Santé mentale au masculin

Parler « homme »

« Les techniques d’intervention ont été développées à partir de la recherche faite avec des femmes », dit la psychologue Brigitte Lavoie. Plutôt que de se faire parler d’émotions, les hommes seraient plus sensibles à des interventions qui parlent de « reprendre le contrôle » ou de se « remettre sur la bonne track ». Apprendre à parler « homme », c’est aussi apprendre à les entendre, estime-t-elle. Alors qu’elle était stagiaire, elle a été dépêchée auprès d’hommes qui avaient vécu un accident minier. L’un d’eux s’était exclamé : « Crisse qu’on va être contents de voir nos femmes et nos enfants ! » Elle n’a pas tout de suite saisi l’importance de cette phrase. C’est son superviseur qui a fait remarquer que cet homme venait de dire qu’il avait eu peur de mourir et que ça lui avait fait réaliser à quel point sa femme et ses enfants comptent pour lui. « Est-ce qu’on est capables d’entendre ce que les hommes disent dans leur langage ? », fait encore valoir la psychologue.

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Faire preuve de souplesse

De manière générale, la demande d’aide doit être faite par la personne elle-même. Un nombre grandissant de ressources acceptent toutefois qu’une tierce personne (compagne, mère, sœur, amie) appelle à la place de l’homme. Brigitte Lavoie est convaincue que si cette pratique se répandait, plus d’hommes profiteraient des services de soutien. « Je le fais depuis des années, dit la psychologue. Cent pour cent des hommes dont le rendez-vous a été pris par une tierce personne se présentent. Et ils ne sont pas moins engagés [dans la thérapie]. » Faire preuve de souplesse, c’est aussi adapter son rythme à celui de l’homme. Pierre L’heureux, intervenant et formateur en intervention auprès des hommes, dit que les hommes ont tendance à aller à deux séances, à faire un bout de chemin seuls et à revenir plus tard. « Ça ne colle pas aux modèles mis en place. Les hommes qui agissent comme ça ne sont pas perçus comme des gens motivés », déplore-t-il.

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Groupes de soutien

Pierre L’heureux a déjà envoyé des gars « qui ne buvaient pas significativement » à une réunion des Alcooliques anonymes. Entendre un homme raconter ses difficultés – quelles qu’elles soient – aide à faire tomber des barrières chez les autres. « Les témoignages aident à faire face à son sentiment d’échec », dit-il. Vivre ce genre d’expérience ferait diminuer la honte ressentie par l’homme en détresse et l’inciterait à s’engager dans une démarche approfondie. Richard, qui fréquente Pères Séparés depuis des années, est d’accord. « Les groupes de soutien à Pères Séparés m’ont permis de voir que je n’étais pas seul à vivre ça, dit-il. Ça fait une grosse différence. On peut se voir chez l’autre et on peut aussi se voir dans l’ex de l’autre. »

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Le bon contexte

Avec les hommes, il vaut mieux prendre les émotions à revers. « On part des faits pour aller vers les émotions. Avec un gars traditionnel, tu ne commences pas en lui demandant : "Comment tu te sens ?", dit Philippe Roy, spécialiste de la prévention du suicide et de la santé mentale au masculin. Tu commences par les faits et la personne est en territoire sécuritaire pour s’ouvrir. Il est faux de dire que les hommes ne parlent pas, tous les hommes parlent. Il s’agit de savoir dans quel contexte ils se sentent à l’aise de le faire. » Mireille Morin, intervenante auprès de jeunes hommes à l’Auberge du cœur Le Tournant, a d’ailleurs raconté dans un colloque tenu plus tôt cette année qu’elle a bien plus de chances de percer la coquille d’un jeune homme en faisant une corvée de peinture à ses côtés que lors d’une discussion face à face dans un bureau fermé.

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Des pistes de solution

Il faut tenir compte des réalités et réticences masculines pour intervenir de manière efficace auprès d'eux. Psychologues, universitaires et intervenants sociaux proposent des pistes pour mieux cerner et aider les hommes.

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