Analyse

Une visite monumentale

Les Grands Prix cyclistes de Québec et de Montréal (GPCQM) fêteront leur 10e anniversaire l’an prochain. Cette durabilité est un exploit dans un sport et un domaine, le spectacle événementiel, marqués par l’instabilité.

Sportivement, les deux courses de niveau World Tour n’ont plus à faire leurs preuves. Avec ses deux victoires, l’Australien Michael Matthews a ajouté son nom à un palmarès déjà très riche avec des champions de la trempe de Peter Sagan, Greg Van Avermaet, Philippe Gilbert et Simon Gerrans.

L’action n’est pas toujours au rendez-vous durant les 150 premiers kilomètres, mais le suspense monte en crescendo, en particulier à Montréal, où l’ajout d’une nouvelle côte n’a pas tout bouleversé, mais a créé un peu de mouvement dans le final.

Sur le plan populaire, les GPCQM, gratuits, attirent les foules, même si les spectateurs semblaient un peu moins nombreux cette année sur le mont Royal, en particulier près du belvédère de la voie Camillien-Houde. L’habitude commencerait-elle à faire son œuvre ?

À court terme, l’avenir des deux événements, dont le budget oscille autour de 6 millions, paraît assuré. La Ville de Montréal est déjà engagée pour l’an prochain, tandis qu’une nouvelle entente avec la Ville de Québec doit être négociée. Un officiel de la capitale a évalué à « 90 % » les chances qu’elle se concrétise. Les gouvernements fédéral et provincial, par l’entremise de divers programmes, sont les deux autres partenaires publics des GPCQM.

Bénédiction

Dans ce contexte, la visite éclair du président de l’Union cycliste internationale (UCI), David Lappartient (UCI), pour le GP de Montréal, prend tout son sens. En poste depuis moins d’un an, le Français de 45 ans veut mener des réformes dont les épreuves canadiennes seront partie prenante.

Plus précisément, le président de l’UCI vise la création d’un circuit de classiques d’un jour, disputées sur quatre continents (Europe, Amérique, Asie, Océanie) et réparties sur toute l’année.

« Il y a des courses qui ont fait historiquement le cyclisme – je pense à Paris-Roubaix et au Tour des Flandres – et il y a les courses qui sont devenues historiquement des monuments en dehors de l’Europe. Montréal et Québec en font partie », a affirmé M. Lappartient en conférence de presse pendant l’épreuve de dimanche.

Assis à ses côtés, Serge Arsenault cachait mal sa satisfaction. Depuis les débuts en 2010, le président des GPCQM a toujours voulu faire de ses courses des événements pérennes et significatifs dans l’imaginaire cycliste. Se faire comparer à des « monuments » comme Milan-San Remo, Liège-Bastogne-Liège ou le Tour de Lombardie, des classiques plus que centenaires, est une bénédiction et un message très fort.

M. Lappartient a précisé que le nouveau circuit pourrait se mettre en branle dès 2020. « On a déjà dépassé la flamme rouge, donc l’arrivée, c’est pour bientôt, a illustré Serge Arsenault. Je remercie David d’avoir l’esprit ouvert et de ne pas être fermé à la discussion et à certaines interrogations. »

Sur le plan de la visibilité internationale, un autre mantra de M. Arsenault, il ne faudrait pas croire que toute l’attention était tournée vers le Québec, tant s’en faut. Dimanche, les Français étaient accaparés par la Vuelta en Espagne, où Thibaut Pinot a remporté l’étape-reine, avec un œil sur le Tour of Britain, enlevé par Julian Alaphilippe. Les Australiens, eux, se réveillaient à peine hier matin quand Matthews a débordé Sonny Colbrelli sur l’avenue du Parc.

La concurrence entre les courses fait d’ailleurs partie des dossiers chauds sur lesquels se penchera le président de l’UCI lors d’une réunion à Madrid, demain, à laquelle participeront organisateurs, équipes et coureurs. Dimanche dernier, il a soulevé l’idée de devancer d’une semaine le départ du Tour d’Espagne, sans préciser si les GPCQM seraient repoussés de la même façon. « Le calendrier, c’est un serpent de mer, a-t-il évoqué. Ce n’est pas aussi facile que ça de le revoir. »

La diffusion en direct des données paramétriques et des discussions radio entre directeurs sportifs et coureurs, à la manière de la Formule 1, est une autre proposition soumise par M. Arsenault. L’homogénéisation de la qualité de la production télévisuelle est également un passage obligé à ses yeux. Dans une même volonté de modernisation, la mise en place d’une plateforme commune de réseaux sociaux est une priorité à l’UCI.

« L’ambition de l’UCI est de faire en sorte qu’on passe à un sport réellement internationalisé. Aujourd’hui, il y a peu de sponsors d’envergure internationale dans le monde du vélo. »

— David Lappartient, président de l’Union cycliste internationale

Sur le plan local, le contrat de cinq ans avec Montréal, qui viendra à échéance l’an prochain, avait été mis en œuvre par l’ex-administration Coderre. M. Arsenault soigne donc ses relations avec la mairesse Valérie Plante. « Nous travaillons étroitement avec Hadrien Parizeau », a-t-il souligné en faisant référence au conseiller associé en matière de jeunesse, de sports et de loisirs à la Ville. « On a eu une relation extraordinaire avec ces gens-là. »

M. Parizeau a assisté à la course et été invité à la conférence de presse avec le président de l’UCI. « Les retombées sociales qui sont liées à des grands événements comme le Grand Prix cycliste, on y croit énormément à la Ville de Montréal », a assuré M. Parizeau.

Le Grand Prix cycliste des Amériques, précédente mouture de l’organisation de Serge Arsenault, s’était éteint après quatre ans d’existence en 1992. Le Tour Trans-Canada est mort après sa seule présentation en 1999. À la veille de leur 10e anniversaire, les GPCQM arrivent à maturité et ne paraissent pas sur le point de connaître un tel sort.

Une course de femmes ? Oui, mais…

Interrogé à ce sujet, Serge Arsenault a exprimé son intérêt à organiser une course féminine, mais pas sans la mise en place d’un circuit international de meilleure qualité. « Les organisateurs devront faire leur travail, les équipes et les coureuses aussi, a-t-il insisté. On doit s’assurer d’un bon peloton, des coureuses de qualité et de bonnes courses aussi, pas seulement en Europe, mais sur tous les continents. C’est la clé pour avoir le moindre succès. Oui, on aimerait le faire, mais on doit s’organiser parce qu’on ne peut plus présenter un sport professionnel de façon amateur. »

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