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Dans un cas comme dans l’autre, racontez-nous !

Un dossier spécial à venir le 29 mars.

Chronique

Sociétés et diktats d’État

Cela fait des années que l’on rappelle – quand on ne le reproche tout simplement pas – aux ménages et contribuables québécois combien ils sont choyés d’être les consommateurs qui, de partout en Amérique du Nord, paient le moins cher pour profiter des bienfaits de l’électricité.

Ce fait convenu et incontestable est aussi générateur d’une grande fierté pour les Québécois parce qu’il leur confirme combien le combat pour l’étatisation de l’hydroélectricité du début des années 60 était éminemment juste et pertinent.

Chaque année, dans son rapport annuel, Hydro-Québec ne se lasse pas d’ailleurs de nous le ramener à notre mémoire collective en nous présentant un tableau comparatif qui fait la recension des prix payés par les consommateurs d’électricité partout ailleurs en Amérique du Nord et la démonstration que les Québécois restent les usagers qui profitent des prix les plus avantageux sur le continent malgré une hausse de tarifs cumulative de près de 30 % depuis 2004.

La dernière hausse tarifaire de 2,9 % que la Régie de l’énergie vient de consentir à Hydro-Québec pour ses clients résidentiels – et qui entrera en vigueur dans trois semaines – n’altérera pas le statut privilégié des consommateurs québécois, mais elle est une nouvelle confirmation que la société d’État opère depuis quelques années une double comptabilité.

Non seulement Hydro-Québec a livré des profits et un dividende record de 3,4 milliards et de 2,5 milliards à son dernier exercice financier, elle doit encore une fois hausser ses tarifs pour compenser les coûts d’achat de l’électricité excédentaire que produisent les parcs éoliens.

La Régie de l’énergie ne s’en cache pas. Soixante-quinze pour cent de la hausse de 2,9 % qu’elle a autorisée lundi résulte des coûts excédentaires qu’Hydro devra débourser pour l’achat d’énergie éolienne dont elle n’a pas besoin.

À sa dernière conférence de presse comme PDG d’Hydro-Québec, Thierry Vandal a refusé de considérer que les 358 millions de revenus provenant de la hausse de tarifs de 4,3 % d’avril 2014 avaient contribué à la hausse des profits d’Hydro. Cette manne de 360 millions n’avait servi, selon lui, qu’à réduire la perte pour les coûts d’acquisition d’énergie excédentaire que la société d’État avait dû prendre en charge.

En d’autres mots, les consommateurs québécois ont beau profiter des tarifs d’électricité les moins chers en Amérique du Nord, on leur demande, via Hydro-Québec, de subventionner des politiques de développement économique régional qui n’ont rien à voir avec le service pour lequel ils paient néanmoins de plus en plus cher.

Je ne suis pas contre le développement de la filière éolienne. J’y suis plutôt sympathique tout comme je suis favorable à ce que le gouvernement québécois y participe activement. Mais qu’il le fasse à visière levée, en assumant les coûts de ses investissements plutôt que de les transférer de façon complaisante dans la comptabilité de sa société d’État commerciale la plus performante.

REFILER LA DETTE ET LES RESPONSABILITÉS

Ce n’est malheureusement pas le seul diktat politique que la course à l’équilibre budgétaire a insidieusement distillé au fil des dernières années dans le mandat et la nature même de nos sociétés d’État.

On l’a vu en début d’année, la Caisse de dépôt a décidé de se lancer à fond de train dans le développement et la gestion d’infrastructures au Québec : construction et opération d’un lien ferroviaire sur le nouveau pont Champlain et d’un autre réseau pour raccorder le centre-ville et l’ouest de Montréal.

Une initiative qui a coïncidé avec la volonté du gouvernement québécois de réduire sa propension à utiliser la dette comme levier de financement pour la modernisation de ses infrastructures qui en ont toutefois grand besoin.

Comme tous les grands investisseurs institutionnels, la Caisse est à la recherche de placements alternatifs qui rapportent et qui lui permettent de réduire son exposition au risque et à la volatilité des marchés financiers traditionnels.

Depuis une dizaine d’années, la Caisse s’est engagée dans l’acquisition de participations dans des infrastructures publiques, la première et la plus importante ayant été son investissement dans Heathrow Airport Holdings, en 2006.

Il y a une semaine, la Caisse a annoncé qu’elle prenait, au prix de 850 millions, une participation de 30 % dans le réseau de train à grande vitesse Eurostar qui relie Londres au continent européen.

À l’instar de ses autres participations dans les infrastructures, la Caisse agira ici à titre d’investisseur minoritaire, la Société nationale des chemins de fer français restant l’actionnaire principal d’Eurostar (à 55 %) et le dépositaire de l’expertise d’opérateur.

L’implication de la Caisse dans ses projets d’infrastructures au Québec déborde toutefois largement le rôle de simple investisseur qu’elle avait jusqu’à maintenant toujours observé.

La Caisse compte s’imposer comme maître d’œuvre de la mise en terre des nouvelles infrastructures et comme responsable de leurs opérations durant leur vie utile.

On aime aimer la Caisse pour ses talents à générer de façon discrète et disciplinée le maximum de rendement des investissements qu’elle fait au nom de tous les Québécois sur les marchés, et ce, même en temps de relative disette.

Il serait désolant de voir cette institution appréciée de tous se rabaisser pour se retrouver au cœur de polémiques entourant le dépassement d’échéanciers de construction ou des budgets prévus.

D’être au centre de perpétuelles quêtes de subventions additionnelles, ou d’être contrainte d’exiger des hausses de tarifs pour livrer les rendements attendus, en dépit d’achalandages déficients.

Les Québécois sont favorables à ce qu’Hydro-Québec réalise des profits record en sachant qu’ils sont les fruits d’une société publique bien gérée, compétitive et tributaire de son héritage fondateur.

Tout comme ils sont favorables à ce que la Caisse innove dans ses processus de sélection de classes d’actifs qui lui apparaissent comme les plus porteurs. Tant que les rôles et les fonctions de chacune de ces sociétés d’État restent clairs et à l’abri des diktats politiques commandés par la conjoncture.

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