chronique

Yannick tel qu’en lui-même

La prochaine fois que vous irez entendre l’Orchestre Métropolitain (OM) sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, je vous recommande vivement de vivre cette expérience face au chef (dans la corbeille derrière la scène de la Maison symphonique). Vous allez découvrir l’une des clés de son succès et serez témoin du contact unique qu’il établit avec ses musiciens.

Sa manière de diriger, qui passe essentiellement par les mains (il a très rarement recours à la baguette) et des expressions faciales multiples, est sans doute ce qui a inspiré le réalisateur Christiaan van Schermbeek pour créer l’ouverture de l’excellent documentaire qu’il consacre au chef québécois. Le réalisateur néerlandais a eu la bonne idée de commencer son film, qui a pour titre Yannick, par un long silence où tant de choses semblent se dire entre le chef et ses musiciens.

J’ai entendu parler de ce documentaire (en anglais et en néerlandais) il y a quelques semaines. Ça a piqué ma curiosité. L’œuvre a fait l’objet de présentations spéciales à Rotterdam et à Paris ces derniers jours afin de souligner le 100e anniversaire de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, l’une des formations dont Yannick Nézet-Séguin est titulaire. Son mandat auprès de cet orchestre arrivant à échéance cette année, Yannick Nézet-Séguin se consacrera dorénavant à l’Orchestre de Philadelphie, à la direction musicale du Metropolitan Opera de New York et, bien sûr, à l’Orchestre Métropolitain de Montréal.

Réalisé sur une longue période (on y voit des images de 2006), le film nous fait pénétrer dans l’intimité du jeune chef. On le voit dans son appartement de Rotterdam, tout comme dans celui de Montréal, avec son conjoint, Pierre Tourville, violoniste à l’OM. On devine que les moments paisibles que procure la vie de couple sont primordiaux à celui qui vit constamment dans ses valises. Les deux chats du couple, Rapha et Rodolfo, contribuent à ce bien-être.

Au sujet de son homosexualité, dont il a pris conscience au début de la vingtaine, Yannick Nézet-Séguin dit qu’il a souhaité dès le départ que ça ne soit pas un enjeu (« an issue ») pour quiconque. Mais il a aussi vite compris qu’avec la gloire et la notoriété, ce n’était pas quelque chose, non plus, qu’il souhaitait garder secret. « Avec moi, c’est take it or leave it », dit-il.

Être chef, surtout quand on est à la tête de trois orchestres, requiert une grande forme physique et mentale. Yannick Nézet-Séguin trouve cette énergie et cet équilibre dans un entraînement constant et rigoureux. 

On le voit donc suer et exhaler en soulevant des poids et haltères. Même en déplacement dans une ville étrangère, il s’arrange pour y repérer un gym.

Le grand intérêt de ce film pour les fans du chef est, bien entendu, de l’entendre parler de musique, des compositeurs et des chefs qu’il admire (Carlo Maria Giulini, dont on disait qu’il pouvait diriger par le simple mouvement d’un sourcil). Et comme toujours, Yannick Nézet-Séguin aborde ces sujets avec des mots justes et sentis.

La musique est sacrée pour Yannick Nézet-Séguin. L’expérience qu’il vit avec elle l’amène à un niveau de spiritualité. Il ne s’en cache pas. Il faut voir l’état dans lequel il se trouve, quand, au terme d’un concert, il revient seul dans sa loge. En sueur, exténué, vidé ; on le sent presque coupé de notre monde.

Si Yannick Nézet-Séguin n’était capable que d’intensité, il serait sans doute un grand chef. Mais comme il est aussi capable d’un grand humanisme, d’une bonne dose d’humour et de dérision, il est devenu un très grand chef. Lors d’une répétition, il se présente devant les musiciens de Rotterdam vêtu d’un t-shirt sur lequel il est écrit : « Life is short. Mahler isn’t. »

Un clarinettiste de Rotterdam le décrit en disant qu’il a les pieds sur terre et la tête dans les nuages. C’est ce que les musiciens et le public aiment de lui.

L’une des scènes illustrant le mieux cette décontraction a lieu lors d’une répétition avec les musiciens néerlandais où Yannick Nézet-Séguin, désirant obtenir d’eux un certain effet de légèreté dans un passage, se met à leur parler du thème de Passe-Partout.

Il explique alors aux musiciens ce qu’a représenté cette émission pour les enfants québécois. « On regardait cela et on avait tous l’air d’avoir fumé de la marijuana », dit-il. À un autre moment, il a recours à l’image des lits vibromasseurs que l’on retrouve dans certains motels et que l’on fait fonctionner en y insérant des pièces de monnaie.

Certaines scènes du film ont été tournées à Paris, à Édimbourg et à Montréal. On prend alors conscience de sa popularité auprès des mélomanes. Comme c’est le cas des rock stars, des fans l’attendent à la sortie des théâtres après les concerts.

En attendant la sortie, l’automne prochain, du documentaire de Jean-Nicolas Orhon réalisé lors de la tournée européenne de l’OM l’automne dernier, je vous invite à regarder celui-ci. Il regorge de ferveur et de passion, des « substances » dont on a si souvent besoin dans la vie.

Le gala-bénéfice de l’OM

Difficile de parler de l’Orchestre Métropolitain en passant sous silence la deuxième édition de son gala-bénéfice annuel, La Rencontre des grands chefs, sous la présidence d’honneur d’Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France. Il aura lieu jeudi soir, à la jetée Alexandra de la gare maritime Iberville. Yannick Nézet-Séguin dirigera l’orchestre dans des œuvres de Wagner, Smetana, Vivaldi, Dvořák et Britten. Quant au chef Daniel Vézina, il signera le menu du banquet. La soprano France Bellemare et le violoniste Kerson Leong sont au programme. La soirée sera animée par Pénélope McQuade et Jean-Philippe Wauthier.

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