À ma manière

Le flair Pinsonnault

Maurice Pinsonnault est-il inventeur ? Entrepreneur ? Investisseur ? Chose certaine, le président d’Angelcare a fait fortune avec de bonnes idées, très souvent les siennes. Découvrez la manière Pinsonnault.

On a souvent présenté Maurice Pinsonnault, président fondateur d’Angelcare, comme un inventeur qui a fait des millions avec ses idées.

Il est à l’origine de la fixation de ski de fond en plastique Pinso. Du support à skis pour auto SportRack. Du moniteur pour bébé et de la poubelle sans odeur pour couches Angelcare.

Mais les a-t-il vraiment inventés ? « La seule chose que j’ai inventée, c’est que je suis un inventeur », lance-t-il en riant, reprenant une blague faite à son propos.

Il préfère une autre analogie. « Je suis plutôt un chef d’orchestre. Je sais ce que je veux, et je me fais aider par quelqu’un qui a le talent de le mettre sur papier, de m’aider à pousser l’idée. Cette personne est souvent un designer industriel. »

UNE FIXATION POUR L’INNOVATION

Au milieu des années 70, Maurice Pinsonnault était représentant d’équipement de ski. Le ski de fond était alors sur une pente ascendante et il a eu l’idée d’une fixation entièrement en plastique, moulée par injection. Il l’a conçue lui-même.

« Tout le monde m’a mis en garde que ça casserait. »

Alors ?

« Et effectivement, ça a cassé. »

Il a cherché où était la faille, a corrigé les défauts, « et on en a vendu des millions et des millions de paires un peu partout dans le monde ».

Sur cette lancée, il ouvre avec le commerçant Maurice Oberson une usine de skis de fond à Cowansville, « la plus grande en Amérique du Nord », assure-t-il.

GLISSADES

Il était naturel de glisser des skis au support pour auto. Il entrevoit un support à skis facile à installer, qui s’accrocherait aux gouttières du toit à l’aide de bandes élastiques sous tension.

Sagement, il charge le designer industriel Michel Dallaire de concevoir le produit.

Simple, élégant, efficace, à la manière Dallaire, le support Sport Rack « est devenu immensément populaire. Au Canada, deux voitures sur trois avaient un Sportrack lorsque les gens transportaient des skis ».

Il le vendra à la française Bic en 1985.

UN ANGE PASSE…

Il vole ensuite de projet en projet : il tâte de la construction immobilière, ouvre un parc aquatique à La Ronde, obtient le bail d’exploitation de l’école de ski du mont Saint-Bruno, détient à l’origine et brièvement le tiers des actions du transporteur aérien Nationair…

Puis, il décide de se poser.

« Pourquoi ne pas bâtir une société plus stable ? », se dit-il.

À la fin des années 90, on lui propose le concept d’un moniteur qui capterait les mouvements respiratoires d’un enfant, pour prévenir le syndrome de détresse respiratoire.

« Je trouvais ça trop médical, trop sévère pour le monde de l’enfant. J’ai décidé de tout redessiner le produit et d’intégrer le captage du son pour en faire un moniteur de bébé. »

Michel Dallaire met le produit au point et lui donne sa silhouette d’ange qui inspirera le nom de l’entreprise.

SENTIR LE VENT

Il fallait élargir la gamme : ce sera la poubelle à couches.

« La grande marque mondiale était Diaper Genie, de Playtex, qui l’avait achetée pour 200 millions. »

Au sommet de cette poubelle, une cassette en forme d’anneau déroulait en continu un manchon de plastique qu’on nouait pour former le fond d’un sac et qu’on coupait au moment de le jeter.

Cependant, « il y avait beaucoup de mauvaises odeurs », dit-il. 

Il sent la bonne affaire : « J’ai décidé de redessiner ce produit. »

Le président d’Angelcare a-t-il vraiment mis la main à la… au… euh, s’est-il attaqué lui-même au problème ?

« Oui, répond-il. Encore une fois, je suis allé chercher des gens de qualité pour m’aider à le faire. »

Avec le designer Michel Morand, il entreprend la mise au point d’un mécanisme qui pincerait le sac, formant un sas empêchant les odeurs de s’échapper.

Mais le problème était ailleurs. Une odeur dans son garage attire un jour son attention : sa femme y a laissé un sac de plastique avec les selles de leur chat en prévision d’une visite chez le vétérinaire.

Eurêka ! Il court acheter une cassette de sacs Diaper Genie et y enferme les selles de chat. Le lendemain, la même odeur flotte. Son flair ne l’avait pas trompé : « Ce n’était pas la poubelle, c’était le sac ! »

L’AFFAIRE EST DANS LE SAC

Avec une société spécialisée, il met au point un « sac barrière à l’oxygène de sept couches ».

(Petit intermède explicatif : les couches en question ne sont pas celles du bébé, mais les sept films laminés qui composent la membrane du sac. Reprenons notre récit.)

Il présente sa poubelle Angelcare dans une exposition en Europe. « Playtex, qui avait sa licence seulement pour l’Amérique du Nord, est venue me voir et m’a dit : “ Vous avez une bien meilleure technologie, mais nous sommes leader sur le marché. Pourquoi ne pas nous entendre ? ” »

Bonne idée.

« Ils vendaient environ 1 million de poubelles et je suis devenu fabricant exclusif de toutes leurs cassettes. Ça m’a mis en première position assez rapidement. »

— Maurice Pinsonnault

Toujours avec Michel Morand, il adapte le principe aux poubelles pour litière de chat et lance la gamme LitterLocker.

L’entreprise de Candiac va réaliser cette année un chiffre d’affaires de 125 à 150 millions – un chiffre que Maurice Pinsonnault veut doubler au cours des prochaines années. « À partir d’une idée, on en a fait une industrie, et on emploie des gens un peu partout dans le monde. »

PROFONDÉMENT, UNE FIBRE…

À 67 ans, Maurice Pinsonnault continue à diriger son entreprise… à distance. Il donne l’entrevue depuis sa résidence en Floride.

« Comme mon truc est très mondial, je n’ai pas besoin d’être présent partout. Je suis présent au téléphone quatre ou cinq heures par jour. »

Il fait une exception à sa règle : « À part les designers industriels, avec qui je passe du temps. »

Quelque part, une fibre d’inventeur vibre toujours.

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