Environnement

À partir d’aujourd’hui, la Terre vit à crédit

Aujourd’hui, le 29 juillet, est le Jour du dépassement de la Terre.

Il s’agit de la date de l’année où l’humanité a consommé la quantité de ressources que la planète arrive à régénérer en un an. D’ici le 31 décembre, l’humanité vivra donc à crédit.

La date tombe trois jours plus tôt que l’an dernier, soit le 1er août.

Avec l’une des empreintes écologiques les plus importantes, le Canada se distingue par sa grande consommation de ressources – notamment le pétrole.

L’empreinte écologique

L’empreinte écologique permet d’illustrer l’impact d’une population sur un territoire. Chaque pays consomme et extrait une quantité donnée de ressources. Cette pression indue par l’être humain est à la base du calcul de l’empreinte écologique.

Tout pays détient une quantité finie de ressources naturelles. Certains pays en sont riches, comme le Canada, d’autres le sont moins. Le Global Footprint Network traduit la disponibilité de ces ressources en superficie.

L’empreinte carbone, l’une des composantes de l’empreinte écologique, est calculée selon la surface totale des forêts et des océans requise pour la séquestration des gaz à effets de serre émis.

Actuellement, les émissions de carbone correspondent à 60 % de l’empreinte écologique mondiale. Les autres composantes sont la superficie de terrain construit, les terres cultivées, les zones de pêche, les produits forestiers et les pâturages.

Le Jour du dépassement est évalué en divisant la capacité de régénération des ressources en une année par son empreinte écologique, puis en multipliant le résultat par 365. Cette année, les ressources sont consommées à un multiple de 1,75 de la capacité de la Terre à se régénérer : il faudrait donc 1,75 planète pour soutenir le niveau de consommation actuel sans dépassement.

La Terre lourdement endettée

Chaque seconde, en moyenne, 1225 tonnes de CO2 sont relâchées dans l’atmosphère, selon le Global Carbon Project, basé à l’Université Stanford, en Californie. Les trois quarts des gaz à effet de serre sont émis par les pays du G20, dont font partie les États-Unis, la Chine et le Canada.

Entre 1990 et 2016, le monde a rasé 1,3 million de kilomètres carrés de forêt, principalement pour faire place à des pâturages. La superficie totale utilisée pour l’agriculture à l’échelle mondiale représente 37,4 % des surfaces terrestres cultivables, selon la Banque mondiale.

La croissance démographique mondiale est fulgurante. En 1950, la Terre comptait 2,5 milliards d’humains. Depuis, ce nombre a triplé pour atteindre 7,7 milliards. Et ce n’est pas terminé : l’ONU prédit que 9,7 milliards d’humains se partageront la planète en 2050. Cette explosion démographique accentuera la pression sur les écosystèmes.

Tous ces éléments creusent le « déficit écologique » et font devancer la date du Jour du dépassement.

Selon Mathis Wackernagel, créateur du concept d’empreinte écologique et fondateur du Global Footprint Network, si l’on repoussait la date de cinq jours par année, l’humanité serait en parfaite harmonie avec le rythme de la Terre.

Le Canada, cancre mondial

Le Canada est sixième sur la liste des pays ayant la plus grande empreinte écologique par habitant, tout juste après les États-Unis. Au sommet de la liste se trouve le Qatar, dont le principal moteur économique est le pétrole.

Si le reste du monde consommait au même rythme que les Canadiens, le Jour du dépassement aurait eu lieu le 18 mars, soit quatre mois plus tôt. Nous aurions besoin de 4,7 planètes.

À l’instar de l’ensemble des pays développés, le Canada est friand de ressources. Son empreinte est énorme, et il n’y a pas que l’industrie pétrolière à blâmer. La Presse révélait ainsi récemment que le pays est aussi l’un des plus gros producteurs de déchets au monde.

Le pays est au cœur d’un paradoxe : après avoir passé une motion en Chambre pour déclarer l’urgence climatique le 18 juin dernier, le gouvernement Trudeau a annoncé dès le lendemain l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain, qui permettra de tripler le volume de pétrole albertain destiné à la consommation et à l’exportation, qui passerait de 300 000 à 890 000 barils par jour.

« Souvent, les pays qui ont beaucoup de ressources en profitent », déclare M. Wakernagel. Entre le désir de croissance économique et de réduction de l’empreinte écologique, les partis politiques devront trouver une formule de réconciliation ou de compromis.

L’empreinte de l’homme

L’indice qu’a créé Mathis Wackernagel a fait son chemin.

« D’une certaine façon, on a eu beaucoup de succès, car maintenant tout le monde se sert de l’empreinte et personne ne doute de sa pertinence, dit le spécialiste. Mais les progrès sont lents. On pense encore que faire attention à l’environnement nous coûte plus que ce que l’on en retire. »

Cela fait près de 30 ans que le concept d’empreinte écologique existe. L’idée est répandue, mais l’inaction reste le modus operandi, selon lui.

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les gens pensent qu’assurer la durabilité est quelque chose de noble. En réalité, ce n’est pas noble : c’est nécessaire. »

— Mathis Wakernagel

Originaire de Suisse, Mathis Wakernagel estime que la plupart des gouvernements des pays occidentaux tienne des discours qui ne se traduisent pas toujours en actions. « Le ton moraliste nous freine, dit-il. On dit que ce serait bien de faire une transition, mais sans vouloir dépenser de l’argent. Si l’on dit qu’on “devrait faire quelque chose”, on ne fera rien. On ne dit pas encore : “Je veux faire quelque chose.” »

Stop, ou encore ?

Afin de sortir de l’impasse, des chercheurs jonglent avec l’idée de mettre un prix sur la nature, se demandant si l’idée d’accoler une étiquette de prix à un arbre, un lac ou un poisson est louable.

Ce n’est pas d’hier que la question se pose. Dans le champ de recherche émergent de l’économie écologique, il y a de nombreuses écoles de pensées, qu’il est possible de regrouper en deux grandes familles.

« D’abord, il y a ceux pour qui l’évaluation financière des ressources naturelles est un mal nécessaire », explique Nicolas Kosoy, président de la Société canadienne de l’économie écologique et professeur agrégé à l’Université McGill. Monétiser la nature pourrait permettre de mieux intégrer sa valeur au sein de l’économie humaine, soutiennent les défenseurs de cette approche.

« D’un autre côté, il y a ceux qui voient la diversité des valeurs comme incommensurables, dit M. Kosoy. Autrement dit, les valeurs financières, culturelles, esthétiques, matérielles ou énergétiques ne peuvent être rassemblées sous un même toit pour être analysées de la même façon, c’est-à-dire selon leur valeur financière. »

Les gouvernements et les entreprises sont au cœur de la solution, mais l’individu a son rôle à jouer.

Un outil pour calculer votre impact

Le Global Footprint Network a mis sur pied un outil permettant de calculer son empreinte écologique, et traduit le résultat en nombre de planètes nécessaires pour maintenir ce train de vie.

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