Trevor Timmins bien en selle

Avec en tête le Finlandais Jesperi Kotkaniemi, le responsable du recrutement chez le Canadien a regarni la banque d’espoirs de l’équipe.

L’ascension rapide de Jesperi Kotkaniemi et les promesses annoncées par un autre centre, Ryan Poehling, semblent donner un répit à Trevor Timmins. Ceux qui réclamaient sa tête hier encore sont plus discrets.

Deux autres de ses premiers choix, Alex Galchenyuk et Mikhail Sergachev, ont servi d’appât à Marc Bergevin pour obtenir Max Domi et Jonathan Drouin. Après des repêchages moins riches, de 2008 à 2014, la banque d’espoirs du Tricolore est en train de se regarnir.

Trevor Timmins est toujours responsable du recrutement chez le Canadien, même s’il porte désormais le titre d’adjoint au directeur général.

« C’est seulement un titre, dit-il. Mon rôle est exactement le même que par le passé. Scott Mellanby agit davantage comme adjoint à Marc du côté professionnel, et je m’occupe du repêchage. Rien n’a changé. »

Certains ont cru qu’on lui avait nommé un successeur, Shane Churla, puisque celui-ci a annoncé le choix de Kotkaniemi en juin à Dallas. En fait, Churla porte le même titre, recruteur-chef, depuis son entrée dans l’organisation en 2013.

« Shane a joué pour les Stars, et on voulait lui faire l’honneur d’annoncer notre choix », précise Timmins.

Mais le repêchage demeure une affaire d’équipe et Timmins parle toujours de « groupe » lorsque vient le moment de prendre des décisions.

Timmins a la franchise d’affirmer que Kotkaniemi n’était pas nécessairement dans les plans en février. Du moins pas parmi les trois meilleurs espoirs sur la liste du Canadien à ce moment-là.

Mais sa performance au tournoi U17 des cinq nations en Finlande a jeté Timmins par terre.

« Il a connu son éclosion à ce tournoi. Il y a un match, une période, contre la Suède, où il a dominé outrageusement. Il n’a pas fait seulement un pas de géant, il en a fait trois. »

Dans ce match contre la Suède, Kotkaniemi a obtenu deux buts et deux aides, dont un but et deux aides en première période. « Il n’était pas dans notre top 5 avant ce tournoi, mais voilà pourquoi nous suivons ces jeunes joueurs toute l’année, de dire Timmins. Il y a eu ce match, et il a continué sur sa lancée au Championnat du monde des moins de 18 ans [en avril]. Mais mon idée à moi était faite à compter de février. »

Kotkaniemi a permis à la Finlande de remporter l’or à ce Championnat grâce à 9 points en 7 matchs. « Ce qui frappait, c’est qu’on voyait qu’il rendait ses partenaires de trio meilleurs, il transportait son trio. Et il pouvait aussi marquer. »

Plusieurs bons joueurs étaient disponibles au troisième rang, mais Kotkaniemi était l’un des rares centres. « Il y avait de bons joueurs disponibles, Tkachuk, Zadina et aussi plusieurs bons défenseurs. Mais Kotkaniemi était un véritable centre, même s’il jouait à l’aile chez les pros en Finlande. On voulait un joueur capable de disputer beaucoup de minutes, un joueur capable d’avoir un impact sur ses coéquipiers et efficace en possession de rondelle. »

La perspective de voir Marc Bergevin échanger ce choix pour reculer de quelques rangs au classement afin d’obtenir un choix supplémentaire en retour a donné quelques sueurs froides à Timmins.

« On le voulait vraiment. On ne voulait pas transiger pour descendre de quelques rangs. On prend toujours le risque de perdre le joueur qu’on veut vraiment. »

— Trevor Timmins

Malgré son admiration pour le jeune homme, Timmins ne le voyait pas atteindre la LNH à court terme.

« On fait toujours des projections à long terme, quand on repêche un jeune. Je ne croyais pas qu’il était prêt. Je ne m’y attendais pas. »

Kotkaniemi est le meilleur compteur de sa cuvée avec 10 points en 20 matchs (à égalité avec Rasmus Dahlin, des Sabres de Buffalo), même s’il était l’un des plus jeunes joueurs choisis à ce repêchage. Brady Tkachuk, des Sénateurs d’Ottawa, a 9 points, mais il a disputé 11 matchs de moins.

Certains détracteurs argueront qu’un recruteur peut difficilement se tromper avec un choix dans le top 3. Or, en 2016, les Coyotes de l’Arizona ont préféré Dylan Strome à Mitchell Marner, Mathew Barzal, Zack Werenski, Ivan Provorov et plusieurs autres. En 2010, Erik Gudbranson a été préféré à Ryan Johansen, Vladimir Tarasenko, Jeff Skinner, Mikael Granlund et Cam Fowler. Que dire du premier choix au total en 2012, Nail Yakupov ?

