POLITIQUE

Entre un surplus budgétaire revu à la hausse et l’émergence d’une coalition pour un salaire minimum à 15$, les sujets chauds ne manqueront pas pour la première mise à jour économique du gouvernement.

Finances publiques

Le surplus frôle maintenant les 4 milliards

Québec — Le gouvernement Legault qui, il y a un mois, peinait à expliquer un excédent de 3 milliards se retrouve avec un problème plus important encore. La photo des finances publiques à la fin du mois de septembre montre un surplus encore plus élevé de 3,9 milliards !

Selon les informations obtenues par La Presse, une équipe a été mandatée aux Finances pour illustrer quelle part de ce surplus est structurelle et pourrait servir à des dépenses récurrentes. La partie conjoncturelle est liée à une très bonne performance de l’économie jusqu’au 30 septembre.

Un autre facteur, moins documenté toutefois : habitués à des années d’austérité, les ministères n’ont pas encore le réflexe de dépenser, à la mi-année financière, tout l’argent disponible. À quatre mois du prochain budget, un tel surplus met le gouvernement dans une position délicate – tous les groupes de pression se mettront en file pour obtenir une partie des sommes prétendument disponibles pour 2019-2020.

Il faut s’attendre à ce que ce matin, en conférence de presse, le ministre des Finances Éric Girard reprenne les arguments servis il y a un mois, quand l’embarrassant surplus de 3 milliards avait pointé son nez.

François Legault et Éric Girard avaient soutenu que, sur l’ensemble de l’année financière, il n’y aurait pas un tel pactole dans les coffres de l’État. « Nous anticipons que l’évolution des revenus et des dépenses sera de telle sorte que ce surplus va disparaître », avait alors dit M. Girard.

On fera dire au ministre cette fois que le mois de septembre a été particulièrement bon, que les rentrées ont été plus robustes que prévu, mais que le mois d’octobre laisse présager un ralentissement important. La baisse de la consommation, notamment, serait en cause.

Politiquement embarrassé par ce surplus, M. Legault avait, le mois dernier, confié au ministre Girard « le mandat de revoir les façons de faire de la comptabilité » au ministère des Finances.

Une réévaluation à la hausse habituelle

Pourtant, c’est habituel pour le gouvernement de constater un surplus plus important à la fin de septembre. Le surplus atteignait 1,7 milliard au 31 août 2017 ; la tendance s’était maintenue et Québec avait fini l’année financière de 2,3 milliards bien en haut de ses prévisions pour l’année 2017-2018.

La synthèse de l’état des finances publiques ce matin sera suivie d’un discours du premier ministre Legault, un rappel des engagements politiques sur la fiscalité des particuliers, des promesses de campagne électorale répétées la semaine dernière dans le message inaugural.

Certains fiscalistes trouvaient étrange que le gouvernement puisse annoncer des mesures fiscales sans les présenter au même moment au Parlement. Mais sous Stephen Harper, le ministre des Finances Jim Flaherty avait déjà annoncé ses mesures loin de la Chambre des communes, à Windsor même à une occasion.

Québec mettra aujourd’hui un peu de chair sur ses engagements du discours inaugural.

M. Legault avait rappelé que les familles avaient connu des augmentations de taxes scolaires de 100 % en 15 ans. Sur les quatre années du mandat, le gouvernement veut arriver à un taux unique de 10 cents tous les 100 $ d’évaluation pour toutes les régions. La mesure, avait rappelé M. Legault, « va aider les jeunes familles qui désirent acheter leur première maison. Elle va aussi venir en aide aux retraités dont les rentes ne sont pas toujours indexées à la hausse du coût de la vie ». Cette mesure devrait commencer à s’appliquer au prochain compte de taxes scolaires, l’été prochain.

