30 ANS DE CIRCA

De la céramique au sculptural

Fondé en 1988, Circa est devenu un des centres d’artistes autogérés les plus dynamiques de Montréal. À l’occasion de ses 30 ans, sa directrice Émilie Granjon a préparé une programmation d’expositions et de performances qui illustre le renouveau sculptural ancré dans les nouvelles technologies.

Quand l’artiste et enseignant Yves Louis-Seize s’est associé en 1988 à Monique Giard et Maurice Achard, du Centre de céramique Bonsecours, pour fonder le centre d’exposition Circa, tous trois estimaient qu’il manquait cruellement de lieux au Québec pour diffuser l’art de la céramique contemporaine.

Mais les fondateurs avaient du flair en optant pour le nom de Circa – du latin circum, « autour de » – qui illustrait leur désir d’encourager des artistes dans une variété d’expressions artistiques.

Un an plus tôt, Yves Louis-Seize avait fondé Expression, le centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, où il avait exposé Cozic et Serge Lemoyne. D’ailleurs, Cozic avait fait partie de la première expo de Circa, en septembre 1988, avec Dix artistes : la terre qui présentait des œuvres de Charles Daudelin, Bill Vazan, David Moore, Pierre Leblanc et Marie-France Brière. Depuis, quelque 250 expositions ont été présentées à Circa.

Virages

De centre d’exposition, Circa est devenu un centre d’artistes autogéré en 1996, avec une orientation marquée vers la sculpture et les expositions de projets inédits.

En 2013, Maurice Achard a quitté Circa. Encore aujourd’hui, Yves Louis-Seize tient à lui rendre hommage. « J’aimerais insister sur l’importance qu’a eue Maurice Achard par sa disponibilité et la passion qui l’a animé durant toutes ses années à la direction de Circa, dit-il. Il a énormément contribué à sa réussite et à sa longévité. »

Circa est une véritable histoire d’engagement humain et de virages réfléchis pour rafraîchir sa mission. 

Quand Geneviève Goyer-Ouimette – aujourd’hui conservatrice de l’art québécois et canadien contemporain au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) – a pris le relais (de 2013 à 2016), la période a été marquée par une nouvelle orientation : donner la priorité aux réflexions sur les notions de spatialité exprimées dans la sculpture, l’installation et la performance. Circa est alors devenu Circa art actuel et l’espace d’exposition a été reconfiguré.

Aujourd’hui, Circa est un organisme à but non lucratif subventionné à hauteur de 78 %, le reste provenant de son exposition-bénéfice automnale et de sa galerie POPOP, espace locatif ouvert en 2014 qui permet de donner une visibilité à de jeunes artistes fraîchement sortis de l’université ou provenant des régions.

Une galerie où plusieurs ont fait leurs premiers pas, comme Eddy Firmin (qui fait partie de l’expo Nous sommes ici, d’ici, au MBAM), ou encore Simon Beaudry, actuellement en solo à la maison de la culture Frontenac.

Circa a donc eu un rôle de couveuse pour des artistes émergents, même si ce n’est pas sa vocation.

« Plusieurs des artistes qu’on expose pour le 30e anniversaire, comme Laurent Craste, Catherine Sylvain ou Catherine Bolduc, ont eu leur premier gros solo à Circa. Mais on essaie d’être varié. On est dans le mode parité : homme-femme, diversité culturelle, mais aussi jeune artiste-mi-carrière-établi. »

— Émilie Granjon, directrice générale de Circa

Si Circa soutient plus que jamais l’expérimentation et l’innovation, Émilie Granjon veut aller au-delà. Elle souhaite que le centre ait une vision plus globale, avec de l’accompagnement d’artistes, des résidences et des formations adaptées. Et que Circa rayonne à l’extérieur de Montréal.

Au cours de l’été, Circa participera pour la deuxième fois aux activités périphériques de la Biennale nationale de sculpture contemporaine de Trois-Rivières, du 22 juin au 7 septembre, avec la présentation d’œuvres de la Bostonnaise Nathalie Miebach. Et l’automne prochain, avec trois autres centres d’artistes du Belgo, Circa accueillera neuf artistes mexicains, dans le cadre d’un partenariat avec le Mexique.

« Notre nouvelle orientation s’intitule L’artiste au centre, ce qui est à lire à plusieurs niveaux : l’artiste au centre de la communauté artistique, l’artiste au centre de nos préoccupations et de notre volonté de diffusion, l’artiste au centre de la recherche et de l’innovation, et l’artiste au centre d’artiste », dit celle qui est directrice générale de Circa depuis deux ans.

Trois expos

Pour ses 30 ans, Circa présente trois expos : une dans ses locaux de l’édifice du Belgo et deux autres dans les maisons de la culture Frontenac et du Plateau-Mont-Royal (voir texte suivant). Les exposants ont été choisis par appel de dossiers après qu’une thématique, Feu et origines, eut été dégagée par le conseil d’administration de Circa.

Deux commissaires orchestrent la programmation spéciale, André-Louis Paré pour le volet exposition et Janick Bernard pour le volet performance. Un volet de rencontres thématiques fait partie des célébrations.

Le 15 juin, le sculpteur Stephen Schofield parlera de l’imaginaire du conte. Le 4 octobre, l’artiste Manuela Lalic rencontrera les visiteurs en compagnie de Mathieu Cardin. Et le 22 novembre, l’artiste Caroline Boileau fermera le bal avec la pionnière de l’art performance Sylvie Tourangeau.

30 ANS DE CIRCA

À feu doux

La famille Circa est en fête… et en feu ! Le centre d’artistes marque ses 30 ans avec Feu et origines, trois expos collectives et des performances, à voir aux maisons de la culture Frontenac et du Plateau-Mont-Royal et dans ses locaux du Belgo. Un circuit sans prétention et en douceur. À l’image de Circa.

