Éditorial

La santé des C.A.

La crise qui secoue le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) nous rappelle à quel point l’indépendance des conseils d’administration est fragile en santé. Et ça ne va pas s’améliorer avec la loi 10.

Les hôpitaux, comme les entreprises, gèrent du personnel et des budgets, fournissent des services, ont des clients. Leurs conseils d’administration (C.A.), par contre, évoluent dans un cadre beaucoup plus étroit qu’au privé.

Les possibilités de financement en dehors de l’enveloppe allouée par le ministère sont limitées. Suspendre un service coûteux comme l’urgence n’est pas une option non plus. Et que des administrateurs, aussi indépendants soient-ils, se fassent poser des questions par l’agence, le ministère ou le ministre n’est pas inusité non plus. Un C.A. qui adopte un budget déficitaire, non par négligence, mais parce que c’est la conséquence inévitable des coûts et obligations avec lesquels il doit composer, s’est toujours exposé à se faire retourner sa copie.

Jean-Claude Deschênes, qui présidait le conseil du CHUM jusqu’à vendredi dernier, est un vieux routier du système de santé. Il a déjà dirigé un hôpital, siégé au C.A. d’agences de santé, présidé le C.A. d’un autre CHU et travaillé comme sous-ministre. Bref, il en a vu d’autres. Son indignation est éloquente. Comme il le rappelle dans sa lettre de démission, la nomination d’un chef de département est, de par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, une responsabilité du conseil. Le C.A. du CHUM avait créé un deuxième comité de sélection à cet effet. On se serait attendu à ce que celui-ci puisse remplir son mandat en paix.

Plusieurs membres du C.A. ont démissionné, on verra si d’autres suivront. Il reste peu de temps pour ce genre de coup d’éclat : au 31 mars, le C.A. du CHUM sera dissous, comme celui de tous les établissements de santé de la province.

La loi 10 change complètement les règles du jeu. Les nominations du PDG et de son PDG adjoint, qui relèvent normalement du conseil, sont faites par le ministre, tout comme celle du président du C.A., de ses 10 membres indépendants et de ses deux représentants universitaires. Certes, les C.A. retrouveront des responsabilités après la période de transition. Sauf que le ministre pourra toujours leur retirer des pouvoirs s’il estime leur gestion inadéquate. La loi a beau parler de situation « exceptionnelle », celui qui veut noyer son chien lui trouvera toujours des symptômes permettant de l’accuser de la rage.

Les candidatures soumises au ministre semblent sérieuses, les administrateurs indépendants qu’il nommera ont de bonnes chances d’être compétents et expérimentés. Mais justement, des administrateurs qui prennent leur rôle au sérieux ne prendront pas nécessairement des décisions qui font l’unanimité – surtout avec les fusions imposées par la Loi 10, qui nécessiteront de nombreux arbitrages. Les laissera-t-on faire leur travail ?

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