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Assurance-emploi : les femmes n’ont pas leur juste part

En Belgique, en France, en Allemagne, en Irlande, en Norvège et aux Pays-Bas, le fait d’avoir reçu des prestations de maternité ou pour les soins d’un jeune enfant ou d’un proche ne disqualifie pas une personne pour les prestations de chômage. Au contraire, ce genre de prestation est compté comme un revenu de travail afin de déterminer l’admissibilité, le montant et la durée des prestations de chômage.

Malheureusement, ce n’est pas le cas au Canada où la Loi sur l’assurance-emploi limite à 50 le nombre de semaines de prestations que peut recevoir une personne si elle reçoit à la fois des prestations régulières de chômage et des prestations spéciales. Cette règle affecte presque exclusivement les femmes qui prennent la grande majorité des prestations de maternité, parentales et pour soins aux proches.

Malgré la protection de l’emploi qu’assure la Loi sur les normes du travail, des femmes perdent leur emploi avant, pendant ou peu après leur congé de maternité. Pourquoi ne sont-elles pas admissibles aux prestations de chômage ?

discrimination pour le temps partiel

Malika et Richard ont, tous les deux, accumulé 1000 heures de travail avant de perdre leur emploi. Toutefois, Malika a dû travailler 50 semaines de 20 heures comme femme de chambre dans un hôtel. Richard, chauffeur de camion, a eu besoin de seulement 25 semaines de 40 heures. Les deux ont gagné 15 $ l’heure.

À Montréal, où le taux de chômage est actuellement inférieur à 6 %, Malika et Richard ont droit, tous les deux, à 18 semaines de prestations. Mais Malika recevra seulement 220 $ par semaine, deux fois moins que Richard qui a droit à 55 % de 800 $ ou 440 $. En d’autres mots, Malika a dû travailler deux fois plus longtemps pour recevoir moitié moins de prestations.

Depuis 1996, l’admissibilité à l’assurance-emploi est basée sur le nombre d’heures travaillées plutôt que sur le nombre de semaines. Cette règle favorise les personnes travaillant de longues heures pendant une courte période dans des industries saisonnières, surtout dans les régions éloignées avec un taux de chômage élevé.

Malheureusement, la contrepartie est de rendre beaucoup plus difficile l’accès aux personnes occupant des emplois à temps partiel et précaires dans des secteurs comme le commerce de détail, la restauration et l’hôtellerie. 

Il s’agit principalement de femmes, de personnes ayant immigré récemment et de jeunes. Dans la plupart des régions, le taux de chômage est actuellement inférieur à 6 % et il faut au moins 700 heures de travail assuré pour se qualifier.

En 2016, selon la Commission de l’assurance-emploi, pour chaque 1 $ cotisé à l’assurance-emploi, les hommes recevaient 1,23 $ en prestations de chômage alors que les femmes ne recevaient que 71 cents. En 2017-2018, le taux d’admissibilité aux prestations régulières de l’assurance-emploi était de 94,5 % pour les personnes ayant travaillé à temps plein dans un emploi permanent, de 86,7 % pour les temporaires des industries saisonnières, de 69,3 % pour les personnes ayant travaillé à temps partiel dans un emploi permanent et de 66,8 % pour celles dont l’emploi était temporaire mais non saisonnier.

Rétablir l’accès à l’assurance-emploi

Une coalition de groupes de femmes, appuyée par le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE), propose d’établir un critère hybride d’admissibilité. Quel que soit le taux de chômage régional, une personne pourrait se qualifier en ayant accumulé ou bien 12 semaines, ou bien 420 heures, de travail. Comme c’est le cas actuellement, le nombre de semaines de prestations augmentera avec le taux de chômage régional.

Une semaine serait comptée si elle comprend 14 heures de travail ou, comme c’était le cas avant 1996, des gains d’au moins 20 % de la rémunération hebdomadaire maximum assurable (204 $ en 2019). Toute heure serait cotisée et comptabilisée, afin d’aider les gens qui occupent plus d’un emploi et d’empêcher les employeurs d’éviter les cotisations en programmant des horaires de moins de 14 heures.

Entre 1989 et 1997, trois coupes majeures ont érodé l’accès à des prestations de chômage. La coalition propose d’abolir les exclusions totales en cas de départ volontaire ou de congédiement, de limiter toute pénalité à un maximum de six semaines et d’éliminer le report d’une pénalité à une période de chômage subséquente. On devrait revenir à un taux de remplacement du salaire de 60 %, au lieu du 55 % actuel, et les prestations devraient être basées sur les 12 meilleures semaines de salaire.

Un enjeu fondamental dans le contexte électoral

Au cours des dernières années, il y a eu plusieurs améliorations à l’assurance-emploi. Néanmoins, le gouvernement actuel n’a pas travaillé ces questions fondamentales de discrimination à l’égard des mères et des personnes travaillant à temps partiel. Les élections offrent une occasion en or pour que les partis politiques s’engagent à éliminer l’injustice à l’égard des femmes et à rétablir l’accessibilité du régime d’assurance-emploi.

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