Les expos marquant les 30 ans de Circa combleront les amateurs de sculptures, d’installations, de photos et de vidéos. Orchestrées par le commissaire invité André-Louis Paré, ce sont trois petits déploiements d’œuvres le plus souvent intéressantes à plusieurs égards.

Le directeur du magazine Espace était un choix gagnant, étant donnée son expertise dans le domaine de la sculpture et de la spatialité, deux déterminants de Circa.

Évident ou sous-entendu, le feu a été choisi comme thème central des trois expositions. Feu originel, feu régénérant, feu réchauffant, planète en feu, feu de la création, feu du néant. Le feu est ainsi le nerf de bien des créations qui permettent d’évoquer un grand nombre de sujets.

Le commissaire a réparti les œuvres dans les trois lieux, « avec intuition », dit celui qui procédera à une visite guidée de l’expo du Belgo le 2 juin à 15 h et qui y présentera une conférence le 9 juin à 16 h.

Frontenac

À la maison de la culture Frontenac, l’installation de Catherine Sylvain a été placée au centre de la scénographie. En montant sur une petite pièce de bois, on peut regarder, à 360 degrés, sur deux présentoirs circulaires, les petits personnages en porcelaine de son Archéologie des petites détresses humaines, surréaliste à souhait. Une allégorie délicate et brillante du feu qui brûle en chacun de nous. Premier coup de cœur.

La céramique, premier art du feu, est célébrée dans trois œuvres de la série Épuration de Laurent Craste, des amoncellements figuratifs se référant notamment à l’histoire de l’art. Tout près, la sculpture Totem colonne grecque, un métissage de Fred Laforge, évoque le plaisir que nous avons eu récemment à voir ses dernières œuvres composites à la Galerie d’art d’Outremont, une expo qui s’achève dimanche.

Nous avons également bien apprécié les deux créations d’Éric Sauvé. L’artiste traite du feu ravageur avec Pour ce qui flotte, un radeau de barils évoquant une civilisation pétrolière à la dérive, et avec Briller par son absence, une table en bois calciné percé de petits trous qui font penser à de la dentelle. Deuxième coup de cœur.

Enfin, le cofondateur de Circa Yves Louis-Seize présente deux pièces d’acier, dont Être un volcan, de 2006, une murale d’alliage métallique de fort belle allure.

Plateau-Mont-Royal

À la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal, c’est la sculpture en céramique de Dominic Papillon, Humeur acéphale, que l’on remarque au premier coup d’œil. Une création attirante et troublante.

Jeune membre de Circa, Philippe Caron Lefebvre présente de son côté de curieuses œuvres organiques dans sa série Les faïences de l’abîme. Des éponges ? Des gastéropodes ? En tout cas des bestioles singulières que les couleurs nous rendent sympathiques.

Enfin, Catherine Bolduc suscite encore une fois la surprise avec son faux volcan en activité dont l’éruption provient de cristaux magnifiés par son théâtre d’ombrage. Une petite merveille d’animation.

Au Belgo

Chez Circa, le thème du feu a conduit le duo Couturier-Lafargue à proposer son triptyque sur la mine de Murdochville, First Blast. Des carottes de forage dans leurs casiers de bois, une photo de dynamitage en 1952 et un film sur le lac, fossile vivant de l’exploitation minière. Une œuvre documentaire sur les conséquences de notre logique industrielle.

Enfin, le travail d’André Fournelle, artiste en orbite autour de Circa depuis des lunes, donne un accent historique à ce déploiement, avec une vidéo récente résultant de son intérêt marqué pour Malevitch. Il est allé faire éclater, à la dynamite, un bloc de granite noir, rappelant le fameux carré du suprématiste. Il en diffuse l’expérience et en expose le résultat. Conceptuel Fournelle.

Performances

Une des originalités de cette programmation spéciale est son volet performance, défini par la commissaire invitée Janick Bernard, ex-assistante à la programmation de Circa. Elle a choisi de parler de la question des origines. « À la fois les origines de Circa et ce que ça implique, dit-elle, mais aussi d’où proviennent les pratiques des artistes et comment naît leur geste performatif. »

La première performance, de Sophie Castonguay, a eu lieu le 12 mai. La suivante sera présentée par Jean-Sébastien Vague (le duo formé en 2008 par Sophie Rondeau et Jade Barrette), samedi, de 14 h à 16 h. Le duo compte amalgamer « les codes de la sculpture classique et ceux du travail ouvrier » par l’entremise d’un geste répétitif et fastidieux pendant deux heures.

La dernière performance, celle d’Hugo Nadeau, sera mise en scène le 9 juin, de 15 h à 15 h 20, sur le thème d’une « appropriation des disparitions influentes ». « Il compte faire sa performance dans les traces presque imperceptibles de Jean-Sébastien Vague », dit Janick Bernard.

Enfin, le finissage des expositions, le 16 juin au Belgo, s’accompagnera d’une table ronde animée par Janick Burn avec la participation du critique Jean-Émile Verdier et des artistes Sophie Castonguay, Hugo Nadeau et Jean-Sébastien Vague.

À la maison de la culture Frontenac (2550, rue Ontario Est) jusqu’au 3 juin. Du lundi au samedi à partir de 13 h. 

À la maison de la culture Plateau-Mont-Royal (465, avenue du Mont-Royal Est), jusqu’au 10 juin. Du lundi au samedi à partir de 13 h.

À Circa art actuel (372, rue Sainte-Catherine Ouest, local 444), jusqu’au 16 juin. Du mercredi au samedi, après 12 h.

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