Rain

Géométrie des âmes

Œuvre majeure du répertoire d’Anne Teresa De Keersmaeker, Rain sera présentée à Montréal dès jeudi sur les planches du Théâtre Maisonneuve par 10 danseurs de Rosas, la compagnie de la talentueuse chorégraphe belge lauréate du Grand Prix de la danse de Montréal pour Cesena et En Atendant en 2012. Entrevue avec Jakub Truszkowski, directeur des répétitions et danseur dans Rain lors de sa création.

Créée il y a 16 ans, au Théâtre de la Ville de Paris, Rain est de ces pièces qui marquent à jamais un répertoire. C’est sans doute la raison pour laquelle elle est également la première création qu’Anne Teresa De Keersmaeker a accepté de transmettre à une autre compagnie. En 2011, Jakub Truszkowski a ainsi été chargé de diriger les répétitions de Rain pour les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris. Une mission sur mesure pour le danseur de la compagnie Rosas qui a lui-même participé à la création de cette pièce.

« J’avais travaillé avec Anne Teresa sur In Real Time, une pièce massive de trois heures, avec un ensemble de jazz, une troupe de théâtre danse et les danseurs de Rosas. Je venais à l’époque de rejoindre la compagnie et Anne Teresa m’avait demandé de créer une phrase opposée à celle qu’elle venait de chorégraphier, ce qui a donné une sorte de dialogue homme/femme qu’on a repris dans Rain, une version “dansée” d’In Real Time », se rappelle Jakub Truszkowski.

Fruit d’un travail mathématique et géométrique d’une extrême précision, Rain est composé de lignes droites, courbes et diagonales, de spirales, de sauts, de chutes et de rebonds, soit autant de voies empruntées pour souligner les relations entre l’individu et le groupe. « De nombreuses créations en danse sont basées sur l’émotion ou la narration. Alors que lorsqu’on regarde le travail d’Anne Teresa De Keersmaeker, cela n’implique aucun de ces deux éléments. C’est un mécanisme intéressant, qui débute de manière très mathématique et précise, mais qui, au fur et à mesure, s’humanise et devient plus organique », explique Jakub Truszkowski.

« On ne raconte donc pas d’histoire. Les mouvements deviennent l’histoire. »

— Jakub Truszkowski

Inspiré par le roman du même nom de Kirsty Gunn, Rain marque la troisième rencontre artistique entre Anne Teresa De Keersmaeker et Steve Reich. La chorégraphe s’appuie sur la musique répétitive et minimaliste du compositeur américain pour engager ses danseurs dans une véritable course contre le temps sur Music for 18 Musicians, une pièce dont le point de départ est le souffle des clarinettistes.

Transmission

Directeur des répétitions de Rain auprès des danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris en 2011, Jakub Truszkowski s’est également chargé de transmettre la chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker aux 10 interprètes de la compagnie Rosas qui monteront sur scène jeudi soir à Montréal. Un exercice périlleux qui demande bien plus que l’apprentissage des mouvements de cette pièce.

« Au-delà des mouvements, les danseurs doivent aussi assimiler la philosophie de la compagnie. On a consacré deux mois à l’apprentissage des interprètes du Ballet de l’Opéra de Paris alors qu’ils sont habitués à apprendre du Balanchine en trois semaines ! Quand on enseigne une chorégraphie comme Rain, on doit également transmettre un vocabulaire, une technique pour leur permettre de comprendre comment bouger », précise Jakub Truszkowski. « Les danseurs capables d’effectuer de brillants mouvements ont parfois de la difficulté à simplement se tenir debout sur scène en étant eux-mêmes », conclut le directeur des répétitions.

Au Théâtre Maisonneuve, du 4 au 6 mai

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