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En 2014, j’avais demandé à Timmins d’identifier l’espoir le plus sous-estimé de l’organisation. Il a nommé Artturi Lehkonen sans hésiter. C’était avant même ses succès en séries à Frolunda.

Qui est le Lehkonen de 2018 ? « [Jesse] Ylonen, répond-il spontanément. Ou [Alexander] Romanov aussi. Ça pourrait aussi être [Jordan] Harris, [Brett] Stapley ou [Cayden] Primeau. »

Et s’il avait à faire un choix ? « Romanov pourrait devenir un défenseur numéro quatre. Primeau a l’étoffe d’un éventuel numéro un dans la Ligue nationale. Mais j’aime beaucoup Ylonen. Voyons comment il jouera au Championnat du monde junior. »

Ylonen et Romanov sont les deux premiers choix de deuxième tour du Canadien en 2018. Ylonen, un ailier finlandais de 6 pi 1 po et 175 livres, possède beaucoup de vitesse. Il a 6 points en 19 matchs dans la Ligue d’élite de Finlande. Romanov, parfois comparé à Alexei Emelin, est un défenseur robuste, plutôt défensif, qui a percé la formation du CSKA Moscou à la surprise générale en août.

Timmins n’a évidemment pas évoqué Ryan Poehling puisque celui-ci n’entre pas dans la catégorie des joueurs sous-estimés. Le premier choix du Canadien en 2017 (25e au total) avait 13 points après 11 matchs à St. Cloud dans la NCAA.

« Il demeure un centre très responsable sur le plan défensif, doué sur le plan offensif, qu’on peut utiliser dans toutes les situations », a dit Timmins à propos de cet attaquant costaud de 6 pi 2 po et 185 livres, probable grand leader de l’équipe américaine au Championnat du monde junior.

Le problème du Canadien au centre semble désormais réglé pour les 10 prochaines années. « En effet, répond Timmins, avec Kotkaniemi, Poehling, Olofsson, Domi, on a plus de profondeur. Suzuki, je ne sais pas à quelle position il aboutira, mais il peut jouer au centre aussi. Il y a aussi Hillis, Stapley. »

Le vide demeure cependant toujours aussi grand du côté gauche de la défense. Le CH sera-t-il tenté de faire le plein de défenseurs gauchers au prochain repêchage ? « On ne va quand même pas dévoiler notre stratégie à nos rivaux, répond Timmins en riant. On vient d’en repêcher un bon, Jordan Harris, qui est à Northeastern. Il joue un peu comme Victor Mete. Il n’est pas gros, mais il est difficile à battre à un contre un. Il y a Josh Brook, un défenseur droitier. »

Si la banque d’espoirs est remplie à nouveau, c’est que le directeur général, Marc Bergevin, a fourni à ses recruteurs de nombreux choix au repêchage.

Le Canadien a bénéficié de cinq choix de deuxième tour au cours des deux dernières années, de même que de quatre choix de troisième tour. L’organisation a déjà un choix supplémentaire de deuxième tour en banque l’an prochain, obtenu contre Max Pacioretty.

« En plus, si ces choix se situent en début de deuxième tour, tu peux avoir accès à des joueurs qui se trouvaient entre le 20e et le 31e rang sur ta liste à toi », souligne Timmins.

Avec 11 sélections en 2018, le plus haut total dont Timmins a pu bénéficier depuis 2003 (le repêchage comptait alors neuf rondes, deux de plus qu’actuellement), le responsable du recrutement a lancé une multitude de lignes à l’eau dans l’espoir de dénicher le prochain Brayden Point, ce brillant attaquant du Lightning de Tampa Bay.

Les Cam Hillis, Allan McShane, Cole Fonstad, Jack Gorniak, Samuel Houde et Brett Stapley, repêchés entre les troisième et septième tours, sont tous des attaquants de petite taille, mais très rapides. Mais la plupart d’entre eux peinent à retrouver leur rythme de croisière de l’an dernier.

« Je suis un peu déçu par leur production. J’en parlais à Rob Ramage [responsable du développement] récemment. Parfois, la saison suivant un repêchage peut être plus difficile. Hillis retrouve ses marques tranquillement. McShane a eu à surmonter des blessures. J’espère qu’ils retrouveront leur élan en deuxième moitié de saison et l’an prochain. »

Le dernier choix de la cuvée, Stapley, repêché au 190e rang, dans un amphithéâtre désert, surprend avec 8 points à ses 9 premiers matchs à l’Université de Denver. Il a été ignoré à sa première année d’admissibilité en 2017.

« Il était sur notre liste l’an dernier, mais on a opté pour [le gardien] Primeau avec notre choix de septième tour. On l’a néanmoins invité à notre camp de développement. Il n’est pas gros (5 pi 10 po et 172 livres), mais c’est tout un joueur de hockey. »

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