CRITIQUE DE DANSE M¡LONGA

Tango métissé serré

Mardi soir, le Théâtre Maisonneuve avait des airs de milongas – ces soirées traditionnelles de tango typiques de Buenos Aires –, alors que les 12 danseurs de Sidi Larbi Cherkaoui ont foulé la scène pour présenter la dernière création du chorégraphe belgo-marocain.

Après une incursion dans le flamenco, le kathak et les arts martiaux des moines de Shaolin, Sidi Larbi Cherkaoui a choisi de mettre en valeur, dans M¡longa, le large spectre du tango à travers les pas de six couples de danseurs (dix tangueros traditionnels et deux interprètes contemporains) le temps d’une soirée de bal, entre hommage et innovation.

L’objectif du chorégraphe était clair : ouvrir les horizons du tango, sans en changer l’essence pour autant. Le couple est ainsi célébré sur la piste de danse, à travers un tango tout d’abord classique, qui ne tarde pas à se décliner en danse à trois, à quatre et même à douze !

On passe ainsi du tango sous sa forme la plus traditionnelle à une version plus acrobatique et aérienne, digne des concours de danse sociale. La tension monte alors, exprimant le côté plus sauvage de la danse : l’homme fait tournoyer sa partenaire et le spectateur assiste à une lutte de pouvoir qui s’apparente davantage à une sensuelle dispute de couple.

Même la face sombre et mélancolique du tango se retrouve dans le M¡longa, de Sidi Larbi Cherkaoui, alors que les danseurs entament une véritable danse funèbre. Les bras des danseurs se font alors source de réconfort et de soutien. On sent particulièrement, dans ce tableau, la touche contemporaine du chorégraphe, alors que les interprètes dansent en trio ou en quatuor.

Le moment le plus fort de la soirée est d’ailleurs un tango dansé par un trio masculin où les jeux de jambes sont absolument époustouflants.

Une évolution que l’on retrouve également dans la musique proposée par les cinq musiciens présents eux aussi sur scène, mêlant le piano du compositeur-arrangeur Fernando Marzón aux airs plus contemporains de Szymon Brzóska (Sutra) et aux classiques du tango argentin.

CONVAINCANT MÉTISSAGE

Au milieu des dix virtuoses du tango argentin avec qui le chorégraphe a apprivoisé cet art pour mieux le transformer à sa guise, se retrouvent ensuite les deux interprètes contemporains, qui peinent dans un premier temps à trouver leur place dans le cercle très fermé que peut être la milonga pour les non-initiés.

On suit leur évolution au milieu des danseurs classiques : de la solitude à l’intégration jusqu’au métissage si cher au chorégraphe belgo-marocain. On apprécie particulièrement l’intégration des jeux de bras et des mouvements au sol très contemporains au tango de Sidi Larbi Cherkaoui.

On reste par contre peu convaincu par l’utilisation d’images de milongas populaires et de vidéos tournées dans les rues de Buenos Aires, qui sont là pour illustrer le côté « carte postale » du tango. Elles cassent le rythme et parfois même la magie que l’on retrouve heureusement au final sur la piste de danse, alors que plus rien ne sépare les 12 interprètes et que tous évoluent à l’unisson, dansant un tango plus métissé que jamais.

Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, jusqu’au 21 février. Une présentation de Danse Danse.

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