OPINION

LE QUÉBEC, LE CANADA ET LA LAÏCITÉ
Le fédéralisme à l’épreuve

Les Québécois viennent d’élire un nouveau gouvernement avec un mandat fort en faveur d’un modèle d’intégration des immigrants qui est différent de celui prôné par le gouvernement fédéral et dans le « Canada anglais officiel », soit le multiculturalisme.

Ce modèle, pratiqué de façon caricaturale par le premier ministre Trudeau, est en fait marqué par l’absence d’une identité nationale objectivement et historiquement définie. Elle repose sur le relativisme culturel d’une société aseptisée par la rectitude politique et l’obsession diversitaire.

Les médias du Canada anglais et certains médias québécois sont déjà en train de crier à l’Apocalypse. Imaginez le scandale : une société fortement minoritaire en Amérique du Nord n’adhère pas à la doctrine multiculturaliste et tente, à travers son modèle d’interculturalisme, de préserver tant bien que mal son identité propre. Un scandale ! 

Résumons en quelques mots la philosophie québécoise en matière d’immigration : elle cherche à mettre de l’avant des valeurs sur lesquelles la société d’accueil a été construite, et une histoire nationale qui reconnaît ses fondateurs et dans laquelle s’inscrivent et participent les nouveaux arrivants.

En d’autres mots, le multiculturalisme de Justin Trudeau met l’accent sur les différences intrinsèques des gens en obsédant sur la couleur de la peau et la religion des individus, alors que l’interculturalisme met de l’avant une langue commune et un socle de valeurs qui unissent la société d’accueil avec ses nouveaux arrivants.

Dans le premier, les communautés culturelles sont ghettoïsées et constamment différenciées. Dans le second, les immigrants sont appelés à participer à la construction et la continuation de l’identité nationale de la société d’accueil.

Différence philosophique

Le dépôt prochain d’un projet de loi sur la laïcité par le nouveau gouvernement Legault viendra mettre en évidence cette différence philosophique fondamentale entre le modèle québécois et celui du gouvernement Trudeau. Le fédéralisme devrait normalement permettre ce genre de différend entre les ordres de gouvernement. On n’est pas obligé d’être d’accord, mais l’un ne devrait pas pouvoir imposer sa volonté à l’autre.

La réaction du gouvernement Trudeau sera donc un test important à moins d’un an des élections fédérales. Comment réagira-t-il ? Parions qu’il tombera dans les clichés en accusant le gouvernement du Québec de tous les maux de la Terre avec son slogan creux « la diversité est notre force ».

Il s’en servira pour gagner des points dans les médias anglophones. Il ne faudra pas se surprendre s’il conteste la loi devant les tribunaux. Un tel comportement serait cohérent avec le type de fédéralisme centralisateur qu’il pratique depuis son arrivée au pouvoir.

Un important travail de pédagogie devra être fait au cours des prochains mois afin d’expliquer à nos amis Canadiens anglais que l’interculturalisme est le contraire du racisme et de l’intolérance.

En fait, l’interculturalisme est l’ultime arme d’inclusion, non pas parce qu’il célèbre les particularités culturelles des individus en soi comme le fait le multiculturalisme, mais parce qu’il invite les nouveaux arrivants à participer à la société d’accueil en mettant à contribution leurs différences culturelles dans le contexte d’un sentiment d’appartenance commun à ses fondements historiques et linguistiques. C’est l’inclusion par l’intégration.

Voilà une occasion pour le Parti conservateur de marquer des points au Québec ; le fédéralisme qu’il a pratiqué historiquement devrait normalement favoriser un certain laisser-faire quant à la façon dont les nations fondatrices du Canada choisissent d’intégrer les nouveaux arrivants.

* L’auteur a été attaché de presse de Stephen Harper et membre de l’équipe de transition de François Legault.

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