Précarité des artistes

Un revenu moyen de 21 450 $ en 2016

Interpellée par le projet de politique culturelle déposé cette semaine par le ministre de la Culture Luc Fortin, la présidente de l’Union des artistes (UDA), Sophie Prégent, salue l’engagement du gouvernement à « accroître son action pour améliorer la condition socioéconomique des artistes ». À ce sujet, combien gagne en moyenne un artiste membre de l’UDA ? En 2016, la réponse a été de 21 450 $*.

À la lecture du projet de politique culturelle, Sophie Prégent se dit satisfaite des orientations prises par le gouvernement. « Je ne vais pas me plaindre, parce que beaucoup de nos recommandations ont été entendues. Je pense qu’on s’en va dans la bonne direction, mais tant qu’il n’y a pas de montant annoncé, on ne peut pas être contre la vertu. »

En entrevue avec La Presse, la présidente de l’UDA – le syndicat qui représente les artistes de la scène, du disque, de la radio, de la télé et du cinéma travaillant en français au Québec et ailleurs au Canada – souligne avec satisfaction que le projet de politique présenté cette semaine « engage » le gouvernement à accroître les conditions socioéconomiques des artistes, alors que de nos jours, seule « une petite caste de gens réussissent à assurer leur avenir ».

« Quand je suis sortie de l’École nationale de théâtre, ça existait, une classe moyenne d’artistes. Des gens qui faisaient 60 000 $ certaines années et qui pouvaient vivre autour de ça […] en ayant un rôle dans un téléroman, [en faisant] quelques publicités et de l’enseignement. Tu te faisais un salaire décent. Aujourd’hui, quand tu fais 60 000 $, tu restes fragile, car tu [pourrais] redescendre. Il n’y a pas d’acquis », affirme-t-elle.

Pour illustrer la précarité du métier d’artiste, l’UDA a fourni à La Presse un tableau comparant les tranches de revenus de ses membres actifs entre 2015 et 2016.

2016

Moyenne des revenus des membres actifs (sans tenir compte de ceux qui n’ont eu aucun revenu lié aux contrats UDA) : 21 450 $

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus supérieurs à 300 000 $ : 28

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus entre 100 000 et 300 000 $ : 287

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus entre 30 000 et 99 000 $ : 717

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus inférieurs à 30 000 $, mais supérieurs à 1 $ : 4998

Nombre d’artistes qui n’ont eu aucun revenu lié aux contrats UDA : 2405

2015

Moyenne des revenus des membres actifs (sans tenir compte de ceux qui n’ont eu aucun revenu lié aux contrats UDA) : 21 736 $

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus supérieurs à 300 000 $ : 32

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus entre 100 000 et 300 000 $ : 310

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus entre 30 000 et 99 000 $ : 759

Nombre d’artistes qui ont eu des revenus inférieurs à 30 000 $, mais supérieurs à 1 $ : 5261

Nombre d’artistes qui n’ont eu aucun revenu lié aux contrats UDA : 2011

En 2016 seulement, sur 8345 membres actifs, 28 ont eu un revenu annuel supérieur à 300 000 $, alors que 315 membres (y compris le groupe des 300 000 $ et plus) ont gagné plus de 100 000 $. Cette catégorie salariale – basée uniquement sur les revenus obtenus à partir de contrats UDA – représente seulement 3,7 % des membres.

En comparaison, toujours en 2016, les travailleurs précaires ont été nombreux. Sur 8435 membres actifs, 4998 ont gagné entre 1 $ et 30 000 $, alors que 2405 membres n’ont tout simplement obtenu aucun revenu lié à leur art. Ensemble, ces deux groupes forment plus de 87 % des membres de l’UDA.

Sophie Prégent a aussi comparé le nombre de premiers et deuxièmes rôles qui ont été donnés dans le secteur des dramatiques en télévision et au cinéma entre 2013, 2015 et 2016.

« En 2013, il y en avait eu 2035, contre 2629 en 2015 et au-delà de 3000 en 2016. […] Le nombre de rôles distribués augmente. Pourtant, nos membres gagnent moins bien leur vie. Puisqu’on est payés par jour de tournage, ça veut dire qu’on tourne plus vite et qu’on a en moyenne moins de jours de travail. Il y a plus de rôles, mais moins payants », résume-t-elle.

« La tarte n’a donc pas vraiment grandi, elle est juste distribuée différemment. Plus de gens font moins d’argent. »

— Sophie Prégent

Accélérer l’accès au travail

Trouver du travail rémunéré, quand on est un artiste, n’est pas une mince tâche. Encore moins pour les artistes qui sont issus des minorités visibles.

Sophie Prégent, qui a fait de la diversité un cheval de bataille de son mandat à titre de présidente de l’UDA, admet que son syndicat avait aussi son bout de chemin à faire, et ce, même avant que le projet de politique culturelle présente l’objectif de mieux intégrer ces artistes au marché du travail.

« On veut que nos membres aient accès au travail [et pour ce faire], on est en train de se doter d’un nouvel outil pour notre répertoire des membres pour identifier ceux qui sont issus de la diversité. Sur l’ensemble des membres actifs, environ 4000 ont répondu à l’appel. À l’avenir, [quelqu’un qui cherche dans le bottin de l’UDA] saura maintenant combien sont issus de la diversité, combien viennent des milieux autochtones, combien sont LGBT et ainsi de suite. Bref, si [un producteur] cherche une dame âgée de 55 ans et plus, d’origine asiatique, et que cette personne est dans le bottin, ça sort. C’est une façon d’accélérer l’accès au travail », explique Mme Prégent.

* Cela exclut les membres qui n’ont eu aucun revenu grâce à leur art.

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