570 km de peurs à combattre
Un poncho pour les orages, un chasse-moustiques contre les piqûres, des chaussettes de soie pour les journées chaudes… Son sac est rempli. Son ventre aussi, de papillons de fébrilité. Mais, pour franchir à la marche les 570 km séparant Longueuil et Rimouski, c’est de son bagage que Patrice Coquereau aura le plus besoin.
« Mon parcours a été très chaotique. J’ai souffert d’enfermement, de psychoses, de chaos, etc. Mais à travers tout ça, j’ai appris à faire face à mes peurs. D’où le Pas à Pas », explique le comédien.
Pour vaincre un trouble anxieux, le plus difficile est souvent de faire le premier pas ; Patrice Coquereau en sait quelque chose. Il a abordé les hauts et les bas de son propre parcours de guérison dans un livre publié il y a cinq ans, Guérir à gorge déployée, et il donne des conférences sur l’anxiété depuis.
« Ce que je constate sur le terrain, y compris chez les plus jeunes, c’est que l’anxiété – à différents degrés et sous différentes formes – est omniprésente. Et même si on en parle de plus en plus, ça reste tabou, délicat à aborder dans notre monde de performance. »
— Patrice Coquereau, comédien, metteur en scène, auteur et conférencier
Partout où il passe en tant que conférencier, il dit observer l’effet dévastateur du « festival de la comparaison, du résultat, de la performance ». « Maintenir son ego, être aimé, validé… c’est vieux comme le monde, c’est partout, et c’est anxiogène », avertit celui qui aimerait que l’authenticité reprenne ses droits dans un monde faussement aseptisé de défauts et d’échecs.
« Pourquoi, quand quelqu’un nous demande comment on va, on ne dirait pas quand ça va mal, tout simplement ? Des fois, ça donne une qualité de présence insoupçonnée et on entre dans quelque chose de vrai, fait-il remarquer. On n’a pas idée des histoires personnelles des gens qui nous entourent, dans les transports en commun, au travail, à l’école… »
Il aime penser que « nous sommes tous des livres, et qu’on ne voit que la couverture ».
« Pourquoi voir l’autre non pas comme un compétiteur potentiel, mais comme quelqu’un qui va agrémenter notre parcours ? »
L’artiste s’est mis à réfléchir à une façon d’agrémenter son propre parcours. Porte-parole de Phobies-Zéro, il voulait aussi attirer l’attention sur les troubles d’anxiété en général et amasser des fonds pour l’organisme. L’idée d’aller à la rencontre des gens dans un contexte de grande traversée à la marche lui est apparue comme une évidence, en mai dernier. L’organisation de l’événement s’est faite si rapidement qu’à peine deux mois plus tard, il laçait ses bottines de marche, prêt à longer le Saint-Laurent jusqu’au Bas-du-Fleuve.
« Je vais dormir chez les gens en cours de route, mais je veux aussi qu’ils m’accompagnent, je veux susciter des discussions, des témoignages sonores et visuels dans le but d’un documentaire », explique-t-il.
À 24 heures de son départ, des volontaires offraient déjà de l’héberger dans près de la moitié des villes qu’il visitera. Une réponse « au-delà de toutes [ses] espérances », qu’il croit sans doute liée à la proximité des gens avec le message qu’il véhicule.
« La vie, ce n’est pas un conte de fées. C’est un lieu d’apprentissage, c’est l’école du courage. Et de savoir qu’on n’est pas seul, ça soulage. Après, c’est un cheminement pour soi, ce n’est pas une course. Il faut se désensibiliser de ce qui nous terrifie tant, apprendre à l’apprivoiser, à le confronter », dit, plein de sagesse, l’homme de 58 ans qui a entrepris un autre type de parcours, hier.
Il se donne comme objectif de parcourir entre 15 et 20 km par jour d’ici la fin d’août. Mais, de la même façon que lorsqu’il fait face à un trouble anxieux, il se promet de composer avec ce qui se présentera à lui, un jour à la fois, un pas à la fois.