Témoignage

Lock-out à l’Aluminerie de BécancouR Vous avez perdu ma confiance, monsieur Legault

Monsieur le Premier Ministre, je prends quelques minutes de mon temps pour vous exprimer ce que je vis depuis 15 longs mois.

Vous êtes un humain et peut-être vous donnerez-vous la peine d’imaginer, ne serait-ce que quelques minutes, ce que nous vivons, mon conjoint, mes enfants et moi ainsi que les quelque 900 autres employés de l’ABI, leurs familles et leurs enfants. 

Imaginer le stress, l’incertitude, la tristesse, sans parler de la rage qui m’habitent. Tout cela fait partie intégrante de ma vie, de nos vies depuis tout ce temps. 

Vous savez, M. Legault, ces 15 longs mois auraient pu avoir une fin prochaine grâce à votre intervention dans le dossier.

Mon humble opinion de femme d’employé ne doit avoir qu’une infime importance dans le dossier. J’irais même jusqu’à dire qu’elle ne doit pas vraiment compter pour vous, M. le Premier Ministre, alors que vous avez un léger penchant pour la multinationale américaine qui emploie mon conjoint et ses collègues. 

Je dois vous avouer que mon vote est allé avec vous aux dernières élections, car je croyais que vous alliez faire une différence. J’avais si confiance ! Vous deviez faire la différence dans ce dossier ! Vous avez probablement l’intelligence d’observer, tout comme moi, que vous avez au contraire élargi la tranchée – c’est peu dire – entre la partie patronale et les syndiqués. 

Ce que les employés veulent, c’est une entente négociée, pas une hypothèse de règlement. L’employeur n’a pas daigné regarder la proposition syndicale pour en discuter avec eux. 

Au contraire, avec votre appui, vous avez fait en sorte qu’Alcoa bombe le torse de plus belle en sachant le haut dirigeant de notre province de son côté. 

Seriez-vous prêt à attendre 11 longs mois, sans salaire, sans prime syndicale, avant de rentrer au travail, M. Legault ? Poser la question, c’est y répondre. Croyez-vous sincèrement encore aux contes de fées où l’on vit d’amour et d’eau fraîche ? Vivez-vous sur la même planète que moi, que nous, victimes de cette multinationale américaine ? 

Vous avez probablement une idée que nous avons, pour plusieurs, mis nos vies et nos projets en pause depuis 15 longs mois. Que ce conflit a été source de grandes pertes financières, de faillites, de séparations, et j’en passe. Peut-être que ces drames ne vous ébranleront pas autant que moi, moi qui, au fil de ces 15 longs mois, ai vu des collègues de mon conjoint ne pas avoir autant de force que nous en avons eue (et que nous avons toujours) pour garder la tête hors de l’eau. 

Merci, M. Legault, merci pour tant d’humanité. Merci d’avoir aidé à envenimer ce conflit plus qu’il ne l’était. Merci d’avoir pensé aux Américains avant vos électeurs. Voici l’humble avis d’une Québécoise parmi tant d’autres qui avait confiance en son premier ministre. Ce temps est révolu.

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