Opinion

Pourquoi la parité n’est pas une solution

Ainsi, un sondage Léger rapporte que la majorité des Québécois sont en faveur de la parité en politique. Outre les problèmes éthiques que la parité soulève, entre autres celui de la discrimination en fonction du sexe, on peut se demander si les électeurs, même politisés, sont réellement conscients des sacrifices qu’impose la politique, comme les affaires d’ailleurs. 

J’ai été six ans en politique et deux fois candidate aux élections provinciales. Je peux vous assurer de quelque chose : s’il y a si peu de femmes candidates, ce n’est pas parce que les partis politiques n’en veulent pas, ni parce qu’il n’y a pas assez de femmes compétentes… mais parce qu’il n’y a pas assez de femmes à la fois compétentes et disponibles. 

Françoise David l’a dit : ça prend deux fois plus d’efforts pour convaincre une femme qu’un homme de se lancer en politique. Ça correspond à ce que j’ai constaté moi-même dans mon propre parti : des femmes brillantes, compétentes, qui occupaient des postes de responsabilités dans les coulisses de l’organisation… et des recruteurs qui les suppliaient en vain de se présenter. « Vas-y, t’es bonne, lance-toi, on va t’appuyer ! » En vain. Elles étaient prêtes à tout faire pour le parti, mais lorsqu’il s’agissait de se mettre la face sur le poteau, c’était niet. 

Il y a plusieurs raisons à cela : la mauvaise conciliation travail-famille, l’agressivité du milieu, les sept jours de travail par semaine… mais je peux vous en donner une, un sale petit secret de la politique : une femme qui veut se lancer en politique peut beaucoup moins souvent compter sur l’appui de son conjoint qu’un homme sur celui de sa conjointe. Avez-vous lu l’entrevue avec le conjoint de Valérie Plante ? Il était quasiment traité comme un saint parce qu’il acceptait de garder le fort à la maison pendant que Madame travaillait ! Alors que depuis des générations, des milliers de femmes assuraient seules la bonne marche de la maison et l’éducation des enfants pendant que Monsieur s’occupait d’affaires publiques ! 

Et ça, malheureusement, les partis politiques n’y peuvent pas grand-chose.

Ils peuvent tenter d’améliorer la conciliation travail-famille (entre autres, l’idée d’une garderie à l’Assemblée nationale est excellente) ; néanmoins, tant que la politique sera une vocation qui dévore ses participants, ne soyez pas étonnée si tant de femmes qui s’y lancent sont célibataires et n’ont aucune personne à charge : des femmes déjà en excellente position pour se lancer, bénéficiant d’un bon réseau politique et financier, des femmes auxquelles la parité offrira sur leurs concurrents masculins un avantage dont elles n’ont nul besoin. Le reste des postes destinés à la gent féminine seront pourvus avec des « femmes-alibis » aux compétences douteuses. 

Alors la question qui tue, celle qu’il aurait fallu poser : si votre conjointe se lançait en politique, seriez-vous prêts à devenir « l’homme du foyer » (ou « la fée du logis », dans le cas des couples lesbiens) et à assurer l’essentiel des tâches ménagères et parentales ? Et vous, Mesdames, avez-vous demandé à votre douce moitié si elle était prête à assurer vos arrières à la maison pour que vous puissiez poursuivre vos ambitions ? Si la réponse est « non » pour la majorité d’entre vous, alors le Québec n’est pas prêt pour la parité, peu importe ce que chantent les sondages. Vous voulez bien soutenir de nobles principes… pour autant que ce soit la voisine qui en profite, pas l’indispensable reine de votre foyer. 

Voilà pourquoi la parité n’est pas un progrès, mais une mesure cosmétique permettant à une société de se donner bonne conscience en matière d’égalité des sexes.

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