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OPINION

AIDE SOCIALE
Attaquez la pauvreté, pas les personnes qui la vivent

Notre gouvernement semble être préoccupé par la tenue vestimentaire des gens alors qu’il y a des enjeux beaucoup plus importants à soulever.

Au Québec, une personne sur sept vit dans la pauvreté, dont 223 000 enfants1. En même temps, nos élus refusent catégoriquement d’augmenter le salaire minimum à un salaire vivable. Le montant d’aide sociale a stagné alors que les loyers et les coûts d’épicerie ne cessent d’augmenter. Robin des Bois prenait des riches pour donner aux pauvres, mais l’État fait le contraire.

Notre système d’aide sociale punit régulièrement les personnes qui la reçoivent. 

La première grande injustice est qu’une personne seule est considérée pouvoir vivre avec 648 $ par mois, une somme qui représente moins de 50 % de la mesure du panier à la consommation. Actuellement chiffré à 1529 $ par mois pour une personne seule, il s’agit du niveau de revenu nécessaire pour combler les besoins de base selon le gouvernement lui-même.

Entre-temps, le système attaque les mécanismes de survie qui pourraient permettre aux prestataires de vivre avec une telle somme. Votre sœur veut payer votre facture d’Hydro-Québec ce mois-ci pour aider ? Cette somme sera déduite de votre prochain chèque d’aide sociale. Vous rationnez la nourriture et le chauffage pour pouvoir payer votre loyer ? Vous pourriez être convoqué au bureau d’aide sociale et questionné. Si vous ne pouvez pas prouver que vous ne travaillez pas au noir, votre chèque risque d’être réduit. Comment prouver qu’on ne fait pas quelque chose ?

Une troisième atteinte arrive souvent quand les gens essaient de réintégrer le marché du travail. Après les 200 premiers dollars gagnés dans un mois, le bureau d’aide sociale va réduire le revenu de travail dollar pour dollar du chèque du mois prochain. Si le travail est sporadique, sur appel ou variable d’une quelconque façon, le bureau préfère trop diminuer au lieu de trop peu, une pratique qui met en péril la capacité de survivre des personnes qui ont recours à l’aide sociale. Espérez que le premier emploi que vous obtenez soit à temps plein et permanent.

Un historique de coupes

Dans les cinq dernières années, nos deux derniers gouvernements ont ajouté à ces affronts.

En 2013, le gouvernement de Pauline Marois a exclu les personnes âgées de 55 à 58 ans de la catégorie « contraintes temporaires à l’emploi » – les privant ainsi de 134 $ par mois. Les couples avec des enfants en âge préscolaire ont aussi été retirés de cette catégorie – une coupe de 231 $ par mois par ménage.

En août 2014, le gouvernement de Philippe Couillard a supprimé les 500 $ qui étaient disponibles sous forme de supplément de retour au travail pour les prestataires qui obtenaient un emploi. Dès 2015, les personnes à l’aide sociale n’ont plus droit de sortir du Québec pour plus de sept jours consécutifs par mois sans perdre leur admissibilité au programme. La même année, 125 $ par mois ont été retirés des chèques de plusieurs prestataires de l’aide sociale qui vivaient avec plus d’un colocataire, puisque la part du loyer des colocataires est considérée comme revenu du prestataire, même si ce dernier n’a jamais touché cet argent. Au même moment, les participants aux programmes de traitement de la toxicomanie avec hébergement ont aussi vu leurs chèques amputés, ce qui a amené plusieurs à renoncer à la désintoxication.

Ensuite, en 2016, le gouvernement Couillard a annoncé le programme « Objectif emploi » qui oblige les premiers demandeurs à participer aux programmes de formation sous peine de coupes importantes à leurs prestations. En fait, la loi a dû être modifiée pour permettre ces coupes historiques au chèque d’aide sociale. Aujourd’hui, une personne peut voir ses prestations coupées de jusqu’à 324 $ par mois.

Le nouveau gouvernement peut et doit faire mieux

Les plus grands ennemis dans la lutte contre la pauvreté sont les politiques d’aide sociale qui maintiennent les prestataires dans un état de survie. Au lieu de rectifier ces problèmes bien connus dans le système d’aide sociale, les deux derniers gouvernements ont choisi d’attaquer les personnes pauvres encore et encore.

Ces politiques reposent sur le mythe que les personnes à l’aide sociale ont la vie facile. Ce n’est simplement pas le cas.

Le nouveau gouvernement a l’occasion d’attaquer la pauvreté et d’arrêter les assauts sur ceux qui la vivent. Le nouveau ministre responsable de l’aide sociale, Jean Boulet, doit écouter les personnes qui défendent les droits des plus pauvres. Il détient le pouvoir de changer la vie de centaines de milliers de personnes en augmentant l’aide sociale à un niveau qui permet de couvrir les besoins de base. C’est une question de dignité humaine, et nous vous demandons, M. Boulet, d’en faire votre héritage.

1 Recensement 2016, mesure de faible revenu (après impôts)

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