Pierre Breton

L’aventure, c’est l’aventure !

Le zouave qui aimait les vélocipèdes
Pierre Breton
Boréal
283 pages

Le deuxième roman de Pierre Breton ressemble au premier. Action, comédie et amitié au menu. Entrevue avec un drôle de zigoto. 

Un zigoto, c’est quelqu’un qui se fait remarquer. Pierre Breton, peut-être pas, mais ses romans, oui ! Avec leurs habits sortis des mille et une nuits, les zouaves pontificaux aussi ne passaient pas inaperçus. Le Beauceron en a fait le sujet d’un deuxième roman aussi captivant qu’amusant. 

« Je ne veux surtout pas que le lecteur s’emmerde en me lisant. Je veux être en prise directe avec lui. Quand j’écris, je l’imagine me lire », fait cet ancien journaliste de Sainte-Marie-de-Beauce.

Le zouave qui aimait les vélocipèdes, c’est Séverin Lachapelle, un petit escroc qui s’engage, en jouant les imposteurs, dans le régiment de zouaves pontificaux qui sont allés défendre le pape Pie IX quand l’Italie menaçait d’annexer le Vatican, dans les années 1860.

« Il n’est pas du tout antipathique. C’est un bon acteur qui sait se sortir des mauvais pas. Un voleur sympathique, alors qu’on en connaît des grands qui sont antipathiques », fait l’auteur avec un sourire dans la voix.

Bons vivants

De bons vivants, ainsi peut-on décrire les personnages de Pierre Breton. Solidaires aussi. Son premier livre, Sous le radar, racontait la fugue de deux ti-culs sur la route de la culture du tabac en Ontario. L’amitié était aussi au centre des péripéties. 

« C’est important dans mes deux romans. Dans Le zouave, ce sont quatre personnages très typés. J’ai créé l’hypocondriaque en lisant les journaux de l’époque où l’on proposait des tas de remèdes miracles à tous les maux. L’humain ne change pas. On obéit aux mêmes pulsions qu’avant. »

L’art de Breton, c’est de marcher sur la fine ligne qui sépare le surprenant de l’incroyable. 

« J’essaie de toujours demeurer dans le vraisemblable, sans magie ni miracle. J’admets que, parfois, les ficelles sont grosses, mais ça reste dans le domaine du possible. Ce n’est pas comme au cinéma et à la télé, où l’on se demande comment le public fait pour avaler certaines situations. »

Petite et grande histoire

Notre homme s’intéresse beaucoup à l’Histoire, mais il a un don inné pour raconter l’histoire de gens simples. 

« Je veux parler des gens d’ici, mais l’écriture du Zouave a représenté beaucoup plus de travail. Grâce à une invention qu’on appelle internet, je m’en suis bien tiré. J’ai consulté beaucoup les journaux d’époque et tout ce qui a été écrit sur et par les zouaves. La collection du musée McCord, disponible sur internet, m’a aidé aussi. »

Rome et le Vatican sont des lieux importants dans le récit. L’auteur avoue y être allé… il y a 40 ans. Il met toutefois au défi les passionnés d’histoire de trouver des failles à son récit.

« Bon, la dernière fois que je suis allé à Rome, je crois que Néron était au pouvoir. Je rapporte plusieurs faits connus et véridiques, même si je prends parfois des libertés avec la chronologie des événements. »

— Pierre Breton

Pourquoi les zouaves, au fait ?

« Je me pose la question moi-même, fait-il en riant. Je l’ignore. Il n’y a pas eu de déclic. On connaît tous le mot “zouave”, mais on ne sait pas tous ce que c’est. J’ai peut-être aussi une tête de zouave… Mon défi, c’était de leur faire vivre en Italie des péripéties pour maintenir l’action dans le roman. »

Le plaisir des mots 

L’une des forces de son écriture mouvementée reste le langage, les mots, les sonorités. Ça s’entend en le lisant, même si lui ne se lit jamais à voix haute. Il ne se sent pas pressé non plus d’écrire un troisième livre après deux romans en cinq ans. 

« Je n’ai pas un besoin d’écrire tel qu’on le voit chez d’autres pour qui c’est leur souffle et leur sang. Je ne me mets pas de pression. Je crois que ça doit rester un plaisir. » 

Écrire de la fiction avec des personnages plutôt touchants lui a quand même procuré un grand bienfait après plus de 20 ans de journalisme.

« Lâcher la bride, c’est très plaisant. Se lancer dans l’imaginaire plutôt qu’être le reflet du monde réel m’a beaucoup plu. Quand j’écris “il marche dans les rues de Montréal”, je trouve ça exigeant de l’imaginer, mais c’est un excellent exercice mental. »

EXTRAIT

« Séverin commanda deux tours de Babel. L’établissement était maintenant bondé. Les poêles étaient nourris comme des bêtes affamées et la chaleur montante provoquait une débâcle de toux, de rires et de rots. Soudain, des acclamations et des applaudissements ébranlèrent la taverne. Joe Beef traversait la salle, traînant en laisse Horatio, l’ours noir, que chevauchait Cromwell. Le singe était coiffé d’un chapeau d’amiral et sa monture d’un béret de marin. Joe mena l’équipage à la table qui lui était réservée, près de celle qu’occupaient Séverin et son ange gardien. Le baribal s’assit sur un tabouret et cala le verre de bière posé devant lui. Il en arriva un autre aussitôt : c’était un privilège de lui payer à boire. »

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