.

Courrier de la sommelière

quatre vins à découvrir

Selon moi, la qualité des vins en épicerie varie de médiocre à correcte. Malgré tout, j’en ai retenu quelques-uns.

Vignoble La Bauge Fraiche-Heure Vin du Québec 2016

Léger, franc et frais, avec des arômes d’agrumes et de pomme. La bouche est nette, fraîche et juteuse, aux accents de pamplemousse et d’herbes. Léger, frais et pimpant. Tout à fait honnête et un bel exemple d’un vin québécois ! Élaboré avec des cépages hybrides bien adaptés à notre terroir : frontenac gris, seyval et vidal.

16 $ en épicerie, 13 %

Bù Splendido Chardonnay Italie 

Un nez net, avec de légers arômes de pomme, de poire et un peu de beurre. La bouche est ronde, beurrée, mais sans excès. De corps moyen et de tenue correcte, avec une finale courte, mais franche. Ça ressemble à du chardonnay, c’est sec et pas excessivement beurré ou boisé. Par contre, source d’irritation majeure, la contre-étiquette souligne des « notes minérales ». De grâce !

16 $ en épicerie,  13,35 $ à la SAQ (13066703), 13 %

Bù Vivere 2015 Italie 

Élaboré avec du sangiovese. On ne devinerait pas le cépage, mais le vin est correct. Plutôt aromatique, avec des notes de bonbon, de fruit rouge, de jujube à la framboise. Arômes fruités aussi très présents en bouche, mais le vin est sec, franc, frais, plutôt léger, sans tanins. Servi rafraîchi, il a presque un caractère gouleyant.

16 $ en épicerie, 13,35 $ à la SAQ (13066498), 12,5 %

Vignoble La Bauge Rassemble-Heure Vin du Québec 2016 

Issu des cépages hybrides frontenac noir et marquette. Nez simple, mais franc, de petits fruits rouges sucrés : framboise, cerise, canneberge. Même impression fruitée en bouche, avec des notes de gelée de fruit rouge, franc, sec (4 g/L de sucre), avec une pointe herbacée qui ajoute de la fraîcheur. Simple, mais franc et frais, avec une bonne tenue. À servir frais, autour de 14 oC.

16 $ en épicerie,, 13 %

* Nous indiquons les prix incluant les taxes, comme à la SAQ. En épicerie, les prix sont habituellement affichés avant taxes.

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