OPINION RÉFÉRENDUM EN CATALOGNE

Les indépendantistes gagnent la bataille des images… mais restent isolés

Un référendum sans légitimité

Le taux de participation est excessivement faible (43 %) et l’organisation du vote ne répond pas aux normes internationales. Certes, on dira que c’est l’action de Madrid qui a perturbé cette organisation, reste que le processus est irrémédiablement entaché et qu’aucun État européen ne reconnaîtra une déclaration d’indépendance fondée sur ce résultat.

En même temps, le président catalan, Carles Puigdemont, a réussi à asseoir sa démarche – par ailleurs téméraire et dont le résultat était prévisible – sur la répression politique. Le discours de l’autodétermination, fragile jusqu’à maintenant, trouve un semblant de légitimité dans les actions incontinentes de Madrid. Dans le « récit national » des indépendantistes, ce moment peut être construit comme un Bloody Sunday irlandais ou une rébellion des patriotes québécoise.

Le mutisme de Bruxelles

L’Union européenne (UE) n’a pas été programmée pour s’ingérer dans les affaires politiques ou constitutionnelles internes de ses États membres, qui sont présumés être des démocraties fonctionnelles. Il existe une procédure de sauvegarde de l’État de droit, aujourd’hui en partie initiée à l’égard de la Pologne. Mais jusqu’à preuve du contraire, Madrid agit dans le respect du droit espagnol et l’ordre constitutionnel n’est pas en question. Sur le plan juridique, l’UE renvoie sagement la question des violences policières à la Cour européenne des droits de l’homme, une institution distincte dont c’est la compétence.

La véritable question est politique, pas juridique. Aucun État européen, et certainement pas la France qui est le voisin immédiat de l’Espagne, ne voudra se mettre à dos un gouvernement souverain en soutenant un mouvement nationaliste fragile et divisé.

Au mieux, on peut s’attendre à des dénonciations ritualisées de la violence et des appels au calme. L’UE ne peut guère faire davantage, mais il serait obscène d’en faire moins.

L’UE a une longue expérience dans la gestion de crises à l’extérieur de ses frontières, par exemple dans les Balkans. En principe, il y a là un rôle à jouer pour des médiateurs entre Barcelone et Madrid. Mais qui a intérêt à se mouiller ? A priori, personne. Carles Puigdemont restera isolé tant que les deux gouvernants, Mariano Rajoy à Madrid et lui-même à Barcelone, resteront en place, ce qui n’est, d’ailleurs, pas assuré.

Les germes d’une guerre civile ?

De son point de vue, Madrid n’a fait qu’exécuter une décision judiciaire par la police. Les indépendantistes et une bonne partie de l’opinion publique estiment pour leur part que la force a été abusive. La question est de savoir si les abus de force sont le résultat de débordements, de bavures ou d’une stratégie consciente de répression. Quoi qu’il en soit, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a perdu la bataille des images. C’est sans équivoque.

Pour le sociologue Max Weber, l’État se définit par l’exercice du monopole de la violence légitime. Aujourd’hui, ce monopole est contesté en Catalogne. On assiste alors à un conflit entre deux légitimités qui n’est pas sans rappeler l’origine des guerres civiles. Nous n’en sommes bien sûr pas là, mais force est de constater que le projet européen n’a pas altéré tous les nationalismes et que la confrontation entre ceux-ci demeure une source de conflit bien réelle sur le continent.

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