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Sport et réseaux sociaux

Dans son billet « La gestion de l’ego », qu’il signait sur le site de Vélo Mag en octobre dernier, David Desjardins annonçait qu’il se soustrayait au regard des autres pour mieux exister en solo sur son vélo.

L’auteur et chroniqueur qui a souvent écrit sur son amour immodéré pour le sport y annonçait sa démission de Strava, un réseau social pour cyclistes et coureurs qui mesure et récolte les données de ses utilisateurs. « Je voulais que mon expérience sportive m’appartienne de nouveau », explique-t-il.

Comme lui, plusieurs médias ont rapporté l’effet addictif de cette application sportive qui invite ses utilisateurs à battre des records sur les segments de route afin de recevoir le titre de King of the Mountain (KOM). « Je suis très compétitif de nature, j’ai une propension à vouloir toujours gagner, explique David Desjardins. Quand toute sortie se transforme en microcompétition, ça vient jouer avec la tête. J’ai parfois pris des risques en tentant de battre des records. »

Attrape-moi si tu peux !

Dans la jungle de compétition dans laquelle évolue la société, les individus doivent se faire valoir pour survivre, illustre Suzanne Laberge, sociologue du sport. « Même les chercheurs ont leur réseau social avec ResearchGate et Google Scholar, qui attribuent à l’utilisateur un score basé sur le nombre de publications, de citations et d’interactions sur le site. Cette obsession de la performance a des effets préjudiciables sur les individus dans toutes sortes de domaines. »

« C’est un peu comme si Big Brother nous regardait tout le temps, mesurait ce que l’on fait jusque dans la chambre à coucher. »

— Suzanne Laberge

« Des applications sonnent pour dire à leurs utilisateurs de se lever lorsqu’ils sont assis depuis une heure. Pourquoi laisser ces gadgets et applications dicter ce qui est bon pour nous ou comment s’entraîner ? »

En décrochant du partage de contenu de Strava, David Desjardins s’est senti libéré. « J’avais l’impression que chaque fois que je m’entraînais, il y avait quelqu’un qui m’observait. Ma vie est loin d’être moche, je n’avais pas besoin de faire un spectacle de mes performances sportives. »

À la suite de la parution de deux billets sur le sujet, le chroniqueur a reçu plusieurs messages de personnes qui ne comprenaient pas son geste, mais aussi d’autres qui étaient passées par là. « Pour la plupart des utilisateurs, il n’y a pas de problème ni de danger à utiliser des outils comme Strava. Ils reçoivent des encouragements, des « like », ça les aide et les motive. Mais ils ont été nombreux à m’écrire qu’ils s’étaient désabonnés parce que, comme pour moi, ça gâchait leur plaisir et c’était devenu un fardeau. »

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