Analyse

Désorganisation à Québec

Québec — La décision n’est pas arrêtée, mais au Conseil exécutif, on soupèse ses conséquences. Philippe Couillard envisage de nommer son bras droit et ami, le secrétaire général du gouvernement, Roberto Iglesias, à la tête de Loto-Québec, une sinécure fort lucrative par ailleurs.

L’inconvénient ? On enverrait à la déchiqueteuse les résultats de deux coûteux processus de sélection de candidats. D’un autre côté, Québec aurait un spécialiste de la santé publique pour freiner la dérive du jeu compulsif. Gérard Bibeau, un de ses prédécesseurs comme premier fonctionnaire, avait, lui aussi, suivi ce parcours.

Mais surtout, ce départ pourrait, au-delà des changements cosmétiques, donner le véritable coup de barre nécessaire pour entamer la deuxième partie d’un mandat bien souvent chaotique. Davantage qu’une nouvelle session parlementaire, avec un message inaugural centré, ô surprise, sur la santé, l’éducation et l’économie !

Derrière les portes closes du caucus, hier matin, Philippe Couillard a tenu à rassurer les députés. Aucune décision n’est arrêtée quant à un remaniement ministériel, encore moins quant à son ampleur. Les cartes tomberont après son retour du sommet économique de Davos, vers le 20 janvier.

Mais il faut s’attendre à ce que Philippe Couillard sente le besoin d’aller plus loin que le simple ajustement qui ramènerait Pierre Moreau au Conseil du trésor. Ce plan a été mis de côté le soir des élections partielles. Luc Fortin, qui, pour des raisons familiales, est rarement à Montréal, pourrait bien être délesté de la Culture au profit d’Isabelle Melançon – Philippe Couillard l’a laissé entendre en la présentant après l’élection de lundi dans Verdun. 

Sam Hamad a toujours une chance de redevenir ministre. Il a surtout un argument de taille : avec la force de la Coalition avenir Québec dans la capitale, les libéraux n’ont pas besoin d’une autre élection partielle.

Vaudeville

Désorganisation. C’est probablement la façon la plus simple de décrire le quotidien du gouvernement Couillard ces dernières semaines. Au terme de la session parlementaire, Philippe Couillard n’a jamais autant soutenu qu’il fallait « garder le cap », poursuivre la stratégie du gouvernement.

À l’évidence, pourtant, il navigue à vue, et la mauvaise performance de son parti dans les récentes élections partielles a augmenté encore le niveau d’improvisation.

Le Dr Couillard a son propre diagnostic : le gouvernement ne formule pas assez clairement et fortement son message.

Le vaudeville de la dernière journée à l’Assemblée nationale parle de lui-même. Couillard est toujours susceptible d’être accusé par le PQ de mollesse dans la défense des intérêts du Québec auprès d’Ottawa. Malgré tout, il a choisi de ne pas être présent pour l’essentiel de cette conférence fédérale-provinciale sur l’environnement. Bilan de session et bâillon parlementaire obligent, plaide-t-on. Il arrivait à Ottawa en catastrophe en fin de journée pour la conclusion de la conférence.

Pourtant, l’enjeu environnemental était suffisamment important pour qu’il se rende au Maroc pour une conférence internationale, en pleine session parlementaire. Rentré au pays, il repartait tout de suite après pour le Sommet de la Francophonie à Madagascar. Plusieurs jours d’absence en fin de session parlementaire. Son solde d’Aéroplan aura crû plus vite que son « capital politique ». Et beaucoup d’autres missions à l’étranger sont prévues pour les premiers mois de 2017.

Pourtant, avant le verdict des partielles, les stratèges libéraux semblaient mieux inspirés. Ils n’avaient pas tergiversé devant les accusations visant Gerry Sklavounos. Même célérité pour tirer au clair les atteintes à la protection des sources journalistiques. Mais le gouvernement a clairement été pris de court par les problèmes de ressources du système judiciaire – il n’est pas courant que des magistrats soient forcés de sortir publiquement pour crier à l’aide.

Longtemps critiqué, le chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne, travaille davantage en collégialité, confie-t-on. Mais le climat de méfiance persiste entre les officiels au cabinet du premier ministre.

Mais les élections partielles ont changé la donne. Désorganisation, encore ; dans Arthabaska, les bénévoles inexpérimentés ont relancé des électeurs considérés comme des « indécis », plutôt susceptibles de voter pour l’adversaire caquiste. Un cauchemar en forme de souvenir pour des organisateurs de longue date ; en 2004, dans une partielle dans Vanier, la même bévue avait contribué à faire élire l’adéquiste Sylvain Légaré.

Mais c’est surtout le scandale sur les édifices vendus par la Société immobilière du Québec qui a changé la donne aux élections partielles. Les organisateurs ont senti l’électorat se refroidir, littéralement du jour au lendemain.

Toute la semaine, Philippe Couillard s’est fait rappeler cette déclaration surprenante ; son gouvernement aurait « sauvé le Québec ». « Sauvé d’un désastre financier », complétait-il hier. Mais même dans la faune libérale, on a vu les limites du sens politique du patron. Ce geste de déni au lendemain d’un échec électoral est un exemple éclatant que cet individu, d’une intelligence manifeste, n’a pas beaucoup d’instinct politique.

Des libéraux commencent à songer qu’avec un retour en forme de Pierre Moreau, la comparaison entre les deux pourrait laisser les militants songeurs.

En 2002, les libéraux avaient mordu la poussière lors d’élections complémentaires dans des circonscriptions qui auraient dû tourner au rouge. Jean Charest avait mis tout le monde au travail, durant tout l’été, pour accoucher d’une plateforme électorale à l’automne, plusieurs mois avant la tenue des élections générales. Il s’agissait de « Réinventer le Québec ». Philippe Couillard pourra-t-il « réinventer le leadership » ?

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.