TRIATHLON

Défier la vie, selon Hélène Turgeon

Dans la vie, il y a parfois de ces gens qui trouvent le moyen de défier tous les pronostics. Hélène Turgeon, qui participera à son premier demi-Ironman demain, à Mont-Tremblant, est l’une de ces personnes.

En 2003, on lui a annoncé qu’elle souffrait de la thyroïdite de Hashimoto, une maladie chronique auto-immune qui, comme son nom l’indique, s’attaque principalement à la glande thyroïde. Le système immunitaire de ceux qui en sont atteints s’affaiblit peu à peu, ce qui entraîne notamment une extrême fatigue.

« Même si j’étais sous médication, je n’étais pas capable de travailler. J’allais me coucher à 16 h et j’avais de la difficulté à faire ma journée le lendemain », raconte Hélène, une traductrice et réviseure de Saint-Basile-le-Grand, en entrevue avec La Presse.

Un endocrinologue lui a alors conseillé d’intégrer quelques minutes de sport à ses journées, en commençant par un peu de marche. Rien de plus anodin en apparence, mais pour Hélène, le mandat s’annonçait colossal.

« C’était une montagne qui se dressait devant moi. Une fois que les enfants étaient couchés, je sortais cinq minutes. J’avais mal partout. Je me disais que je ne serais jamais capable. »

— Hélène Turgeon

Mais au fil du temps, elle est parvenue à relever le défi avec de plus en plus d’aisance. Et petit à petit, ces minutes de marche se sont transformées en minutes de course. Qui, à leur tour, sont devenues des parcours de 5 km, de 10 km et des demi-marathons.

« Quand j’ai été capable de courir cinq kilomètres de suite, c’était vraiment le fun. J’ai attrapé la piqûre de la course à pied », explique la femme de 37 ans.

CRUEL COUP DU SORT

Hélène a transmis cette nouvelle passion à son frère jumeau Martin. Ce dernier, qui était aux prises avec des problèmes de surpoids, y voyait un bon moyen de se garder actif et de prendre soin de lui-même. De quoi unir encore davantage ces deux jumeaux, déjà très proches.

Mais en 2013, le destin a décidé de séparer ces deux inséparables, dans des circonstances aussi bêtes que tragiques.

En juillet, alors qu’il marchait dans les rues de Toronto, Martin a trébuché sur un nid-de-poule et a dû être opéré pour une déchirure d’un ligament. Deux mois après l’intervention, le 16 septembre, un caillot de sang s’est formé et a cheminé jusque dans ses poumons.

Martin est mort d’une embolie pulmonaire. Il avait 34 ans.

« C’est comme un choc post-traumatique, décrit Hélène. Tu perds contact avec la réalité. Il y a même des bouts des semaines qui ont suivi dont je ne me souviens pas du tout. Tu deviens tellement déconnecté. Tu ne sais plus ce qui te fait du bien ou non. »

Le drame est survenu quelques jours avant qu’Hélène ne participe au demi-marathon de Montréal. Au départ, elle songeait évidemment à déclarer forfait. La douleur du deuil était bien trop vive.

Mais elle l’a tout de même couru. Pour honorer la mémoire de son frère. Et elle l’a terminé. À l’arrivée, elle a pris soin de demander qu’on grave le nom de Martin aux côtés du sien, au revers de sa médaille.

« Je l’ai fait, et ça m’a fait beaucoup de bien. Ça m’a recentrée », indique-t-elle.

« UNE VIE À VIVRE »

Lorsqu’on lui demande quels sont ses objectifs pour son premier demi-Ironman, Hélène dit souhaiter terminer le parcours avec un temps d’environ 6 heures 15 minutes. « En 6 heures, ce serait extraordinaire », ajoute-t-elle.

Mais au-delà du chronomètre, elle veut surtout profiter au maximum de cette chance qu’elle a de pouvoir vivre sa passion, en dépit des embûches que la vie a placées sur sa route.

« Quand je ne serai plus capable, que j’aurai chaud et que je serai tannée, je me répéterai que je suis chanceuse. Il y a plein de gens qui ne peuvent pas courir parce qu’ils sont trop malades », souligne-t-elle.

Il s’agit à la base d’un défi individuel, certes, mais Hélène ne sera pas seule pendant l’épreuve. Son conjoint et leurs enfants, Isaac (11 ans) et Maélie (9 ans), seront là pour l’encourager.

Martin sera présent, lui aussi. En pensée, dans l’esprit d’Hélène. Et sur son vélo, auquel elle accrochera une photo de son frère.

« On était tellement proches. Je me dis encore plus qu’on a seulement une vie à vivre, alors j’y vais encore plus à fond. Je veux m’imposer et relever le défi », conclut-elle.

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