Antoine Roussel

Micro, sirop, dodo

En ce 14 novembre, une mince couche de neige recouvre le secteur Laterrière, à la sortie de la réserve faunique des Laurentides, au Saguenay. Après avoir traversé un quartier résidentiel, on roule quelques kilomètres dans la forêt avant d’apercevoir une affiche : « Bienvenue à l’Érablière au Sucre d’Or ».

Au bout du chemin de la Chaîne apparaissent deux bâtiments entourés d’arbres. Celui de droite, qui abrite l’usine de production, est fraîchement rénové. Dans le garage tout au fond, Antoine Roussel est monté sur une échelle.

Le Français d’origine, copropriétaire de l’entreprise avec son beau-père depuis 2020, nous accueille avec le sourire et prend le temps de nous faire visiter les lieux. Il nous montre la forêt ; l’érablière s’étend sur plus de 250 acres de terrain, note-t-il avant de nous mener dans l’usine, où flotte dans l’air une odeur de sirop d’érable à faire saliver.

On se dirige ensuite dans le bâtiment adjacent. C’est là que les visiteurs dégustent les produits de la cabane pendant le temps des sucres. En ce lundi de novembre, tables et chaises sont rangées, mais l’endroit est réconfortant. Un feu est allumé dans le poêle à bois, devant lequel reposent trois chaises berçantes avec du vécu. C’est l’endroit parfait pour parler de hockey, de carrière, d’affaires. De la vie, quoi.

Voilà un mois qu’Antoine Roussel a été libéré de son essai professionnel avec les Flyers de Philadelphie. À 32 ans, il se retrouve sans contrat. Un mois après son retour au Saguenay, où il habite avec sa femme Alexandra et leurs enfants de 2, 4 et 6 ans, le hockeyeur est serein.

« Il n’y a jamais rien qui arrive pour rien, dit-il d’entrée de jeu. Je ne suis pas spirituel comme gars, mais parfois, la force des choses fait en sorte que tu es amené dans une direction. Ç’a été la mienne et je suis correct avec ça. »

L’attaquant n’a pas encore annoncé sa retraite ; il ne ferme pas la porte à d’autres options, comme l’Europe, « si [le hockey lui] manque ».

« Je ne pense pas que c’est possible de revenir dans la Ligue nationale quand tu ne joues pas pendant autant de temps et que tu ne t’appelles pas Niedermayer ou Staal. »

– Antoine Roussel

Dans tous les cas, il est encore trop dur pour lui de prononcer le mot qui commence par R. « Je n’ai pas encore passé cette étape-là, mais… je ne suis pas loin », laisse-t-il tomber.

D’ailleurs, quand on lui demande s’il s’est entraîné dans le dernier mois, celui qui est né dans la ville de Roubaix pousse un petit rire. « Non ! J’ai coupé du bois ici pendant un mois ou presque. […] Je compense par autre chose, mais c’est sûr qu’il faudrait peut-être que je commence à me bouger le fion un petit peu ! »

Fier et satisfait

Antoine Roussel a bûché, sans jeu de mots, pour atteindre la LNH. Arrivé au Québec avec ses parents à l’âge de 16 ans, il n’a été repêché ni au hockey junior ni dans la Ligue nationale. Il a néanmoins trouvé le moyen de faire sa place avec les Saguenéens de Chicoutimi, avec lesquels il a connu une belle carrière de quatre saisons. Il se souvient d’ailleurs très bien de la première fois qu’il est débarqué au Saguenay, en 2006.

« Je me rappelle juste être allé à l’aréna rapidement. Après ça, je suis allé au Folisexe ! », s’exclame-t-il en riant.

Pour les non-résidants du Royaume, il s’agit d’une boutique érotique située près du Centre Georges-Vézina. « J’étais avec les anglophones et un des gars de l’Ontario… C’était la première fois que je rentrais dans un magasin comme ça. Je me disais : qu’est-ce qu’on fait ici ? », se remémore-t-il.

Roussel s’est vite adapté à sa ville d’adoption. Deux mois après son arrivée, il a rencontré celle qui est aujourd’hui sa femme. Après ses années juniors, le travailleur infatigable est passé par l’ECHL, puis la Ligue américaine, avant d’obtenir un contrat avec les Stars de Dallas. C’était là le début d’une belle carrière de 10 ans.

À ce jour, Roussel est fier. Fier d’avoir « fait [sa] vie » du hockey. De la personne qu’il est devenu. D’avoir été « le meilleur disponible » dans son rôle. D’avoir travaillé chaque soir.

« Je dirais que j’ai étiré l’élastique au maximum. C’est pour ça que je n’ai pas de regrets. »

– Antoine Roussel

Sucre, radio, télé

Antoine Roussel avait déjà planifié son après-carrière. En 2020, il est devenu copropriétaire de l’Érablière au Sucre d’Or avec son beau-père, Sylvain Néron. Ce dernier, âgé de 63 ans, avait d’abord acheté l’entreprise avec son frère en 2007. Quand son frère a décidé de partir, M. Néron a conseillé à son beau-fils d’investir.

« J’ai toujours aimé ça ici, dit Roussel. Je voyais le potentiel. C’est une belle terre. À un moment donné, l’occasion s’est présentée et ç’a été plus de travail que ce que je pensais ! »

Avec son beau-frère Vincent, qui est le seul employé officiel de la cabane, le Franco-Saguenéen a plusieurs idées de projets de développement. « On est en constante évolution. […] Ça avance super bien, mais je ne suis pas encore là où je voudrais être. »

En plus d’être entrepreneur et papa de trois enfants, l’homme de 32 ans travaille désormais aussi dans les médias. Il fera ce vendredi sa première apparition à la balado Sortie de zone, une collaboration entre le 98,5 FM et La Presse. Il sera également des émissions Les amateurs de sports au 98,5 FM ainsi que JiC et L’après-match à TVA Sports.

« Je voyais une belle occasion de faire une carrière là-dedans. J’aime ça pour le moment et je trouve que pour mon après-carrière, c’est le fun. Tu restes proche du hockey. »

Déjà une heure et demie a passé. Avant de partir, Roussel nous propose un tour privé du terrain à bord d’un véhicule tout-terrain. Il nous montre tout le bois qu’il a bûché avec son beau-père et son beau-frère. « Il va falloir que je corde ça ! », s’exclame-t-il avec enthousiasme.

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