MON CLIN D’œIL

On tient à rappeler à tous ceux qui s’apprêtent à fêter la Saint-Jean que le pot n’est pas encore légalisé.

RÉPLIQUE

TARIFICATION DU CARBONE
Prétexter l’innovation pour justifier le statu quo

En réponse au texte de l’Institut économique de Montréal, « Bourse du carbone : faire fuir les emplois sans réduire les GES », publié vendredi dernier

Il y a quelque chose de choquant et d’anachronique de voir un think tank de droite comme l’Institut économique de Montréal, toujours résolument en faveur du commerce international le plus libre possible ainsi que d’approches économiques efficaces, prendre position contre le marché du carbone dans une publication au titre provocateur : « Bourse du carbone : faire fuir les emplois sans réduire les GES ».

Les auteurs y vont de quelques idées.

La hausse des prix du carbone ne permettra pas d’engendrer les modifications de comportement qui se traduiront par des réductions de GES chez nous.

Les auteurs démontrent ici leur incompréhension du système de plafonnement et d’échange québécois qui repose avant tout sur une réglementation qui, depuis 2012, oblige les entreprises et les distributeurs de carburants à détenir des droits d’émissions (genre de quotas) pour émettre des GES.

Comme les quotas sont réduits avec le temps, la mécanique est incontournable : les émissions de GES au Québec et dans les juridictions qui font partie du même système (Ontario et Californie) ne peuvent que décroître suivant le rythme attendu. Le marché du carbone vise à faire en sorte de réduire les coûts associés au respect de la réglementation en offrant différentes options de conformité aux entreprises.

Ce n’est donc pas le marché qui a pour objectif de faire en sorte que les émissions soient réduites, mais la réglementation. S’en prendre au marché, c’est s’en prendre à un mécanisme qui donne de la flexibilité et génère de l’efficacité dans l’atteinte de l’objectif.

L’argent qui servira à acheter les droits d’émission nécessaires sera envoyé en Californie.

La Californie s’est donné comme objectif de réduire ses émissions de 40 % entre 2020 et 2030. Durant la même période, le Québec réduira ses émissions de 17,5 %. Il y aura des échanges entre le Québec, la Californie et l’Ontario de façon à faire en sorte que les réductions de GES se feront là où elles coûtent le moins cher.

Qui gagnera dans l’échange ? Normalement, un bon économiste vous dira : tous les acteurs. C’est l’idée de base qui a présidé au développement du commerce international dans tous les secteurs d’activités économiques. C’est la raison pour laquelle il peut être logique d’acheter du jus d’orange de la Floride, des produits technologiques d’Asie et des autos américaines.

Si le prix du carbone est plus élevé, les entreprises vont partir, et les emplois avec.

Encore une fois, les auteurs démontrent leur méconnaissance du système mis en place au Québec. Ce système prévoit que des droits d’émissions sont donnés en grande quantité aux entreprises soumises à la compétition internationale, justement dans le but d’éviter de faire en sorte que les objectifs de réductions de GES au Québec ne les amènent à vivre des problèmes de compétitivité et ne nuisent à la santé de notre économie. Les auteurs semblent, par ailleurs, supposer que le Québec est la seule juridiction sur la planète active dans la lutte contre les changements climatiques. Or, ce sont 195 pays qui se sont engagés en ce sens à Paris en 2015.

Le Québec ne devrait pas lutter contre les changements climatiques à moins que la planète entière ne le fasse. De toute façon, s’imposer des objectifs ne sert à rien, puisque l’innovation technologique permettra de toute façon de réduire davantage nos GES, et plus rapidement.

Comme mentionné plus haut, la planète bouge et le Québec est au diapason du reste du monde à cet égard. Les auteurs ont bien raison de souligner l’importance de l’innovation technologique pour atteindre des objectifs ambitieux. Ils se gourent toutefois complètement s’ils s’imaginent que les politiques publiques n’ont aucun rôle à jouer pour favoriser ces innovations. C’est notamment ce que démontrent les normes californiennes sur les émissions des véhicules, qui ont joué un rôle majeur dans l’amélioration des performances de nos véhicules.

En fait, à la lecture de cette publication, on constate qu’au-delà des mêmes vieux arguments qui ne tiennent pas la route, les auteurs ne peuvent concevoir que les politiques publiques soient utiles. Partant de ce postulat, ils construisent un argumentaire truffé de contradictions qu’ils ne semblent même pas apercevoir.

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