Événement

Converser
grâce aux gâteaux

Réunir autour d’une table des juifs hassidiques et leurs voisins d’Outremont et du Mile End : c’est l’idée que Leila Marshy, cofondatrice des Amis de la rue Hutchison, a eue avec le premier bake-off, un événement 100 % gâteau, 100 % kascher et ouvert à tous, qui a eu lieu dimanche dernier.

Une dizaine de femmes hassidiques se sont prêtées au jeu. Pains au chocolat, pains aux bananes, biscuits faits avec des flocons de maïs, un gâteau glacé aux couleurs du drapeau du Québec (!) ou encore des brioches à la cannelle. Les desserts cuisinés par leurs soins étaient nombreux, et gourmands.

« On cuisine beaucoup, et on fait beaucoup de desserts », explique Shandey, une femme hassidique de 23 ans. La jeune Outremontaise, habillée d’un gilet vert et d’une jupe aux couleurs printanières, s’est facilement laissé convaincre de participer à ce premier bake-off ou « gâteaurifique ».

« J’aime l’idée de réunir les gens ici. Nous vivons tous au même endroit, et cela nous rassemble », dit-elle. Ses biscuits au fromage et au chocolat ont connu un certain succès ; il s’agit, dit-elle, d’une recette typique de ce temps de l’année.

Dans cette petite salle de la bibliothèque du Mile End, située à un jet de pierre du YMCA devenu emblématique du débat sur les accommodements raisonnables, quelques dizaines de curieux sont venus goûter aux biscuits et gâteaux cuisinés par les femmes hassidiques en ce premier jour de juin, et élire le meilleur d’entre eux.

« Je trouve l’idée originale. Goûter à des choses spéciales de leur culture, c’est le fun », croit Line, une résidante de Québec venue passer la fin de semaine à Montréal.

Autre classique hassidique : le cake marbré au chocolat, servi avant les mariages, à la synagogue, ou pour fêter une naissance, explique Mindy Pollak, organisatrice de l’événement et première femme hassidique à devenir conseillère municipale.

UNIS PAR LES DOUCEURS

Célébrer les différences plutôt que les exacerber : c’est un peu l’idée des Amis de la rue Hutchison, un groupe communautaire créé sous l’impulsion de Leila Marshy et de Mindy Pollak, en 2012, en réaction aux frictions nées dans certaines rues d’Outremont entre les résidants hassidiques et leurs voisins.

« On entend plus de voix négatives, mais c’est important d’avoir une voix positive. »

— Mindy Pollak

C’est en effet tout près de l’avenue du Parc que vit une grande partie de la communauté juive hassidique montréalaise. Et après plusieurs années de « chasse aux accommodements raisonnables », le besoin d’établir un dialogue entre les communautés et de démonter certains préjugés est présent.

Mais la réunion organisée habituellement par Les Amis de la rue Hutchison a plutôt cédé la place à un événement tout en douceur cette année. « Les meetings sont toujours sérieux, avec de la confrontation. Cette fois, on a cherché à faire quelque chose de plus léger. Tu ne peux pas attaquer quelqu’un qui te fait un gâteau », s’amuse Leila Marshy.

Le comédien Raymond Cloutier est venu en voisin : celui qui dirige le théâtre Outremont, avenue Bernard, voit dans cet événement un signe des temps.

« C’est intéressant, ce qui se passe en ce moment. L’élection de Mindy Pollak, c’est un grand pas », explique Raymond Cloutier, qui a longtemps habité à Notre-Dame-de-Grâce avant de s’installer à Outremont, il y a deux ans.

Il espère également bâtir des ponts avec la communauté hassidique, avec les gâteaux ou avec la culture.

« Les vraies actions politiques, c’est ça », croit-il.

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