Transport

Turo en voiture

Turo, c’est un peu comme si Uber et Airbnb avaient eu un bébé.

L’application née en Californie il y a cinq ans permet de louer sa voiture à qui on veut. Un autre exemple de ce que peut faire l’économie du partage – ou appelez ça la maximisation alternative et lucrative des ressources, si vous préférez – maintenant en pleine croissance au Québec.

Si votre voisin apparaît soudainement en Tesla ou en Volks décapotable le temps d’impressionner des investisseurs ou une future conquête, c’est peut-être l’explication.

Turo, qui contrairement aux systèmes de location traditionnels permet de savoir exactement quel véhicule on loue – modèle, couleur, année, équipement, etc. –, est si populaire depuis son arrivée ici il y a trois mois que la compagnie d’assurance La Capitale, troisième acteur dans la province, constamment interrogée par ses clients désireux d’embarquer dans le projet, a décidé de leur donner le feu vert, a appris La Presse. Jusqu’à présent, seuls les clients de Belairdirect et d’Intact, l’assureur commercial de la société Turo au Canada, avaient accès au site de location pour proposer leurs véhicules. Maintenant, ceux de La Capitale, qui représentent 10 % du marché, pourront le faire aussi. L’annonce en sera faite aujourd’hui.

Et selon François Dumas, vice-président de La Capitale assurances générales, ce n’est qu’une question de temps avant que les autres acteurs, dont Desjardins, participent eux aussi.

« Ça ne coûte rien, et les clients le réclament. On fait ça pour les accommoder. La demande est là. »

—François Dumas, vice-président de La Capitale assurances générales

Fondée à San Francisco par Shelby Clark, diplômé de l’école de gestion de Harvard et entrepreneur en série, la société est aujourd’hui présidée par André Haddad, un ancien d’eBay d’origine française, passionné de voitures, qui met en location ses propres véhicules, une Tesla et une Porsche – pour ceux que ça intéresserait dans la région de San Francisco…

Turo est donc une autre application dite de l’économie du partage, qui permet déjà de louer son appartement, ses outils, son jardin, de devenir chauffeur… Vous avez besoin d’aide pour faire les paiements mensuels sur votre Audi ou vous partez en voyage et vous ne vous servirez pas de votre fourgonnette pendant quelque temps ? Hop, vous rendez le véhicule disponible. Et comme c’est le cas pour toutes ces applications, l’efficacité et la fiabilité du système reposent sur l’évaluation mutuelle des clients qui offrent le produit et de ceux qui en bénéficient. Les utilisateurs ont un score. Et s’ils tombent sous un certain niveau, ils doivent quitter le site.

30 % MOINS CHER QUE LES ENTREPRISES DE LOCATION

En outre, Turo aide les locateurs à demander le bon prix, s’ils le veulent, grâce à des logiciels qui suivent le marché et calculent avec précision le montant où coïncident parfaitement l’offre et la demande selon le jour de la semaine et le temps de l’année, parce que cela change avec les vacances, évidemment. En général, dit Cédric Mathieu, directeur de Turo Canada, joint à Toronto, le prix est de 30 % inférieur à celui des entreprises de location traditionnelles. Ça peut aller de 20 $ par jour pour une Smart à 250 $ par jour pour une Tesla.

L’entreprise prend 25 % de commission et, en échange, elle fournit la couverture d’assurance pour la durée de la location.

Au Canada, c’est Intact, qui chapeaute Belairdirect, qui a accepté de prendre ce contrat nouveau genre puisqu’on couvre de façon commerciale et ponctuelle, donc précisément durant la location, des véhicules privés. Évidemment, les assurés de Belair et d’Intact, 30 % du marché québécois, peuvent aisément mettre leurs véhicules en location.

L’application a été lancée en avril au Canada, et l’entreprise est ravie de l’enthousiasme des Canadiens en général et des Québécois en particulier. « Aux États-Unis, cela nous a pris quatre fois plus de temps pour arriver au même niveau de revenu », affirme M. Mathieu, de Turo Canada. La société ne veut pas donner de chiffres précis sur le nombre d’abonnés et de voitures offertes, mais parle de « plusieurs milliers de jours de location déjà effectués depuis avril ».

En outre, on sait maintenant qu’il y a des voitures inscrites sur l’application dans 90 villes canadiennes, en Alberta, en Ontario et au Québec, et que la croissance des transactions est de plus de 30 % par semaine.

En gros, dit M. Mathieu, « au Canada, tous les signaux sont verts. On grossit très vite, et la moitié des affaires se font au Québec ».

La société, elle, est en croissance générale de 300 % par année, au Canada et aux États-Unis, depuis quatre ans.

Selon André Haddad, rencontré récemment à San Francisco, le revenu moyen d’un locateur sur Turo est de 540 $ net par mois – du revenu imposable, évidemment –, de quoi, par exemple, aider à financer un véhicule d’un niveau supérieur à ce qu’on aurait envisagé autrement.

« On transforme un centre de coûts et de dépréciation en revenus. »

— André Haddad, président de Turo

En outre, dit-il, le parc automobile mondial – un milliard de voitures actuellement, deux milliards en 2045 – n’est pas utilisé de façon optimale. Pour une bonne proportion de propriétaires, c’est du capital sous-utilisé qui prend de l’espace. Une voiture souvent garée sur un terrain qui pourrait être louée à d’autres ou tout simplement pas louée – tout dépend si on est propriétaire ou pas – ne semble pas, effectivement, une façon bien rationnelle de maximiser l’impact d’une telle dépense. « Une des idées, explique M. Haddad, c’est d’apporter une nouvelle forme de productivité dans la vie de ménages pour qui c’est un poste de frais important. »

Une petite journée en Porsche avec ça ?

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