OPINION

OBSERVATOIRE QUÉBÉCOIS DES INÉGALITÉS Miser sur l’égalité, le remède miracle

À quoi ressemblerait un Québec idéal pour sa population, sa classe politique, son milieu des affaires et sa société civile ?

Parions qu’il comprendrait une population avec un niveau élevé de bien-être et d’espérance de vie, une croissance économique robuste et soutenable qui bénéficie à tout le monde, des entreprises innovantes et concurrentielles, des crises économiques et financières rarissimes, une classe moyenne forte et moins endettée, des enfants ayant un avenir marqué par de nombreuses occasions à saisir, un taux de réussite éducative plus élevé, des taux de criminalité et de corruption particulièrement faibles, ainsi qu’une société ayant une forte cohésion sociale et une démocratie en santé. Rien de moins.

Étonnamment, pour atteindre ces objectifs, il existe une recette qui fait désormais consensus tant pour les experts que pour les institutions internationales : réduire les inégalités de revenus lorsqu’elles sont trop élevées, c’est-à-dire lorsqu’elles génèrent des coûts importants pour l’économie et pour la société.

Le Québec fait déjà mieux que ses voisins sur plusieurs de ces tableaux justement parce qu’il est caractérisé par des écarts économiques plus faibles entre les nantis et les moins nantis, et qu’il possède une classe moyenne plus grande. Les inégalités, c’est un choix de société. La nôtre s’est dotée d’institutions, d’un filet social plus généreux et d’une fiscalité conséquente. Une réussite collective qui nous démarque de notre contexte nord-américain.

Cela dit, ces écarts de revenus ont malgré tout eu tendance à s’accroître depuis les années 80. Moins qu’ailleurs, heureusement. Néanmoins, la taille de la classe moyenne a eu tendance à se réduire.

Le 1 % le plus riche a vu ses revenus doubler alors que les 99 % restants ont essentiellement fait du surplace.

Quant aux personnes, aux parents et à leurs enfants ne parvenant même pas à couvrir leurs besoins de base, ils pourraient remplir plus de 60 fois le Centre Bell. La famille dans laquelle on naît, le genre, la couleur de la peau, l’âge et bien d’autres facteurs sur lesquels un individu n’a pas de prise déterminent trop souvent si l’on en sort gagnant ou perdant.

UN nouvel acteur

Alors, qu’attendons-nous ? Essentiellement, que le coût élevé des inégalités que nous payons déjà soit mieux connu ; que les débats publics misent davantage sur les faits et accordent moins d’importance aux intérêts et aux idéologies ; que la volonté politique et sociale soit suffisante.

Pour répondre à ces enjeux, une diversité d’organisations publiques et privées, des chercheurs et des personnalités se rallient pour fonder un nouvel acteur du débat public : l’Observatoire québécois des inégalités.

Établie à l’Université de Montréal, cette organisation indépendante vise la réduction des inégalités de revenus, d’opportunités et de qualité de vie lorsqu’elles sont trop élevées, en mobilisant et en vulgarisant des connaissances scientifiques.

Pour que les actions des décideurs politiques, économiques et sociaux reposent sur les meilleures connaissances et pratiques, le Québec gagnerait à développer le « réflexe scandinave ». Lorsqu’un enjeu collectif se profile, ces sociétés l’abordent d’abord en posant comme questions : que disent les faits ? Que dit la science ? Pour y répondre, les Scandinaves s’appuient sur un écosystème d’organisations et de centres de recherche apolitiques.

Il est temps que le Québec développe un tel réflexe. La naissance de l’Observatoire y contribuera. Une société épanouie, innovante, résiliente et au bénéfice de tous est à notre portée. À nous de saisir l’occasion.

* Signataires : Louise Arbour, ex-haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme ; Louis Audet, président exécutif du Conseil d’administration, Cogeco ; Léopold Beaulieu, président-directeur général, Fondaction ; Denise Byrnes, directrice générale, Oxfam-Québec ; Julie Caron-Malenfant, directrice générale, Institut du Nouveau Monde ; Jean-Marc Chouinard, président, Fondation Lucie et André Chagnon ; Daye Diallo, président, Force jeunesse ; Sonia Éthier, présidente, Centrale des syndicats du Québec ; Pierre Fortin, professeur émérite, département de sciences économiques, UQAM ; Christine Fréchette, présidente-directrice générale, Chambre de commerce de l’Est de Montréal ; Jacques Létourneau, président, Confédération des syndicats nationaux ; Julie Loslier, directrice de la santé publique de la Montérégie ; Bruno Marchand, président-directeur général, Centraide Québec et Chaudière-Appalaches ; L. Jacques Ménard, président émérite, BMO Groupe financier, Québec ; Louise Otis, présidente du tribunal administratif de l’OCDE, cofondatrice de TaxCOOP ; Alain Paquet, professeur titulaire d’économie, ESG-UQAM et ancien ministre délégué aux Finances, gouvernement du Québec ; Thomas Piketty, professeur à l’École d’économie de Paris ; Nadine Raymond, présidente du conseil d’administration, Observatoire québécois des inégalités et directrice principale Innovation & Développement, Les YMCA du Québec ; Mario Tremblay, vice-président, Fonds de solidarité FTQ ; Stéphanie Trudeau, vice-présidente principale, Énergir

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