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Acadie : l’amour de la vie face à l’adversité

Lorsque le Conte pour tous La gang des hors-la-loi a été tourné, à l’été 2013, à Richibouctou-Village, au Nouveau-Brunswick, le producteur Rock Demers a commandé aux cinéastes Christine Doyon et Isabelle Darveau un documentaire de type making of. Or, sur place, les deux femmes ont découvert un univers d’une richesse inouïe en dépit de difficultés chroniques. Leur film a alors pris une dimension insoupçonnée, où le quotidien du plateau et celui du village se sont amalgamés. Elles nous en parlent à l’occasion de la sortie de l’œuvre au Festival des films du monde.

De quoi parle ce film ?

On ne s’attendait pas à découvrir des personnages aussi colorés et accueillants que ceux qui ont fini par composer le documentaire. Le film est donc devenu un portrait d’un petit village en bord de mer au Nouveau-Brunswick. Le temps d’un été, une équipe de tournage débarque pour y tourner le prochain Contes pour tous. Cela anime le village et avive l’espoir des habitants de mettre leur coin de pays « sur la map », pour reprendre leurs termes. Les habitants sont fiers de leur culture acadienne malgré le fait qu’ils doivent vivre tous les jours avec la réalité rurale, soit celle des difficultés de la pêche et du vieillissement de la population.

Parlez-nous de cet espoir.

Le passage de l’équipe a créé beaucoup d’émoi à Richibouctou-Village, du « stir » comme ils disent en chiac. Voir une équipe de tournage en action était impressionnant pour les résidants. Le tournage a fait jaser et rêver. Plusieurs Acadiens ont occupé des postes sur le plateau, ce qui a créé des occasions de partage très stimulantes. Il y a aussi eu un impact économique à court terme : les ventes des magasins ont augmenté et les chalets du coin étaient tous loués. Une fois l’équipe de tournage partie, les enjeux du village sont toutefois demeurés les mêmes.

Quelles impressions vous ont laissées les gens du village ?

La joie de vivre et la résilience des Acadiens nous ont beaucoup marquées. Face aux réalités avec lesquelles ils doivent composer, comme la survie de leur langue et de leur culture, l’exode des jeunes et le taux de chômage élevé, ils conservent une bonhomie, un espoir et une force étonnants. Comme le dit un des personnages du film : « On va hoper for the best ! » Voilà qui illustre à merveille la réponse du peuple acadien face à l’adversité. Ces gens nous ont bouleversées par leur authenticité, leur simplicité et leur amour de la vie.

Avec ces artefacts filmés comme ceux du Musée de l’art brut, peut-on dire que votre film a une dimension ethnologique ?

C’est un terme qui s’applique très bien au film dans le sens qu’il présente un peuple dont la créativité et la culture sont très fortes. Il y a beaucoup d’artistes et de collectionneurs chez les Acadiens et plusieurs personnages du documentaire nous dévoilent cet aspect. Pour la plupart, il s’agit de gens âgés au savoir-faire unique qui sera malheureusement porté à disparaître avec leur départ. En ce sens, le film sert aussi de témoin d’une génération et d’un paysage culturel.

Quels sont vos liens avec les Contes pour tous ?

Isabelle : Ils ont bercé ma jeunesse et forgé mon imaginaire. Daphné (La grenouille et la baleine), Corina (La championne) et Fanny (Bach et Bottine) étaient mes héroïnes préférées. Elles me plaisaient parce qu’il était rare de trouver des personnages féminins étoffés auxquels je pouvais m’identifier. C’étaient des filles déterminées qui savaient tenir tête à tout le monde, même aux adultes, et qui avaient le cran d’être le personnage principal de leur propre histoire !

Christine : J’étais excitée à la sortie d’un film de Rock Demers (que je croyais réalisateur). Voir des jeunes qui parlaient ma langue et qui vivaient tant d’aventures me convainquait que tout était possible dans la vie. Ça me donnait beaucoup d’espoir. La guerre des tuques, Les aventuriers du timbre perdu, Bach et Bottine sont des films qui m’ont convaincue, enfant, qu’on peut faire de l’extraordinaire dans nos vies ordinaires.

Aujourd’hui, à 19 h 10, et demain, à 14 h 50, au cinéma Quartier latin, salle 15.

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