Opinion Boucar Diouf

Le nationalisme montréalais 

Le nationalisme d’appartenance montréalais, c’est cette idéologie qui était si chère au maire Coderre, dont le rêve brisé aurait été de faire de sa ville un territoire semi-autonome à l’intérieur du Québec. Lorsqu’il disait ne pas être tenu de respecter le projet de loi 62 avant même qu’il ne soit voté, il représentait une certaine vision de cette idéologie.

Ce nationaliste urbain n’a rien à voir avec le nationaliste québécois puisqu’il fait bien la différence entre le Québec et sa ville. Pour ses adeptes, Montréal est une sorte d’enclave qui se distingue du reste de la nation québécoise par sa diversité culturelle et son ouverture sur le monde, pour reprendre la formule fraîchement avancée par Kathleen Weil. J’adore Montréal et je n’ai aucun problème à reconnaître son caractère distinct et même l’existence de ce son nationalisme insulaire. Mon problème, c’est quand des gens qui ne jurent que par le caractère spécifique de leur ville deviennent subitement incapables de comprendre pourquoi d’autres éprouvent la même nécessité pour leur nation au point d’associer toute tentative de réaffirmation du fait français à une idéologie de fermeture et d’exclusion. 

En fait, je m’insurge surtout ici contre les fanatiques de ce nationalisme qui voteraient oui sans hésiter si on les conviait à un référendum pour séparer Montréal du reste du Québec. Pour cause, leur Québec à eux, c’est cette terre promise située entre la rive sud et la rive nord du Saint-Laurent. Même quand ils parlent du 450, le ton réducteur n’est jamais loin.

C’est comme s’ils voyaient Laval et Longueuil comme de simples morceaux de pain blanc qui encadrent le filet mignon de leur sandwich de luxe métropolitain. 

Endémiques de leur cité, les fanatiques de ce nationalisme regardent le reste du Québec comme une contrée lointaine peuplée de « pure laine » qui ont peur de l’étranger. Mais ce que ces gens oublient, c’est que les rares villes du Québec où ont été élus des maires issus de la diversité sont Gagnon, qui était dirigée par René Coicou avant sa fermeture ; Amos, en Abitibi, qui a longtemps été dirigée par le défunt Ulric Chérubin ; et Mont-Laurier, qui est le territoire de Michel Adrien. Il faut parfois leur rappeler que des immigrants qui s’enracinent et s’épanouissent en région, on en rencontre aux quatre coins du Québec. 

Le nationaliste d’appartenance urbain de Montréal est coincé dans son choix politique. Pour lui, la Coalition avenir Québec et le Parti québécois sont identitaires et xénophobes. Il lui reste donc deux options. Si certains défenseurs de ce montréalocentrisme acceptent de voter pour Québec solidaire, la grande majorité semble captive du PLQ et refuse d’accepter que le Québec soit une nation francophone et non bilingue. 

Alors, quand le francophone est irrité par le bonjour/hi précurseur d’un certain glissement linguistique, la section anglophone de cette idéologie montréalaise se sent insultée. Elle crie à la discrimination et l’observateur venu d’ailleurs que je suis se questionne. Comment faire comprendre à ces gens que le Québec est un minuscule étang francophone entourée d’un océan anglophone capable de l’engloutir en tout temps ? Est-ce qu’il arrive à ces gens de se demander comment se sentent les francophones du Canada qui peinent tous les jours à trouver la moindre trace de bilinguisme dans leur pays ? 

Les anglophones de Montréal composent, en moyenne, la minorité « vulnérable » la plus chanceuse sur la planète.

Ils ont parmi les meilleures écoles, les meilleures universités, les meilleurs hôpitaux, le meilleur pouvoir économique. En plus, ils forment un échantillon minoritaire à deux heures de voiture de leur grande majorité linguistique d’appartenance qui domine la planète. À part le Québec, connaissez-vous une seule nation sur la Terre où une bonne partie des immigrants qui arrivent cherchent à s’intégrer à la minorité locale pour faciliter leur intégration économique ? Est-ce qu’un immigrant originaire du Pakistan préférerait s’intégrer à la communauté chinoise de Toronto pour améliorer ses chances de succès social au Canada ? Si cette situation se produisait, les anglophones seraient les premiers à vouloir prendre des mesures pour protéger l’anglais. 

Le dernier sondage Léger-Le Devoir nous a révélé à quel point le nationalisme montréalais est devenu une force politique singulière. Les chiffres indiquent une réelle possibilité que la CAQ puisse former un gouvernement majoritaire sans faire élire un seul député à Montréal. Une prédiction pour nous rappeler le grand fossé qui sépare de plus en plus la métropole du reste du Québec. Est-ce que c’est le type de démocratie que nous voulons ? Pas vraiment ! Et je salue la volonté du gouvernement de M. Couillard de s’attaquer réellement à la régionalisation de l’immigration. C’est véritablement là que se trouve une partie de la solution à ce clivage de plus en plus dommageable pour l’unité nationale. 

Montréal a intérêt à ce que les régions aillent bien et l’inverse est tout aussi incontestable. S’il est vrai, comme le pensent ces nationalistes, que Montréal est bien le cœur du Québec, il faudrait leur rappeler que dans un corps humain, la santé du cœur est indissociable de celle des organes périphériques. 

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