Affaibli, le Château voit « le bout du tunnel »

Le cours de l’action du Château, qui oscille entre 6 et 12 cents depuis le début de mai, laisse craindre le pire. Mais les dirigeants de l’entreprise se veulent rassurants : la fermeture d’une trentaine d’autres magasins déficitaires et la hausse des ventes en ligne assureront le retour à la profitabilité du détaillant fondé en 1959.

Si tout se passe comme prévu, 90 % du plan d’affaires prévoyant la fermeture de tous les magasins non profitables aura été mis en œuvre avant la fin de l’année, assure la haute direction. Ainsi, après les 25 fermetures de l’an dernier, 18 autres sont imminentes. On dénombre actuellement 179 magasins Le Château à travers le pays.

« Nous commençons à voir le bout du tunnel », a déclaré la présidente du conseil et chef de la direction, Jane Silverstone Segal, lors de l’assemblée annuelle des actionnaires tenue mercredi.

L’objectif est d’exploiter 150 magasins (d’ici 2020), plutôt que 235 comme c’était le cas en 2012. Il s’agit d’une réduction de 36 %. « Ceux qui restent seront tous rentables et à de bons emplacements », a affirmé le vice-président aux finances du Château, Johnny Del Ciancio, au cours d’un entretien avec La Presse.

Le Château sur Amazon

D’ici là, les fermetures continueront de nuire aux résultats financiers puisqu’elles forcent des liquidations de stocks qui affectent négativement la marge de profit. Cela plombera-t-il le cours de l’action encore plus ? « Non, je ne pense pas qu’elle puisse descendre plus bas que présentement », a répondu le grand responsable des finances.

Vendredi, le titre a terminé la séance à 10 cents. On est bien loin du sommet de 17,40 $ atteint le 20 juillet 2007. En 10 ans, la capitalisation boursière est donc passée de 700 millions à 3 millions, soit environ 16 760 $ par magasin.

Notons que Le Château vient d’obtenir l’autorisation de retirer ses actions du TSX et de les inscrire à la Bourse de croissance TSX. Cette Bourse est moins coûteuse et offre plus de flexibilité dans la divulgation d’informations, fait valoir le détaillant.

L’autre grande stratégie est de miser sur le commerce électronique. Des millions ont été investis en technologie et infrastructures ces dernières années pour accaparer des parts de ce marché grandissant. Les ventes en ligne ont bondi de 44 % l’an dernier. Et depuis quelques jours, la marque Le Château est offerte sur Amazon. « Il faut être dans cet univers pour exister », note Franco Rocchi, vice-président, ventes et exploitation.

Assemblée sans grand enthousiasme

Johnny Del Ciancio est également rassuré, dit-il, par le renouvellement récent des facilités de crédit, qui lui donnent assez de marge de manœuvre pour poursuivre son plan sans devoir se placer à l’abri des créanciers. « Ce n’est pas une option en ce moment. Ce ne serait pas avantageux. […] Il y a des coûts associés au processus, et ta marque subit pas mal de choses quand tu traverses cela. […] Avec notre plan d’affaires, ça n’aurait pas de sens. »

Les derniers bénéfices nets du Château – 19,6 millions – remontent à l’exercice 2010. Depuis, les pertes ont totalisé 139 millions.

Tout cela ne réjouit évidemment personne, ce qui était flagrant lors de l’assemblée qui a duré 10 minutes pile et réuni 14 personnes. L’administrateur Michael Pesner a lu les documents formels d’usage avant de clore la rencontre. Par la suite, la présidente du conseil et chef de la direction, Jane Silverstone Segal, a lu sans grande conviction apparente une déclaration écrite. La présidente Emilia Di Raddo n’a pas parlé, et aucune des deux femmes n’a répondu aux questions des médias.

Un seul actionnaire a interrogé la direction. Il voulait savoir s’il sera bientôt possible de retourner en magasin la marchandise achetée en ligne. Ce sera possible en 2018, soit un an plus tard que prévu, a-t-on appris.

Le fondateur a confiance

Après la rencontre, le fondateur du Château, Herschel Segal, nous a dit avoir « beaucoup confiance dans la marque ». Il juge que « l’équipe fait un super travail », ce qui inclut sa femme Jane Silverstone Segal.

L’homme d’affaires constate que l’environnement d’affaires a « drastiquement changé », ce qui amène son lot de défis. Mais avec « de la ténacité » et « des nouveautés à des prix pour tout le monde », Le Château sera en mesure de surmonter les défis, croit-il.

Déjà, certains signes sont positifs. « Les ventes de vêtements pour femmes (+ 1 %) et de chaussures (+ 10,5 %) augmentent. Ça, c’est très encourageant », note Johnny Del Ciancio. Les accessoires ont subi une baisse de 6,8 % l’an dernier, mais il y a présentement « un rebond ». Les ventes de vêtements pour hommes (- 4,9 %) reculent, mais la marge de profit qu’ils génèrent est supérieure à celles des collections féminines puisqu’ils passent moins rapidement de mode et sont, en conséquence, moins souvent soldés.

« Je ne dois pas avoir peur que ça disparaisse, conclut néanmoins M. Segal, dans un élan philosophique. Rien n’est permanent, vous savez… »

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