Cyclisme 

Pour ne pas se fondre dans la nuit

Le soleil se couche à 17 h 41 ce soir. Dès dimanche, avec le retour à l’heure normale, il fera noir une heure plus tôt. De nouveaux casques de vélo intelligents – et d’autres accessoires plus basiques, dont les phares obligatoires à l’avant et à l’arrière – permettent heureusement aux cyclistes d’être plus visibles dans la nuit.

UN DOSSIER DE MARIE ALLARD

Des casques pas seulement brillants, mais intelligents

Bien assis sur son vélo, Benoit Laforest s’apprête à tourner à droite. Il le sait, bien sûr. Fait étonnant, les piétons, cyclistes et voitures derrière lui le savent aussi. Même si la nuit est tombée et qu’un signal avec le bras est peu visible.

Si le virage du cycliste est connu d’avance, c’est parce que l’arrière de son casque – un Lumos – est muni de flèches clignotantes, formées de 22 ampoules LED orange. Pour activer le clignotant, Benoit Laforest n’a qu’à appuyer sur une télécommande fixée au guidon de sa bicyclette. Autre particularité innovante du Lumos : lors d’un freinage, un triangle lumineux rouge s’allume automatiquement à l’arrière du casque. Comme sur une voiture.

« D’ici deux ou trois ans, on va voir beaucoup de casques de vélo intelligents dans les villes », prédit Ivan Murcia, copropriétaire avec Benoit Laforest de Trucavélo. C’est cette petite entreprise montréalaise qui distribue le Lumos au Québec, après deux ans de démarches auprès de ses inventeurs, Eu-wen Ding et Jeff Chen.

Plus d’accidents la nuit

Ces deux jeunes ingénieurs de Boston, aux États-Unis, adoraient aller travailler à vélo, mais jugeaient l’expérience trop souvent dangereuse. « Nous avons décidé de créer une solution : un casque qui nous rend et rend nos intentions plus visibles », expliquent-ils sur le site internet de Lumos. Depuis peu, leur « solution » est vendue au musée d’art moderne de New York (MOMA) ainsi qu’à… La Cordée.

« Il s’agit du seul modèle de casque de vélo intelligent que nous offrons pour le moment, dit David Tringle, acheteur au département vélo de La Cordée. Mais nous restons à l’affût de ce qui s’offre sur le marché et de la demande de notre clientèle. »

« Il me paraît naturel que l’intégration et la connectivité des accessoires de vélo n’iront qu’en grandissant. »

– David Tringle, La Cordée

Être plus visible est assurément un atout en automne, alors qu’il fait noir de plus en plus tôt. Attachez vos tuques – ou vos casques – dimanche : le coucher du soleil aura lieu dès 16 h 36, avec le retour à l’heure normale.

Ce n’est pas anodin, quand on sait que 19,3 % des collisions impliquant un cycliste et un automobiliste survenues en 2013 sur le territoire du Service de police de la Ville de Montréal se sont produites au crépuscule ou à la noirceur. « Il n’y a pas 20 % de la pratique de vélo qui se fait la nuit, observe Suzanne Lareau, présidente et directrice générale de Vélo Québec. Les accidents qui surviennent le soir sont surreprésentés. »

Avant de lorgner les casques futuristes, les cyclistes devraient tous munir leur vélo des feux (blanc à l’avant, rouge à l’arrière) obligatoires au Québec si on roule à la noirceur, souhaite Mme Lareau. « Je ne dis pas que ces gadgets ne sont pas une bonne affaire, nuance la PDG de Vélo Québec. Mais je ne pense pas qu’on réglera le problème d’éclairage avec ça. »

Un casque qui envoie des S.O.S. par texto

Lumos n’est pas seul dans un marché qui s’annonce prometteur. Livall, une entreprise chinoise, offre cinq modèles de casques de vélo connectés. En plus d’annoncer la trajectoire de celui qui le porte, le casque Livall calcule ses pulsations cardiaques et envoie un S.O.S. par texto aux personnes à contacter en cas d’urgence, s’il détecte une chute. Grâce à son micro et à ses haut-parleurs, il permet aussi de répondre au téléphone ou d’écouter de la musique en pédalant.

