Chronique

Le chardon (elle) et le tarla (moi)

Décidément, cette entrevue téléphonique avec l’écrivaine américaine à succès Diana Gabaldon, auteure de l’immensément populaire série des Outlander, ne raflera aucun prix de journalisme, c’est garanti ou argent remis.

Notre conversation hachurée n’a aucunement ressemblé à une danse ensorcelante autour d’un menhir, comme dans sa télésérie Outlander – Le chardon et le tartan, qu’ICI Tou.tv mettra en ligne dès lundi.

Pendant 15 minutes top chrono, nous nous sommes plutôt pilé sur les orteils à répétition. Premier sujet de discorde : le sexe de ses fans. Menez un sondage éclair dans votre entourage, et vous constaterez que la majorité des admirateurs de Diana Gabaldon, qui pond de la littérature historico-romantico-fantastique, sont des femmes. Ce n’est pas du tout un jugement de valeur. C’est un fait.

Alors, est-ce que des hommes s’intéressent aussi à son travail, tant sur papier qu’au petit écran ? Oups. À l’autre bout du fil, j’ai détecté une – première – pointe d’exaspération dans la voix de l’auteure de 63 ans, établie à Flagstaff, en Arizona. Oui, oui, oui, a-t-elle insisté. « Il y a même des soldats américains qui m’envoient des photos d’eux en train de lire mes livres sur leur tank », a-t-elle poursuivi.

OK, passons au prochain dossier : diriez-vous que l’héroïne des huit tomes d’Outlander, l’infirmière dégourdie Claire Randall, est féministe ? Uh-oh. Diana Gabaldon, ancienne prof d’université, n’aime pas le mot « féministe ». Pourtant, ça n’a rien de négatif, au contraire, ai-je précisé du bout des lèvres. « Ça vient avec beaucoup de sous-entendus », a-t-elle répliqué un peu sèchement.

Alors, comment qualifierez-vous un personnage comme la forte Claire Randall, qui, en 1944, est en parfait contrôle de sa sexualité, vit une relation égalitaire avec son mari et se fout éperdument de l’opinion des autres ? « C’est une femme compétente, intelligente et débrouillarde. Je n’aime pas les personnages de femmes stupides », a-t-elle sifflé.

Message reçu. Je lui demande ensuite si elle a assisté au tournage de la deuxième saison d’Outlander, à Paris. Non, j’étais sur le plateau à Glasgow, en Écosse, a-t-elle protesté. Mais l’action de la deuxième saison ne se déroule-t-elle pas dans la capitale française ? ai-je avancé. Oui, mais tout le monde sait que Paris aujourd’hui ne ressemble en rien au Paris du XVIIIe siècle, alors on tourne à Prague, a-t-elle enchaîné, un brin irritée. Désolé pour la confusion géographique.

Point de discussion suivant : l’amitié de Diana Gabaldon avec George R. R. Martin, créateur de Game of Thrones. « Nous sommes des amis, c’est tout », a résumé de façon succincte l’écrivaine. Échangez-vous des trucs de scénarisation, des idées ? Non. « Nous sommes deux amis qui ont en commun d’avoir écrit des livres populaires qui sont devenus des émissions de télé populaires », a-t-elle abrégé.

Pour vrai ? Je n’aurais jamais deviné ! Diana Gabaldon a vendu plus de 25 millions d’exemplaires des livres d’Outlander. Le premier tome a été publié en 1991 et le huitième, intitulé Écrit avec le sang de mon cœur (partie 1), a été lancé, en français, le 4 novembre. Il s’est quasiment écoulé 25 ans entre la parution du premier volume et son adaptation télévisuelle.

Diana Gabaldon a pratiquement écarté toutes les propositions de films ou de téléséries basés sur son infirmière anglaise à la libido incontrôlable, qui se balade entre 1945 et 1743, ne posez pas de questions sur le comment et le pourquoi.

« Je voulais travailler avec des gens qui connaissaient bien mon univers, qui le comprenaient et qui n’allaient pas le dénaturer. Ça n’a pas été évident. » 

— Diana Gabaldon

Et pourquoi le petit écran au lieu du grand ? Condenser un livre complet en deux heures, c’était pratiquement impossible, selon la créatrice. Soyons honnêtes, il y a aussi un aspect financier dans cette décision. Le premier chapitre d’Outlander a débouché sur une télésérie de 16 épisodes d’une heure. Il reste encore sept tomes à adapter. Voyez-vous la montagne de fric à encaisser ?

Si vous préférez dévorer vos séries à la télévision conventionnelle, sachez que Radio-Canada relaiera Outlander – Le chardon et le tartan à partir du samedi 16 janvier à 21 h. En anglais, iTunes offre actuellement tous les épisodes.

Ce n’est ni extraordinairement bon ni atrocement mauvais. Il faut aimer ce style de feuilleton qui mélange l’érotisme, l’aventure, la romance et l’histoire. Ça fait parfois Harlequin, mais avec une héroïne vraiment tripante, qui dévierge un guerrier écossais. C’est un plaisir coupable pour bien des gens.

Les littéraires ne raffolent pas de Diana Gabaldon, qui est snobée à la manière des Anne Robillard et Louise Tremblay-D’Essiambre au Québec. Je n’en suis pas fier, mais j’avoue entretenir quelques préjugés envers l’œuvre de Mme Gabaldon. Je trouve ça légèrement quétaine.

Voilà donc pourquoi Diana et moi ne réciterons pas d’incantations anciennes, vêtus de nos vêtements vaporeux les plus chics, tout en tourbillonnant au clair de lune sur de la musique celtico-relaxante.

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