Société

Une publicité « hypersexualisée » de Garage décriée

Une photo de deux jeunes femmes en bikini, le corps badigeonné d’huile, publiée lundi par la marque de vêtements montréalaise Garage pour lancer sa nouvelle collection « festival » a soulevé l’ire des internautes, qui ont laissé plus d’un millier de commentaires en 24 heures sur la page Facebook de l’entreprise. Erreur de jugement ou volonté de provoquer ?

« Mon Dieu, les publicités de chez Garage ne sont plus ce qu’elles étaient. Je vous rappelle que votre brand vise les jeunes adolescentes, je trouve que cette photo est inappropriée pour votre public cible », peut-on lire sous la publication.

La photo, qui a été publiée sur les divers comptes de réseaux sociaux de l’entreprise ainsi que sur son site web, est tirée d’une séance photo réalisée pour promouvoir la nouvelle collection. Une autre photo, où l’on voit trois filles de dos, dont l’une portant un bas de bikini, a aussi suscité son lot de commentaires. 

Pour Jacques Nantel, expert en marketing, professeur émérite et retraité de HEC Montréal, ce choix d’image ne peut pas être « entièrement naïf ». Selon lui, la volonté de provocation est claire. « Le pari que je ferais est que les gens qui sont déconcertés, révoltés, insultés, ce ne sont pas les clients que vise Garage, avance-t-il. Ce sont probablement des personnes plus âgées, dans certains cas des parents. C’est exactement ce qu’on a voulu provoquer. On a créé une campagne qui faisait du bruit et on veut qu’une partie de la population, qui est le segment que l’on vise, trouve ça extraordinaire. »

Il croit que l’entreprise, qui s’affiche comme une marque de vêtements pour adolescentes, a volontairement choisi de mettre de l’avant ces photos, sachant qu’elle toucherait ainsi une corde sensible. 

« On sait que ce n’est probablement pas socialement la chose la plus jolie à proposer, comme campagne, j’entends. C’est une action qui est marchande. Ça va avoir un effet négatif, c’est sûr, mais pas chez le public que l’on vise. »

— Jacques Nantel, expert en marketing

Ce n’est toutefois pas une approche qu’il encourage, tient-il à préciser. « Ce n’est pas une chose qui, sur le plan professionnel, ne m’impressionne ni ne m’étonne. »

Une image irréaliste

La diffusion de telles images peut avoir un impact considérable chez les adolescentes, déplore Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projet chez ÉquiLibre, un organisme qui a pour mission de prévenir et de diminuer les problèmes liés au poids et à l’image corporelle. 

« Selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire, plus d’un adolescent sur deux est insatisfait de son apparence. Le fait d’être exposé souvent comme ça à une image qui est irréaliste, que ce soit dans une publicité comme celle-là ou dans l’environnement qui entoure les jeunes, ça les amène à vouloir se conformer à cet idéal, qui finalement est inatteignable, parce qu’il est très peu représentatif de la vraie population. »

— Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projet chez ÉquiLibre

« En plus, ce modèle-là est très hypersexualisé, donc ça porte aussi à avoir un regard d’objectivation du corps », poursuit-elle. 

Elle croit toutefois que les choses changent et que les entreprises sont de plus en plus sensibles aux questions de diversité corporelle. ÉquiLibre remet d’ailleurs chaque année les prix Image/in qui récompensent des initiatives faisant la promotion d’une image « saine et diversifiée » du corps, dans les domaines des médias, de la publicité et de la mode. « Ça s’est beaucoup amélioré depuis les dernières années. Et des réactions comme celles qu’on vient de voir sur cette entreprise-là, ça montre que les gens sont vraiment plus sensibilisés. C’est très positif. Mais il y a quand même encore du travail à faire, parce qu’on voit justement que certaines entreprises n’ont pas compris le message. »

Joint hier, le service des relations de presse de Garage n’a pas rappelé La Presse. Au moment de publier, la publication était toujours visible sur la page Facebook de la marque.

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