Rentes du gouvernement

Payante patience !

Vous rêvez d’avoir une rente pleine et entière du gouvernement indexée à vie ? Rien de plus simple ! Au lieu de réclamer vos rentes au plus vite, patientez jusqu’à 70 ans, quitte à vivre de vos épargnes dans l’intervalle. Vous aurez ensuite la paix d’esprit jusqu’à la fin de vos jours. Une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques en fait l’éclatante démonstration.

Un dossier de Stéphanie Grammond

Une pleine rente du gouvernement indexée à vie ? Facile !

Tout vient à point à qui sait attendre. L’adage ne pourrait être plus vrai pour votre rente de retraite.

Je sais que c’est contre nature, mais beaucoup de retraités devraient reporter le paiement de leur pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et de leur rente du Régime des rentes du Québec (RRQ) jusqu’à 70 ans.

En patientant quelques années, ils auraient droit à des rentes bonifiées de 36 % à 42 %. Garanties par le gouvernement. Pleinement indexées à l’inflation. Suffisantes pour couvrir pratiquement tous leurs besoins. La sainte paix financière jusqu’à la fin de leurs jours, quoi !

Qui dit mieux ?

Malheureusement, les Québécois ne sont pas patients. À peine 1,7 % d’entre eux reportent le paiement de leur PSV après 65 ans et seulement 3 % attendent après cet âge pour leur RRQ.

La plupart réclament leur dû dès qu’ils partent à la retraite. D’autres demandent même leur RRQ à partir de 60 ans, même s’ils continuent à travailler. Ce faisant, ils brûlent la chandelle par les deux bouts. Par la suite, ils devront se contenter d’une rente lourdement amputée pour le reste de leur vie.

En fait, les retraités qui demandent leurs rentes le plus tôt possible auront des prestations combinées de seulement 15 500 $ par année, dans le meilleur des cas. C’est presque deux fois moins que s’ils attendaient à 70 ans. Et cette différence énorme les suivra jusqu’à leur tombe.

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Pour vous convaincre de reporter vos rentes, prenons un exemple tiré d’une étude fort intéressante publiée, cette semaine, par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Imaginons Alain qui gagne environ 55 000 $ (soit le maximum des gains admissibles au RRQ) et qui décide de prendre sa retraite à 65 ans.

Disons qu’à la retraite, il pourra se débrouiller avec seulement 60 % de ses anciens revenus d’emploi. Si cela vous semble peu, dites-vous qu’Alain paiera moins d’impôt. Au net, il aura donc l’équivalent de 80 % de ses anciens revenus disponibles. Et comme ses dépenses vont fondre, ce sera suffisant pour maintenir son train de vie.

À 65 ans, Alain aurait droit à une rente pleine et entière du RRQ et à sa PSV. Dans ce cas, les rentes publiques couvriraient 61 % de ses besoins financiers. Pour combler l’écart, il devrait avoir accumulé 265 000 $, en mettant de côté 8 % de son salaire à partir de l’âge de 30 ans jusqu’à sa retraite.

Mais pour Alain, il serait plus avantageux d’attendre encore cinq ans pour réclamer ses rentes aux gouvernements, quitte à épuiser ses épargnes personnelles plus rapidement.

En réclamant son RRQ et sa PSV à 70 ans, les rentes publiques couvriraient 82 % de ses besoins financiers jusqu’à sa mort. En prime, il aurait besoin d’épargner un peu moins (17 000 $) durant toute sa carrière.

Mais le plus beau de l’histoire, c’est que si Québec décide finalement de bonifier le RRQ comme le reste du Canada, les rentes publiques couvriraient alors 100 % des besoins financiers d’Alain jusqu’à sa mort. Plus besoin d’épargner du tout !

Mais cette bonification hypothétique ne prendra effet que graduellement sur une période de 40 ans.

Pour donner davantage de flexibilité aux retraités d’aujourd’hui, l’État devrait songer à étendre le report des rentes jusqu’à 75 ans.

Cela serait particulièrement utile pour les plus haut salariés qui ont un effort d’épargne personnelle beaucoup plus grand à fournir.

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À l’heure où les régimes de retraite sont en voie de disparition chez les employeurs, les travailleurs doivent réaliser que le report du RRQ et de la PSV est un mécanisme qui leur permet de « s’acheter » une rente blindée, à un coût très avantageux.

Cela vaut beaucoup mieux que gérer son petit magot tout seul dans son coin pour deux raisons principales.

Primo, en mettant nos épargnes en commun, on paie moins cher de frais de gestion et on se protège mieux contre les risques des marchés financiers.

Parlez-en aux retraités qui ont quitté le marché du travail juste avant l’éclatement de la bulle des technos ou de la crise du crédit. Leur butin a diminué, sans que leur horizon de placement leur permette de se refaire entièrement. Puis, les taux d’intérêt ont fondu, ce qui a réduit leurs revenus de retraite. Mauvais timing ! Avec une rente garantie, fini les soucis.

