Autopartage

Colocataires de nos transports

Un seul véhicule, mais conduit par plusieurs usagers : c’était une utopie, il y a 20 ans. Il y a cinq ans, la mobilité partagée était en train de faire ses preuves, mais aujourd’hui, l’autopartage est considéré par les décideurs politiques. Démystification de l’évolution de la mise en commun des véhicules.

« On est rendus à une autre étape, d’un service de niche à quelque chose qui a un impact significatif », affirme Marco Viviani, vice-président au développement stratégique de Communauto. L’entreprise démarrée dans un sous-sol de Québec, il y a 25 ans, a été la première à offrir l’autopartage en Amérique du Nord. Aujourd’hui 3,5 % des foyers montréalais sont abonnés au service, qui annonçait le 11 avril dernier l’ajout de 285 véhicules à son parc qui compte désormais 2050 véhicules au Québec.

« On est aux balbutiements, tout indique que ça va augmenter », affirme pour sa part Hélène Mercier, directrice générale à Montréal pour Car2go, qui offre 500 véhicules en libre-service à quelque 87 000 abonnés.

Les études démontrent que chaque véhicule partagé de la sorte permet de remplacer plus d’une dizaine d’automobiles sur les routes. Communauto estimait en 2015 que près de 75 % des usagers avaient vendu leur voiture ou renoncé à l’achat d’une automobile.

Décourager l’autosolo

Communauto, qui affiche dans les dernières années une croissance annuelle moyenne de 15 %, croit que l’adhésion des citoyens au service partout sur le territoire n’est qu’une question de temps.

Pressé de voir des actions concrètes, Sidney Ribaux, d’Équiterre, croit que les décideurs publics peuvent avoir un impact. « Ça ne va pas assez vite, car il n’y a toujours pas de mesures pour décourager la possession de voiture », dit-il.

Il se réjouit tout de même de la considération grandissante de l’autopartage dans la solution globale pour amener une décroissance de la possession de véhicules par les particuliers.

Pour Car2go, ce sont les entreprises qui sont appelées à agir. « Les entreprises ont un rôle à jouer pour diminuer le parc automobile », croit Mme Mercier. Elle pense notamment que les entreprises doivent inciter leurs employés à utiliser les voitures partagées en proposant des avantages. Car2go considère que le centre-ville est le point névralgique de ses agissements et cherche à trouver de meilleures solutions, notamment pour pouvoir intégrer les espaces pourvus de parcomètres à son service. L’espace limité au cœur du centre des affaires de la métropole continue de poser certains défis logistiques. L’accès à la voirie demeure le nerf de la guerre pour la mise en place de plus de services.

La mobilité intégrée

C’est l’addition des modes de transport qui permet à ces deux entreprises de répondre aux besoins des utilisateurs afin qu’ils changent leurs habitudes, expliquent les deux principales entreprises d’autopartage. « Ce qui s’en vient, c’est un mode de paiement unique pour plusieurs services », croit Martin Trépanier, ingénieur et chercheur à Polytechnique. Il rêve d’un système de mobilité intégré dans lequel l’usager ne payerait qu’une seule fois pour tous ses transports.

Une telle fusion des modes de transport devrait voir le jour bientôt, affirme Christian Vermette, directeur général de BIXI Montréal. On peut alors s’attendre à un seul paiement pour l’ensemble des modes de transport partagé : vélo, auto, taxi, métro, autobus… Tous les acteurs du milieu se sont entendus pour créer un tel système, mais le projet demeure toujours dans les cartons, faute d’avoir trouvé comment l’appliquer concrètement.

L’auto autonome : solution de rechange à la congestion ?

L’apothéose de la mobilité résiderait ailleurs, dans une auto partagée, mais aussi… autonome. La voiture dirigée sans conducteur est une autre idée dans la ligne de mire de Communauto et de Car2go, qui aimeraient tous deux être les premiers à innover en la matière. Un jour, il pourrait devenir inutile de posséder une voiture si un véhicule autonome pouvait venir vous chercher où que vous soyez et vous laisser plusieurs kilomètres plus loin sans que vous n’ayez pris le volant.

« Ça a le potentiel d’amener les gens à faire plus de kilométrage, à vivre plus loin de leur emploi, mais ça pourrait aussi réduire drastiquement le nombre d’autos sur les routes », prévoit M. Ribaux, d’Équiterre.

Bien établi dans les centres urbains, l’autopartage engendre encore des inconnues, notamment sur la question de son utilisation élargie en région. Les réflexions sont loin d’être terminées, car la technologie à nos portes modifie toujours les possibilités pour nous rendre mobiles.

Le mieux pour les usagers ?

Communauto

Communauto offre deux services différents. Le premier, avec abonnement, permet la prise en charge dans des stations de véhicules réservés. Les tarifs fluctuent alors selon l’abonnement choisi. Plus vous payez cher votre accès annuel, moins le prix de vos locations individuelles est élevé.

La deuxième façon d’utiliser le service est sans frais de base : à l’aide d’une carte OPUS, l’usager peut déverrouiller une voiture stationnée sur le trottoir et la laisser où il le souhaite à l’intérieur des quartiers ciblés. L’étendue des zones desservies par Communauto fait sa force, alors qu’il couvre les couronnes nord et sud ainsi que les villes de Sherbrooke, Gatineau et Québec.

Car2go

Car2go, nouvellement appelé Share Now, fonctionne sans réservation, et sans abonnement payant. Des véhicules sont offerts en libre-service et il suffit de payer une somme variable en fonction du temps d’utilisation. Les zones desservies par Car2go sont concentrées dans les quartiers les plus denses de Montréal. Le service est conçu spécifiquement pour les courtes distances au centre-ville, mais il est possible de louer des véhicules pour la fin de semaine.

Les plus petits acteurs

D’autres possibilités existent à des échelles locales, c’est le cas de Locomotion, un projet mené par l’organisme Solon, dans lequel les citoyens peuvent rendre disponibles leurs véhicules personnels. La plateforme met en commun des conducteurs cherchant un véhicule et des propriétaires n’utilisant pas le leur en tout temps. Une version numérique, et surtout assurances en prime, de la bonne vieille sonnette chez les beaux-parents qui permettraient enfin une fin de semaine au chalet. À noter que l’application n’est pour le moment qu’à l’étape du projet-pilote.

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