HOCKEY JEFF PETRY

Leçons paternelles

La femme de Jeff Petry, Julie, a conduit d’Edmonton jusqu’à Montréal avec son père, peu de temps après la transaction qui a amené le défenseur de 27 ans chez le Canadien. Un soir, après un match au Centre Bell, ils étaient seuls dans l’espace où parents et amis attendent les joueurs. Deux nouveaux visages qui, visiblement, n’étaient pas là pour réclamer des autographes.

Sans crier gare, Carey Price s’est approché d’eux et leur a dit : « Vous êtes nouveaux ici ? Je me présente, Carey Price… »

Lorsqu’il s’est fait raconter l’anecdote, le père de Petry a compris que son fils venait d’atterrir dans un environnement sain et tissé serré.

« Le chandail du Canadien est l’équivalent de l’uniforme rayé des Yankees, a raconté Dan Petry à La Presse. C’est une grosse affaire que d’enfiler cet uniforme-là. »

Dan Petry est un ancien lanceur étoile des Tigers de Detroit, avec lesquels il a remporté la Série mondiale en 1984. C’était un vrai bourreau de travail qui a récolté 18 victoires cette année-là à Detroit.

La semaine dernière, ç’a été à son tour de se retrouver parmi les familles après les deux premiers matchs de la série. Le Centre Bell ne se compare à rien de ce qu’il a vu auparavant. Pour en témoigner, il y a dans son téléphone des dizaines de vidéos, depuis les cérémonies d’avant-match jusqu’aux buts marqués par le Canadien.

AU RISQUE DE DÉCEVOIR PAPA

Dan et Jeff Petry constituent le premier duo père-fils de l’histoire liant les ligues majeures de baseball à la LNH.

Originaire de la Californie, Dan Petry ne connaissait pas grand-chose au hockey lorsqu’il a amorcé sa carrière à Detroit au début des années 80. Mais son fils Jeff – que le hasard a fait naître à Ann Arbor, le quartier général de Hockey USA – allait être exposé au hockey comme lui ne l’avait jamais été.

« Dès le moment où l’on a décidé de s’établir au Michigan, j’ai été clair avec mes garçons, a-t-il raconté. Je pouvais leur montrer à lancer une balle courbe, mais pour le coup de patin ou le jeu de position, j’étais mal placé pour parler. Je ne pouvais pas être autre chose qu’un père. J’ai donc voulu trouver pour Jeff les meilleurs entraîneurs, les meilleurs experts en “power skating”, et surtout l’encourager le plus possible. »

Jeff était à l’école secondaire lorsqu’il a choisi de délaisser le baseball – son père était gérant de l’équipe de l’école – afin de se consacrer uniquement au hockey.

« Ç’a été un choix difficile pour lui parce qu’il pensait heurter mes sentiments – ce qui n’était pas le cas. Il a fait le bon choix ! »

SE BLINDER DE CONFIANCE

La récente acquisition du CH n’a pas raté beaucoup de matchs à cause de blessures depuis le début de sa carrière. Ce que prêchait son père y est peut-être pour quelque chose.

« Je retirais beaucoup de fierté dans le fait de ne pas rater de départs, soutient l’ancien lanceur. En 1983, j’ai mené la Ligue américaine pour le nombre de départs. L’équipe et les entraîneurs apprécient le fait que tu sois toujours au rendez-vous et c’est quelque chose que j’ai voulu mettre en valeur auprès de Jeff. »

« C’est une sensation horrible d’être blessé et de ne pouvoir rien faire pour aider ton équipe. »

— Dan Petry

« Le hockey est un sport si violent que certaines choses sont pratiquement inévitables, mais prendre soin de soi-même, travailler fort et y mettre l’effort durant l’été sont des choses qui finissent par rapporter pendant la saison. »

Le hockey n’offre pas le même jeu du chat et de la souris qu’une confrontation entre un lanceur et un frappeur. Mais dans les deux sports, la confiance est un préalable au succès.

« L’aspect mental du jeu est énorme. Qu’on soit sur un monticule ou sur la patinoire, la confiance en soi est nécessaire. Quand j’affrontais George Brett, je devais me convaincre qu’il n’y avait aucune chance possible qu’il puisse obtenir un coup sûr contre moi. Ce n’était pas nécessairement vrai, mais il fallait que j’y arrive pour éviter d’être intimidé par les meilleurs joueurs. »

Il va de soi que Dan Petry juge que Jeff est à son mieux lorsqu’il joue avec confiance. Or, c’est ce qu’a relevé Michel Therrien au cours des derniers jours.

« Depuis un mois, il joue le meilleur hockey de sa carrière, a avancé l’entraîneur-chef. Il est à l’aise dans notre façon de jouer et ça paraît sur la glace. Il est bon défensivement, il peut ajouter des points au tableau… J’aime beaucoup ce que je vois de lui. »

ANNÉE DE PREMIÈRES

Il s’agit d’une année importante dans la carrière de Jeff Petry. Première fois qu’il est échangé, première fois qu’il participe aux séries, l’autonomie complète une fois que tout sera terminé…

Ce sont toutes des réalités que son père a déjà vécues.

Le défenseur du Canadien est d’ailleurs né trois jours seulement après que son père eut été échangé pour la première fois.

« Nous avions perdu contre les Twins du Minnesota après avoir remporté le titre de la division Est, se souvient l’ex-lanceur. J’avais eu des problèmes au bras en 1986 et j’étais revenu la saison suivante sans que tout soit complètement rentré dans l’ordre. J’avais besoin d’un nouveau départ et j’étais à l’aise avec l’idée d’être échangé. »

On pourrait dire la même chose de Jeff. Après cinq saisons à poireauter avec les Oilers, il était mûr pour un changement de décor.

Sauf que Petry doit maintenant composer avec une pression additionnelle et toute nouvelle pour lui, celle des séries.

« Mon conseil pour lui demeure le même qu’il a toujours été, confie Dan Petry. Rendu à un tel niveau, certains joueurs sont une coche au-dessus des autres – comme P.K. Subban ou Shea Weber – mais tout le monde est très bon. Il faut donc trouver une façon de se distinguer. Et le travail incessant et la persévérance sont la seule façon d’y arriver. »

« On connaît tous des échecs, mais il faut avoir les outils pour rebondir rapidement. »

— Dan Petry

« Quand je jouais, je regardais les autres lanceurs. Je trouvais qu’ils lançaient plus fort que moi, qu’ils avaient un meilleur arsenal… Comment est-ce que j’allais me distinguer ? Il faut sans cesse s’examiner et trouver des façons de devenir meilleur. Y arriver, d’abord, mais surtout maintenir ces améliorations par la suite… »

À ses trois premiers matchs en séries, Petry a visiblement trouvé le moyen de devenir meilleur. Personne chez le Canadien ne joue autant que lui à forces égales (19 : 59) et le taux de possession de rondelle de l’équipe est le même (57 %) quand Petry est sur la glace que lorsque P.K. Subban y est.

« Ça m’a pris un certain temps pour faire la transition et me familiariser avec le style de jeu, a-t-il indiqué, mais je me sens très bien depuis environ huit matchs.

« Juste à temps pour les séries ! »

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