Sports extérieurs

Ce corps qui ne craint pas le froid

L’organisme excelle dans l’art de se maintenir à la bonne température, même dans un environnement glacial. Plus d’excuses pour ne pas s’entraîner dehors cet hiver, mais vos performances pourraient en être affectées.

Entre la chaleur accablante et le froid glacial, le choix de Marie-Anne Hébert est clair : elle préfère de loin quand le mercure indique des valeurs négatives. Un penchant que cette triathlonienne montréalaise de 51 ans explique par sa pratique assidue du ski alpin, entre autres. « L’hiver ne me fait pas peur ! Les températures froides qui caractérisent cette saison au Québec m’affectent moins que celles estivales », dit celle qui court à l’extérieur à l’année. Ce qu’elle trouve le plus dur de la saison froide, ce sont paradoxalement les conditions difficiles qui en découlent. « Ce sont les routes glissantes et les vêtements contraignants, plus que le froid, qui me ralentissent ! », dit-elle en rigolant.

Contrairement à ce que prétendent certaines mauvaises langues, le corps humain est conçu pour fonctionner – et offrir de bonnes performances – durant l’hiver. Lorsque la température dégringole, les milliers de thermorécepteurs qui tapissent la peau détectent ce changement et en avertissent l’hypothalamus, une petite région du cerveau qui agit un peu comme un thermostat. Sa mission : préserver la température du noyau central autour de 37 °C. Une simple baisse de quelques degrés en deçà de cette valeur et les premiers symptômes de l’hypothermie (troubles d’élocution, perte de coordination…) font leur apparition.

Pour maintenir le « core » à une température adéquate, l’organisme met en branle plusieurs mécanismes. Le principal : la vasoconstriction des extrémités, explique François Lecot, agent de recherche au département de kinésiologie de l’Université de Montréal.

« Les vaisseaux sanguins qui irriguent les mains et les pieds se contractent afin de ramener le sang vers les organes vitaux. C’est ce qui explique pourquoi c’est en périphérie qu’on commence à geler. »

— François Lecot, agent de recherche à l’UdeM

Plusieurs variables individuelles, comme l’âge, l’adiposité et les dimensions corporelles, influencent aussi la capacité du corps à préserver sa chaleur.

Équilibre délicat

Pendant un exercice réalisé à l’extérieur en hiver, les premières minutes sont les pires. Les muscles sont alors à leur température la plus froide, ce qui les empêche de se contracter efficacement. Les performances, surtout celles réalisées à haute intensité, s’en trouvent alors affectées. Quand la température d’un muscle chute d’un seul degré Celsius, sa puissance maximale est de 2 à 3 % moindre, rapporte une revue de littérature publiée en 2015 dans The Journal of Sports Medicine and Physical Fitness. En outre, les températures froides augmentent l’appétit du muscle pour le glycogène, son « supercarburant » à l’effort.

Heureusement, les contractions musculaires répétées génèrent à elles seules beaucoup de chaleur – on estime que pour chaque calorie dépensée, seul le quart de l’énergie se traduit en mouvement. Traduction : à l’exercice, le corps fonctionne comme une fournaise, ce qui lui permet de maintenir sa température optimale de 37 °C, même par temps froid. Cela à condition, bien sûr, d’être adéquatement vêtu. « La température idéale pour atteindre l’équilibre entre la production de chaleur et sa perte dans l’environnement est d’environ 10 °C. C’est d’ailleurs la température à laquelle on abat des records au marathon. En deçà, il faut commencer à s’habiller plus chaudement », souligne François Lecot.

Même une exposition répétée et prolongée au froid ne permet pas de s’affranchir de son collant en molleton. Bien que l’acquisition d’un certain degré de tolérance au froid ait été rapportée chez des populations nordiques, celle-ci n’a aucune commune mesure avec les adaptations observées à la suite d’une exposition à la chaleur, comme l’augmentation du plasma sanguin. Dans le meilleur des cas, s’exposer au froid diminue quelque peu la gravité de la réponse initiale de l’organisme à ce dernier, sans toutefois changer la capacité de l’organisme à retenir sa chaleur. Pas de quoi virer le système multicouche, bref !

Conseils pour vaincre la saison froide

L’importance d’une cagoule

Le corps perd une quantité impressionnante de chaleur par la tête – et le visage. Dans une étude publiée en 2011, 10 valeureux ont patienté pendant une heure dans une chambre où soufflait une brise glaciale de -15 °C. Lors d’un premier séjour, les sujets étaient autorisés à porter une cagoule, ce qui n’était pas le cas lors d’un second passage. Résultat : la température de leurs doigts et orteils était significativement plus élevée à la fin de la première attente.

Humidifier l’air

Même très froid, l’air est incapable de geler les poumons. Entre le moment où il est inspiré et celui où il atteint les poumons, il grimpe à la même température que le reste du corps, soit environ 37 °C. Les syndromes d’irritation des voies respiratoires que certains sportifs ressentent durant la saison hivernale s’expliquent plutôt par la sécheresse de l’air. La solution : l’humidifier en plaçant un foulard mince sur sa bouche et son nez.

Au diable la vitesse

Avis aux coureurs hivernaux : se fier à sa seule vitesse de course peut être problématique. À cause des trottoirs enneigés et de l’air froid dans lequel il est plus difficile de pénétrer, on a naturellement tendance à courir moins vite, et ce, pour un même niveau d’effort que pendant la saison estivale. Et vice-versa : pour une même vitesse de course, la perception de l’effort est plus élevée. Les fréquences cardiaques, de même que les sensations, sont de meilleurs indicateurs.

Demeurer au sec

Les vêtements mouillés accélèrent grandement les pertes totales de chaleur par l’organisme. Dans une étude scandinave publiée en 1994 – et récipiendaire d’un prix Ig Nobel –, des chercheurs suggèrent même que le simple fait de porter des sous-vêtements détrempés perturbe la capacité de l’organisme à réguler efficacement sa chaleur. Pour demeurer au sec, l’idéal est de s’habiller afin d’éviter de suer trop abondamment.

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