Est-ce autorisé au Québec, alors que le Code de la sécurité routière interdit de circuler à vélo avec des écouteurs ? Difficile à dire, pour le moment. « Ça dépendrait de l’interprétation d’un juge », répond Mario Vaillancourt, porte-parole de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Chose certaine, « écouter de la musique à vélo n’est pas recommandé, car ça empêche le cycliste de bien entendre le bruit ambiant », souligne M. Vaillancourt.

Les casques Livall sont offerts au Canada sur Amazon, Kijiji, eBay, etc., à des prix variant de 110 $ à plus de 400 $. « Nous en avons beaucoup en stock, en bleu, blanc et noir », assure Bo Zhang, de Livallcanada. Quant aux Lumos, Trucavélo et La Cordée les vendent 248,99 $. Des casques plus simples, comme celui de marque Bell muni des petites lumières DEL à l’arrière du casque, coûtent une centaine de dollars.

« C’est cher, parce qu’il y a beaucoup de nouvelles technologies dans le casque Lumos, souligne Ivan Murcia. Je l’ai toutefois testé tout l’hiver dernier, et il résiste très bien. » Au fait, ces casques réduisent aussi les risques de blessures graves à la tête lors de chutes – on allait presque l’oublier.

Il n’y a pas de soirée sans feux

Au Québec, si vous roulez à la noirceur, votre vélo doit être muni d’un phare blanc à l’avant et d’un feu rouge à l’arrière. Non, les réflecteurs ne sont pas suffisants. Re-non, les marchands ne sont pas tenus d’équiper les vélos qu’ils vendent pour la nuit. Oui, une amende est prévue (entre 15 et 30 $) en cas d’infraction. Bonne nouvelle : cette somme est aujourd’hui suffisante pour acheter un éclairage correct.

« Il y a 35 ans, quand ç’a été ajouté au Code de la sécurité routière, ce n’était pas évident de trouver des lumières, se souvient Suzanne Lareau, présidente et directrice générale de Vélo Québec. Aujourd’hui, les petites lumières pas lourdes ni chères, ça pullule dans les magasins. »

Pour environ 6 $, on trouve un petit feu rouge arrière fonctionnant avec une diode électroluminescente (DEL), fixé à une courroie élastique. Un phare blanc avant est offert au même prix.

« L’objectif n’est pas de permettre aux cyclistes de voir, relève Mme Lareau. C’est d’être vus. »

– Suzanne Lareau, PDG de Vélo Québec

Pour moins de 18 $, on peut se procurer un phare qui émet 50 lumens et se recharge avec une prise USB, comme le Sentinel de MEC. Envie de plus ? Le feu arrière Vibe de Light & Motion s’allume quand le vélo est en mouvement, grâce à un capteur. Son prix : 54,99 $ à La Cordée. Ce n’est pas fini : le feu arrière Varia, de Garmin, détecte les véhicules arrivant derrière et signale votre présence. Le tout pour… 270 $.

Plus puissantes, moins chères

Il est possible – mais non nécessaire – de payer plus cher encore. « La tendance générale, c’est que les lumières sont toujours plus puissantes pour chaque dollar investi », observe David Tringle, acheteur au département vélo de La Cordée.

« Un autre des avantages non négligeables des phares modernes, c’est qu’ils sont moins énergivores et ne consomment plus de piles », témoigne Mario Grenier. Ce Longueuillois va travailler en bicyclette au centre-ville de Montréal cinq jours par semaine, même l’hiver. « Je quitte la maison à 4 h 15, dit-il. L’aller se fait à la noirceur environ 10 mois par année. »

Son phare avant est un Urban 900 de Light & Motion, à environ 125 $. Une dépense judicieuse, selon ce cycliste assidu. « Contrairement aux phares en plastique, celui-là dure des années », indique-t-il. Cinq modes, émettant de 225 à 900 lumens, sont proposés. « Je n’utilise sa pleine puissance que le jour, quand c’est très nuageux ou qu’il pleut », souligne M. Grenier, qui met six heures à recharger son joujou.

À l’arrière, le Longueuillois a choisi un feu Serfas plus modeste, à environ 50 $. « Il est suffisamment puissant pour être vu à 1 km », assure le cycliste, qui emprunte notamment le pont Jacques-Cartier.

Sur une piste cyclable bidirectionnelle, des phares trop forts peuvent aveugler les cyclistes qui arrivent en sens contraire.

Pour régler ce problème, Richard Tremblay, un cycliste qui roule 12 mois sur 12 à Montréal, utilise un phare avant de marque Bontrager à trois niveaux d’intensité (5, 50 et 100 lumens).

