Transport aérien

Quand le gouvernement aide les compagnies aériennes à remplir leurs avions

Sans le crier sur les toits, le gouvernement québécois a aidé plusieurs compagnies aériennes canadiennes et étrangères à lancer de nouvelles liaisons à partir de Montréal et même à maintenir des vols existants.

Selon des données obtenues par La Presse, le ministère du Tourisme a versé un peu plus de 1 million à des transporteurs aériens de 2012 à 2016 pour participer au financement de campagnes de publicité à l’étranger visant à assurer le succès de vols à partir de l’aéroport Montréal-Trudeau.

Le principal bénéficiaire des fonds gouvernementaux a été Air China, qui a reçu 400 000 $ de Québec en 2015 pour une offensive marketing déclinée sur le web, les réseaux sociaux et dans des magazines liée à son nouveau vol Pékin-Montréal.

Air Transat a eu droit à 303 000 $ en cinq ans pour 17 campagnes promotionnelles distinctes menées dans cinq pays européens, dont la France, la Suisse et la Belgique. Air Canada a pour sa part reçu près de 153 000 $ pour sept campagnes diffusées principalement au Mexique et au Royaume-Uni. Enfin, les transporteurs étrangers Lufthansa, US Airways (aujourd’hui American Airlines), Air France, Copa Airlines et Wow Air se sont partagé 185 000 $ pour cinq campagnes ciblant le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Brésil et les États-Unis.

« Tout le monde le fait »

Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM, juge tout à fait normal que le gouvernement soutienne ainsi les transporteurs aériens. Même si l’organisme de recherche qu’il dirige est en partie financé par le voyagiste montréalais, le professeur assure que ses activités sont indépendantes.

« C’est dans l’ordre des choses pour deux raisons : d’abord, tout le monde le fait et ensuite, un avion, ça ne se remplit pas tout seul », lance-t-il au cours d’un entretien téléphonique. Selon lui, Québec participe financièrement à des campagnes publicitaires aériennes depuis au moins 10 ans.

« Si j’avais un commentaire à faire, c’est que probablement il n’y en a pas assez [de soutien gouvernemental de ce type] quand on se compare à la concurrence, en particulier l’Ontario. Je ne vois pas là une débauche d’argent. »

— Paul Arseneault

Il a toutefois été impossible d’obtenir des chiffres sur l’aide gouvernementale offerte aux compagnies aériennes ailleurs dans le monde.

Les subventions de Québec sont généralement versées dans le cadre d’ententes en vertu desquelles le transporteur visé et Aéroports de Montréal (ADM) apportent des contributions équivalentes, précise M. Arseneault. ADM n’a toutefois pas voulu confirmer que cette règle était toujours suivie. « Nos ententes commerciales sont confidentielles », indique une porte-parole, Stéphanie Lepage.

M. Arseneault ne croit pas que la rentabilité record de l’industrie aérienne devrait inciter les gouvernements à mettre fin à ces aides financières. Les entreprises membres de l’Association internationale du transport aérien (IATA) ont enregistré des profits nets records de 34,8 millions US l’an dernier et devraient dégager des bénéfices totaux de 31,4 milliards US cette année.

« Tu ne sors pas un avion d’une ligne rentable pour le mettre ailleurs au cas où, peut-être, tu ferais plus d’argent », affirme le professeur, qui note qu’un investissement gouvernemental de 40 000 $ en publicité se rentabilise rapidement s’il permet d’accroître de 2000 le nombre de visiteurs au Québec.

Soulignons que depuis quelques mois, ce n’est plus le ministère du Tourisme, mais l’Alliance de l’industrie touristique du Québec (AITQ) qui a la responsabilité de coordonner les campagnes de promotion à l’étranger et de contribuer financièrement aux offensives publicitaires des compagnies aériennes. Cette année, l’AITQ entend consacrer pas moins de 800 000 $ à la promotion de liaisons aériennes, soit près de quatre fois ce que Québec dépensait annuellement à ce chapitre depuis 2012.

« J'aime répéter que les visiteurs ne vont pas venir à la nage », affirme à La Presse Martin Soucy, PDG de l’AITQ, en rappelant qu’en général, les voyageurs internationaux dépensent beaucoup plus pendant leur séjour au Québec que les touristes venant du Canada.

Mais contrairement à ce que faisait le ministère du Tourisme, l'AITQ entend mettre l'accent sur la destination Québec plutôt que sur les compagnies aériennes. Par exemple, la campagne de 2,4 millions lancée cet hiver à Shanghai ne mentionne pas spécifiquement le vol d'Air Canada.

Le budget annuel de 30 millions de l’AITQ est financé par Québec (13 millions), la taxe sur l’hébergement (10 millions) et l’industrie touristique (7 millions).

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