On entend souvent parler de la « fraude des grands-parents », par laquelle des inconnus ciblent des gens âgés au téléphone en se faisant passer pour leur petit-enfant, dans le but de leur soutirer de l’argent.
Mais des sommes plus importantes sont souvent en jeu quand les escroqueries sont orchestrées par des proches : famille, amis, voisins, aide à domicile.
« Selon les statistiques, de plus en plus de personnes aînées sont victimes de fraude et de vol qui sont souvent commis par une personne de confiance dans leur entourage, qu’elle soit un proche aidant, une aide à domicile ou un employé d’une résidence privée ou du réseau public », indique le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), dans un communiqué publié récemment à la suite d’une histoire de ce genre.
Voici trois cas de poursuite récents.
Ses femmes de ménage lui auraient soutiré 123 000 $
Quand Nuri Capristan Solis et sa mère Yolanda Capristan Rodriguez allaient faire le ménage chez Pauline Roberge*, les deux femmes se plaignaient de leurs problèmes matrimoniaux, de leurs difficultés financières et de leurs mauvaises conditions de travail, selon une poursuite civile déposée en Cour supérieure contre les deux femmes, le mois dernier.
Elles amenaient parfois avec elles le fils de Mme Capristan Solis, âgé de moins de 5 ans.
Elles auraient agi ainsi pour manipuler émotionnellement la dame de 93 ans, pour susciter sa compassion, tout en établissant avec elle une « liaison d’amitié factice », en lui faisant croire qu’elles se souciaient d’elle, allègue la poursuite intentée par Mme Roberge.
La mère et sa fille l’auraient « isolée de sa famille et de ses amis », alors que sa santé se détériorait.
« Profitant de la fragilité, de l’état de santé et de la solitude de madame [Roberge], les [femmes de ménage] ont abusé de sa vulnérabilité et l’ont exploitée de sorte qu’elle leur remette d’importantes sommes d’argent par chèques successifs, alors qu’elle ne pouvait dûment consentir à de pareilles décisions », peut-on lire dans la poursuite.
Entre janvier 2015 et décembre 2017, Mme Roberge aurait signé 15 chèques au nom de l’une ou l’autre des deux femmes de ménage, pour un total de 123 000 $. Nuri Capristan Solis aurait notamment reçu un chèque de 50 000 $ le 3 février 2017.
Quand une proche de Mme Roberge a pris connaissance de ces versements, elle a aussi réalisé que ses comptes d’électricité, de télécommunications, de carte de crédit et ses impôts n’avaient pas été payés depuis plusieurs mois, allègue la poursuite.
La vieille dame demande le remboursement des sommes versées, parce qu’elles auraient été obtenues illégalement, « en raison du comportement fautif, frauduleux et abusif » des femmes de ménage.
Aucune accusation criminelle n’a été déposée dans cette affaire et les allégations n’ont pas été prouvées devant les tribunaux. L’avocat des deux femmes poursuivies, Me Jean Méthot, n’a pas répondu à notre demande d’entrevue, lorsque nous lui avons donné l’occasion de donner son point de vue.
* Le nom de la victime a été changé, puisqu’il s’agit d’une personne âgée vulnérable.
Arrêtée pour avoir volé une carte de crédit dans le courrier
Une employée de 53 ans d’une résidence pour personnes âgées a été arrêtée récemment pour avoir volé, dans le courrier, la nouvelle carte de crédit d’une résidente de 91 ans, et s’en être servie pour faire des achats totalisant 6600 $.
« Une fois la carte de crédit volée, la suspecte a appelé la banque en se faisant passer pour cette résidente. Elle a obtenu par courrier un nouveau numéro d’identification personnel (NIP) en prétextant qu’elle devait s’acheter rapidement des appareils auditifs. La suspecte a ainsi pu utiliser la carte de crédit pour effectuer divers achats et retirer de l’argent au guichet », explique le SPVM, dans un communiqué.
Bien que des accusations criminelles aient été déposées contre l’employée en question, le SPVM n’a pas voulu divulguer son nom, pour éviter que la victime et sa résidence puissent être identifiées.
La vieille dame a été remboursée par la banque, tandis que l’employée fait face à deux chefs d’accusation pour fraude. Elle n’est plus au service de la résidence.
Une aide familiale aurait dérobé 78 000 $ à la mère d’un juge
Frauder la mère d’un juge n’était sans doute pas la meilleure idée. C’est pourtant ce qu’aurait fait une aide familiale de 63 ans, Dolly Boodlal, en imitant la signature de sa cliente âgée pour falsifier des chèques, en plus d’utiliser sa carte de crédit.
Elle lui aurait ainsi dérobé 78 000 $, selon une poursuite civile déposée en Cour supérieure le mois dernier.
Dolly Boodlal avait été embauchée en 2014 pour prendre soin de la mère, âgée de 77 ans, du juge de la Cour du Québec Manlio Del Negro. La famille avait fait affaire avec la firme Redfern Services afin de recruter une aide familiale, pour que la vieille dame puisse continuer de vivre chez elle de façon sûre.
« Redfern a assuré [aux membres de la famille Del Negro] que tous ses candidats étaient irréprochables, que leur dossier était scruté à la loupe », peut-on lire dans la poursuite.
« Or, leur confiance a été trahie et bafouée. […] Désemparée par les événements, [la dame âgée] a subi un choc qui l’a fait sombrer dans une dépression et a aggravé son état de santé. »
La famille Del Negro aurait ensuite découvert que Dolly Boodlal avait été condamnée pour vol en 1996. Elle doit maintenant répondre à des accusations criminelles pour fraude, vol et contrefaçon, en plus d’être poursuivie au civil pour 200 000 $.
L’agence Redfern Services, aussi visée par la poursuite civile, n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.