Tout vient à point à qui sait attendre. L’adage ne pourrait être plus vrai pour votre rente de retraite.
Je sais que c’est contre nature, mais beaucoup de retraités devraient reporter le paiement de leur pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et de leur rente du Régime des rentes du Québec (RRQ) jusqu’à 70 ans.
En patientant quelques années, ils auraient droit à des rentes bonifiées de 36 % à 42 %. Garanties par le gouvernement. Pleinement indexées à l’inflation. Suffisantes pour couvrir pratiquement tous leurs besoins. La sainte paix financière jusqu’à la fin de leurs jours, quoi !
Qui dit mieux ?
Malheureusement, les Québécois ne sont pas patients. À peine 1,7 % d’entre eux reportent le paiement de leur PSV après 65 ans et seulement 3 % attendent après cet âge pour leur RRQ.
La plupart réclament leur dû dès qu’ils partent à la retraite. D’autres demandent même leur RRQ à partir de 60 ans, même s’ils continuent à travailler. Ce faisant, ils brûlent la chandelle par les deux bouts. Par la suite, ils devront se contenter d’une rente lourdement amputée pour le reste de leur vie.
En fait, les retraités qui demandent leurs rentes le plus tôt possible auront des prestations combinées de seulement 15 500 $ par année, dans le meilleur des cas. C’est presque deux fois moins que s’ils attendaient à 70 ans. Et cette différence énorme les suivra jusqu’à leur tombe.
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Pour vous convaincre de reporter vos rentes, prenons un exemple tiré d’une étude fort intéressante publiée, cette semaine, par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
Imaginons Alain qui gagne environ 55 000 $ (soit le maximum des gains admissibles au RRQ) et qui décide de prendre sa retraite à 65 ans.
Disons qu’à la retraite, il pourra se débrouiller avec seulement 60 % de ses anciens revenus d’emploi. Si cela vous semble peu, dites-vous qu’Alain paiera moins d’impôt. Au net, il aura donc l’équivalent de 80 % de ses anciens revenus disponibles. Et comme ses dépenses vont fondre, ce sera suffisant pour maintenir son train de vie.
À 65 ans, Alain aurait droit à une rente pleine et entière du RRQ et à sa PSV. Dans ce cas, les rentes publiques couvriraient 61 % de ses besoins financiers. Pour combler l’écart, il devrait avoir accumulé 265 000 $, en mettant de côté 8 % de son salaire à partir de l’âge de 30 ans jusqu’à sa retraite.
Mais pour Alain, il serait plus avantageux d’attendre encore cinq ans pour réclamer ses rentes aux gouvernements, quitte à épuiser ses épargnes personnelles plus rapidement.
En réclamant son RRQ et sa PSV à 70 ans, les rentes publiques couvriraient 82 % de ses besoins financiers jusqu’à sa mort. En prime, il aurait besoin d’épargner un peu moins (17 000 $) durant toute sa carrière.
Mais le plus beau de l’histoire, c’est que si Québec décide finalement de bonifier le RRQ comme le reste du Canada, les rentes publiques couvriraient alors 100 % des besoins financiers d’Alain jusqu’à sa mort. Plus besoin d’épargner du tout !
Mais cette bonification hypothétique ne prendra effet que graduellement sur une période de 40 ans.
Pour donner davantage de flexibilité aux retraités d’aujourd’hui, l’État devrait songer à étendre le report des rentes jusqu’à 75 ans.
Cela serait particulièrement utile pour les plus haut salariés qui ont un effort d’épargne personnelle beaucoup plus grand à fournir.
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À l’heure où les régimes de retraite sont en voie de disparition chez les employeurs, les travailleurs doivent réaliser que le report du RRQ et de la PSV est un mécanisme qui leur permet de « s’acheter » une rente blindée, à un coût très avantageux.
Cela vaut beaucoup mieux que gérer son petit magot tout seul dans son coin pour deux raisons principales.
Primo, en mettant nos épargnes en commun, on paie moins cher de frais de gestion et on se protège mieux contre les risques des marchés financiers.
Parlez-en aux retraités qui ont quitté le marché du travail juste avant l’éclatement de la bulle des technos ou de la crise du crédit. Leur butin a diminué, sans que leur horizon de placement leur permette de se refaire entièrement. Puis, les taux d’intérêt ont fondu, ce qui a réduit leurs revenus de retraite. Mauvais timing ! Avec une rente garantie, fini les soucis.
Secundo, une rente permet de mieux gérer le risque de longévité. Un des gros problèmes en planification financière, c’est qu’on ne connaît pas l’heure de notre mort.
Alors qu’un large groupe peut s’aligner sur l’espérance de vie, un individu tout seul doit voir beaucoup plus loin (facilement 95 ans) pour être certain de ne pas manquer d’argent avant sa mort.
Cela requiert un gros effort d’épargne supplémentaire. Et on n’est jamais aussi bien protégé qu’avec une rente. Qui sait si on ne sera pas centenaire ?
Mais les retraités ont tendance à sous-estimer leur espérance de vie. Ils préfèrent garder leurs économies dans leur bas de laine en se disant que, s’ils meurent jeunes, leurs enfants auront un bel héritage, ce qui n’est pas le cas des rentes de l’État.
Mais l’inverse de l’héritage, c’est le risque de devenir un poids financier pour ses enfants parce qu’on survit à nos épargnes, rétorque le coauteur de l’étude, Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke.
Alors pour ceux qui ne veulent pas manquer d’argent de leur vivant, le report de la PSV et du RRQ est l’outil tout indiqué pour se bâtir une rente longévité.
Couverture des régimes publics de retraite
Cet outil interactif permet de reproduire les graphiques qui accompagnent l’étude Régimes de retraite publics : Analyse de la flexibilité du système actuel et effets d’une réforme possible.