M. Legault promet aussi de venir en aide aux retraités à bas revenus. Ici, il devra passer par la fiscalité et adopter des mesures applicables au 1er janvier prochain pour éviter les complications d’une mesure rétroactive. Déjà, dans les dernières années, Québec avait augmenté les seuils de revenus admissibles exempts d’impôts pour les retraités – de 3000 $ pour un salarié de 61 ans jusqu’à 11 000 $ pour un travailleur de 65 ans. Québec pourrait modifier les barèmes pour donner plus d’oxygène aux travailleurs « d’expérience », selon ce que propose la Fédération des chambres de commerce du Québec.

« J’ai beaucoup été interpellé par le cri du cœur de retraités à bas revenus. Je veux dire à ces retraités que je vous ai entendus et qu’on va vous venir en aide rapidement », avait déclaré M. Legault la semaine dernière.

Autre mesure fiscale pour « mettre de l’argent dans le portefeuille des familles » : Québec devrait ajuster les primes d’allocations familiales pour aider davantage le deuxième enfant et les suivants. Actuellement, les parents reçoivent davantage pour un premier rejeton que pour les suivants.

Emploi

Front commun pour un salaire minimum à 15 $ l’heure

Alors que le gouvernement de François Legault fera une première mise à jour économique aujourd’hui, 117 groupes syndicaux, communautaires et étudiants l’implorent de hausser le salaire minimum à 15 $ l’heure.

« M. Legault a répété en campagne électorale que le Québec n’avait pas assez d’emplois à 30 ou 40 $ l’heure. Nous lui rappelons que le Québec compte aussi trop d’emplois à moins de 15 $ », a déclaré Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec, hier matin en point de presse.

Insistant sur les engagements électoraux du nouveau gouvernement, Mme Éthier a rappelé que la Coalition avenir Québec s’était positionnée comme « le parti du changement, des familles, des travailleurs ».

Elle a ajouté ne pas encore avoir eu l’occasion de s’entretenir à ce sujet avec Jean Boulet, nouveau ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Toutefois, souligne-t-elle, « le gouvernement en place connaît déjà nos revendications à ce sujet ».

L’attachée de presse de M. Boulet a plus tard fait savoir que « le ministre est sensible à l’enjeu du salaire minimum et analyse actuellement différents scénarios ». 

Tous les représentants des groupes présents à la sortie publique ont par ailleurs souligné à gros traits que cette hausse du salaire minimum n’était pas une finalité, et qu’il s’agissait avant tout d’une mesure destinée à sortir des travailleurs de la pauvreté.

« Nous n’accepterons pas que cette hausse soit faite au détriment des services publics et des programmes sociaux. »

— Extrait de la déclaration commune

Le groupe d’organismes signataires rappelle aussi que les femmes, les personnes racisées, les immigrants, les personnes handicapées et les autochtones « sont particulièrement touchés par les bas salaires », et qu’une hausse unilatérale de salaire réduirait la « marginalisation et l’exclusion sociale ».

Porte-parole de l’Organisation des femmes philippines du Québec, Jasmin de la Calzada a pour sa part décrit comme un « mensonge » la promesse des élus faite aux immigrants de leur « permettre de bâtir une nouvelle vie grâce à leur travail acharné ».

« Ce qui se produit, c’est la création d’une nouvelle génération de précarité, de travailleurs de seconde classe », déplore-t-elle.

Aide aux locataires

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est au nombre des organismes qui revendiquent une hausse du salaire minimum à 15 $ l’heure.

Sa coordonnatrice Émilie Joly précise qu’à l’heure actuelle, quelque 250 000 ménages québécois qui sont locataires consacrent plus de la moitié de leurs revenus à se loger. Selon elle, un salaire plancher à 15 $ permettrait de sortir la moitié de ces ménages de cette situation.

« Ce serait un changement drastique pour eux », dit-elle.

« On vient de connaître un gouvernement qui s’est longtemps plu à dire qu’il n’avait pas les moyens d’en faire plus, mais qui a laissé des surplus de 4 milliards avant l’investissement dans la dette. On est donc là aujourd’hui pour rappeler au gouvernement Legault qu’il a la capacité d’en faire plus et qu’il doit démontrer qu’il a la volonté d’aider les ménages à faible revenu. »

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