Secundo, une rente permet de mieux gérer le risque de longévité. Un des gros problèmes en planification financière, c’est qu’on ne connaît pas l’heure de notre mort.

Alors qu’un large groupe peut s’aligner sur l’espérance de vie, un individu tout seul doit voir beaucoup plus loin (facilement 95 ans) pour être certain de ne pas manquer d’argent avant sa mort.

Cela requiert un gros effort d’épargne supplémentaire. Et on n’est jamais aussi bien protégé qu’avec une rente. Qui sait si on ne sera pas centenaire ?

Mais les retraités ont tendance à sous-estimer leur espérance de vie. Ils préfèrent garder leurs économies dans leur bas de laine en se disant que, s’ils meurent jeunes, leurs enfants auront un bel héritage, ce qui n’est pas le cas des rentes de l’État.

Mais l’inverse de l’héritage, c’est le risque de devenir un poids financier pour ses enfants parce qu’on survit à nos épargnes, rétorque le coauteur de l’étude, Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.

Alors pour ceux qui ne veulent pas manquer d’argent de leur vivant, le report de la PSV et du RRQ est l’outil tout indiqué pour se bâtir une rente longévité.

Couverture des régimes publics de retraite

Cet outil interactif permet de reproduire les graphiques qui accompagnent l’étude Régimes de retraite publics : Analyse de la flexibilité du système actuel et effets d’une réforme possible

À l’épreuve des chiffres

Si vous reportez votre rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ) et votre pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), ces rentes de l’État seront majorées et couvriront une plus grande part de vos besoins jusqu’à la fin de vos jours. Et dans bien des cas, vous aurez moins besoin d’épargner pour la retraite. — Stéphanie Gramond, La Presse

Rentes du gouvernement

Réclamer ou reporter ?

Devriez-vous reporter le paiement de vos rentes de l’État ? En planification financière, chaque cas est unique. Mais dans certaines situations, la décision est plus facile à prendre. Voici quelques exemples…

— Stéphanie Grammond, La Presse

Réclamer ou reporter ?

Réclamez si…

Vous avez une santé fragile ? Il vaut mieux demander votre rente de la Régie des rentes du Québec (RRQ) plus tôt si votre espérance de vie est réduite. Mais attention, les retraités ont tendance à sous-estimer leur espérance de vie. Saviez-vous qu’un homme de 60 ans a une chance sur quatre d’être encore en vie à 94 ans  ? Pour une femme, c’est 96 ans. Pensez-y.

Vous n’avez pas de conjoint ? Vous souhaitez laisser un héritage à vos enfants majeurs ? Il est possible de réclamer votre RRQ rapidement afin de placer l’argent dans votre REER si vous avez l’espace, indique Martin Dupras, planificateur financier indépendant pour ConFor Financiers. À votre décès, vos héritiers toucheront ce montant, alors qu’ils n’auraient eu droit à aucune rente de survivant de la RRQ.

Vous êtes un retraité à faibles revenus ? N’attendez pas pour réclamer votre PSV. Cela vous forcerait à vous passer aussi du Supplément de revenus garantis (SRG) dont le report ne donnera pas droit à la bonification. Pas avantageux.

Idem pour la RRQ. Si vous manquez d’épargne-retraite pour vivre, la question ne se pose pas. Oubliez les savants calculs et demandez votre rente immédiatement… ou continuez à travailler plus longtemps.

Vous avez eu une carrière en dents de scie ? Sachez que la rente de la RRQ est calculée en fonction de vos revenus moyens durant toute votre carrière, en excluant 15 % des pires années. Si vous avez plus de six années de faibles revenus depuis l’âge de 18 ans, le fait de retarder votre rente et d’ajouter d’autres années sans revenus pourrait légèrement vous nuire.

Réclamer ou reporter ?

Reportez si…

Vos parents ont vécu très longtemps ? Vous avez les gènes d’un centenaire ? Si votre espérance de vie est plus longue, le report de vos rentes est un choix particulièrement judicieux.

Vous avez peu de connaissances en finance ? La gestion de vos économies vous stresse ? Si vous laissez vos épargnes dans des placements très sécuritaires qui génèrent peu de rendements (disons 1 à 3 %), mieux vaut épuiser ce capital plus vite pour vous permettre de reporter vos rentes.

Vous gagnez plus de 120 000 $ par année ? Passé ce cap, les aînés doivent rembourser la PSV de toute façon. Pour eux, le report s’impose. Ils n’ont rien à perdre ! En fait, dès que les revenus excèdent 75 000 $, le report de la rente devient généralement plus avantageux. Plutôt que de se faire bouffer sa PSV en tout ou en partie, mieux vaut attendre et obtenir la bonification de 36 %. On se positionne mieux en cas de chute des revenus à long terme.

Vous n’avez aucun régime de retraite avec un employeur ? En vivant de vos épargnes personnelles quelques années pour vous permettre de reporter vos rentes de l’État, c’est un peu comme si vous convertissiez votre capital en un petit régime de retraite, indique Martin Dupras. N’est-ce pas ce dont tous les travailleurs rêvent ?

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