« Dans la rue, j’éclaire fortement en clignotant, et faiblement sans clignoter dans les pistes cyclables, explique-t-il. Bien entendu, la lumière doit être installée légèrement vers le bas de façon à éclairer la route, et non les autres usagers de la route. Le civisme est une règle d’or pour moi. »

Solution rare, la dynamo

Plus original, Maxime Denoncourt a fait installer des lumières alimentées par une dynamo, un dispositif rare en Amérique du Nord. « Ma vie est beaucoup plus simple sans avoir à gérer les lumières, les enlever, les recharger, etc., fait-il valoir. Je roule à l’année et je travaille régulièrement le soir. » Le moyeu qui produit le courant a coûté 150 $, sans compter le prix des lumières et de l’assemblage.

François Bélanger a aussi équipé sa monture d’une dynamo qui alimente ses phares. Il a commandé le tout chez Peter White Cycle, un marchand de vélo du New Hampshire, « un site super pour tout cycliste qui ne dort pas une nuit », souligne-t-il avec humour. « C’est cher, mais ma sécurité et ma vie en valent la peine, dit-il. Si je me fais frapper à 6 h ou à 18 h, c’est que le conducteur travaille avec moi… »

D'autres accessoires utiles

« Quand des gens me frôlent, me coupent ou m’ouvrent une porte dans la face, témoigne le cycliste Stéphane Richer, leur argument est toujours le même : “Je ne t’ai pas vu.” » Plusieurs accessoires – comme la veste orange, portée par Stéphane Richer – permettent d’être plus visible à vélo.

Dossard

« Les vestes de chantier font un travail génial, en automne spécialement, dit Pierre Boucher, un cycliste membre du groupe Facebook Vélo d’hiver Montréal. Ce n’est pas cher et c’est efficace. » Il est possible d’acheter un dossard réfléchissant pour moins de 15 $. Des vestes plus sophistiquées avec lumières DEL, poches à glissières et attache pour les clés, comme le modèle Run de Nite Ize, se détaillent environ 40 $. Le dossard Run est « facile à enfiler peu importe l’épaisseur des vêtements », estime Suzie Lou, une adepte.

Serre-pantalon

Marc Pilon, un cycliste de Lorraine, conseille le port de bandes réfléchissantes aux chevilles. « Les humains perçoivent mieux ce qui est en mouvement », dit-il. Avec des serre-pantalons bien visibles, on fait d’une pierre deux coups, puisqu’on évite aussi que son pantalon se loge dans les plateaux du vélo. Offert un peu partout pour environ 5 $.

Ruban réfléchissant

En Ontario, la loi exige qu’un vélo soit « muni de bandes réfléchissantes blanches sur la fourche avant et de bandes réfléchissantes rouges sur le hauban arrière », selon le Guide du cyclisme sécuritaire en Ontario. Mario Grenier, un Longueuillois qui va travailler à vélo 12 mois sur 12, a apposé un ruban réfléchissant Scotchlite sur la fourche, les haubans et le garde-boue de son vélo. Patrick Drouin, un autre cycliste, en a mis sur son sac à dos. « Simple et efficace », juge-t-il.

Vêtements voyants

Anne-Marie Lacombe roule de nuit avec un manteau Lululemon réfléchissant. « Ça me permet d’être toujours en sécurité, même si j’oublie parfois mes petites lumières », dit-elle. Christophe Marin-Beaudry, un autre cycliste, opte aussi pour des vêtements « de style commuting, avec bandes réfléchissantes ».

Vêtements discrets de jour

Une tendance notée par David Tringle, acheteur pour le département vélo de La Cordée ? « Les vêtements et accessoires munis d’éléments réflectifs qui demeurent sobres lorsqu’ils ne sont pas éclairés », dit-il. Loin du jaune fluo, le manteau Glaze RTR de Louis Garneau est offert en gris et noir, pour environ 130 $. De nombreux « points réfléchissants » sont imprimés sur le manteau, pour être visibles une fois la nuit tombée.

Cadenas et accessoires

Virginie Chagnon, une cycliste qui roule neuf mois par année, voit une double utilité à son cadenas Litelok fluo : protéger son vélo et la rendre plus visible. Ce cadenas en textile flexible et léger n’est toutefois pas donné (143 $). D’autres achètent des sacoches de vélo voyantes, des drapeaux, etc.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.