Alimentation

Espoir de guérison pour les enfants allergiques

« Quand notre enfant reçoit un diagnostic d’allergie alimentaire sévère, ça bouleverse la vie familiale, on vit soudainement avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », confie Marie-Julie Croteau, mère d’un garçon de 12 ans allergique aux arachides et aux noix. Au Québec, il n’existe aucun traitement préventif, à part l’évitement. C’est appelé à changer sous peu, se réjouit-elle.

Dès l’an prochain, le CHU Sainte-Justine pourrait ouvrir la première clinique canadienne d’immunothérapie orale, aussi appelée désensibilisation alimentaire. Il faut d’abord obtenir le feu vert de la direction et amasser les fonds nécessaires. « Aux États-Unis, environ 10 % des allergologues administrent ce traitement. De plus en plus de données s’accumulent pour démontrer son efficacité », explique le Dr Philippe Bégin, allergologue au CHU Sainte-Justine. Il a suivi une formation de deux ans à l’Université Stanford sur l’immunothérapie orale.

UNE POSSIBLE GUÉRISON

« Le traitement consiste en l’administration, sous forme de poudre, de quantités infimes de l’allergène. On augmente cette dose très progressivement sur plusieurs mois afin d’amener une désensibilisation. Selon les études actuelles, le traitement fonctionne dans 80 à 85 % des cas », indique l’expert. Une médication quotidienne permet de réintégrer l’allergène dans le régime alimentaire. Il peut s’agir de noix, de moutarde, de soya, d’œufs, etc.

« Au bout de cinq ans, 50 % des enfants perdent leur allergie. On peut alors parler de guérison. Plus on commence le traitement jeune, plus les chances de guérison sont élevées. »

— Le Dr Philippe Bégin, allergologue au CHU Sainte-Justine

Cette avancée s’annonce comme un soulagement pour de nombreuses familles. Au Québec, plus de 100 000 enfants ont des allergies alimentaires. La prévalence des allergies a triplé en 10 ans.

« Vivre avec un enfant allergique, c’est un combat au quotidien. Faire l’épicerie, aller au restaurant, voyager : tout devient un casse-tête, dit Mme Croteau. C’est sans compter l’anxiété que vit l’enfant. Toujours en état d’alerte, mon fils a de la difficulté à participer à certaines activités sociales, comme un voyage organisé par l’école, une fête d’anniversaire. » Le risque annuel de réaction accidentelle est de 15 %.

À LA RECHERCHE DE FONDS

Parce que le traitement est novateur, il faut en mesurer l’impact sur la vie des enfants et des familles avant d’obtenir un financement à long terme des instances publiques. Aussi, la clinique mise d’abord sur les dons du public. Une campagne de financement est organisée par des parents réunis sous la bannière Bye Bye Allergies. « C’est une initiative spontanée des parents, dit le Dr Bégin. L’objectif est d’assurer les deux premières années d’opération de la clinique. Dans un contexte de coupes, on doit miser d’abord sur la philanthropie. » On souhaite amasser 500 000 $ et traiter 200 enfants en deux ans.

Sophie Beugnot a lancé cette collecte de fonds, d’abord à petite échelle, il y a deux ans. Elle a réussi à amasser 25 000 $. « C’était encore embryonnaire, mais je croyais beaucoup en ce traitement. J’avais lu beaucoup sur le traitement et les travaux aux États-Unis. Le Dr Bégin n’était même pas revenu de Stanford. »

Le fils de Mme Beugnot, âgé de 8 ans, est allergique aux arachides. « Mon but n’est pas de le voir manger des sandwichs au beurre d’arachides, mais de le mettre à l’abri des expositions accidentelles, dit-elle. Quand il aura 14 ou 15 ans, je n’aurai plus le contrôle. Certains jeunes ne traînent pas leur Epipen et prennent de gros risques. J’aimerais qu’il soit désensibilisé avant l’adolescence, pour qu’il soit libre et en sécurité. »

L’immunothérapie orale est prometteuse, mais néanmoins risquée. « Elle n’est pas à la portée de l’allergologue moyen. Il faut une expertise, l’équipe doit être bien formée, souligne le Dr Bégin. Le risque est calculé, mais ça prend des parents motivés. » Il croit que la clinique pilote pourra servir de levier à une pratique généralisée qui permettra éventuellement de protéger enfants et adultes des dangers potentiels de leur assiette.

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