ÉTUDE

Ralentir le vieillissement par l’activité physique

L’espérance de vie des Canadiens n’a jamais été aussi élevée. Malheureusement, ce n’est pas parce qu’on vit longtemps qu’on vit en santé. Comment faire pour augmenter nos chances d’être vieux ET en forme ? Dans tous les cas, une étude confirme que l’activité physique peut ralentir le processus de vieillissement. Explications.

L’espérance de vie augmente d’année en année, c’est acquis. Selon les dernières données de Statistique Canada (2012), les hommes vivent en moyenne jusqu’à l’âge de 79 ans, les femmes jusqu’à 83 ans. Ceux qui ont échappé aux accidents et aux maladies jusqu’à l’âge de 65 ans affichent un score plus élevé : 83 ans chez les hommes, 86 chez les femmes.

« On vit plus longtemps qu’avant, mais avec de plus grandes limitations physiques. Malheureusement, le nombre d’années en mauvaise santé augmente d’année en année. »

— Mylène Aubertin-Leheudre, professeure au département des sciences de l’activité physique de l’UQAM et spécialiste des aspects physiologiques du vieillissement et de l’exercice

C’est à partir de ce constat que la chercheuse s’est intéressée à l’effet de l’activité physique sur le processus de vieillissement. Y a-t-il moyen de ralentir ce processus ? s’est-elle demandé. Quelles activités physiques peuvent nous en prémunir ? Est-ce que l’alimentation joue un rôle ? Notre catégorie socioprofessionnelle ? Quels sont les facteurs déterminants ?

Dans une étude qui a débuté en 2011, elle a voulu mesurer la qualité musculaire à travers le temps – c’est-à-dire la force musculaire par rapport à la masse corporelle. « On voulait savoir ce qui est touché en premier : le muscle en lui-même, sa fibre ou bien le système nerveux ? Pour la première fois, on s’intéresse à la fois aux facteurs physiologiques et aux facteurs neurophysiologiques. »

Pour ce faire, elle a comparé trois groupes d’hommes – des jeunes âgés de 20 à 30 ans, un deuxième groupe d’hommes âgés de 55 à 65 ans (en période de décélération musculaire) et un dernier groupe réunissant des hommes de plus de 70 ans. Tous avaient en commun d’être actifs depuis plus de 10 ans – c’est-à-dire qu’ils faisaient tous plus de 180 minutes d’exercice par semaine.

Sa conclusion : peu importe l’âge, la qualité musculaire était la même. « L’objectif était de savoir si l’activité physique, à travers le temps, permettait de contrer la perte de fonction musculaire qui doit avoir lieu normalement avec l’âge, explique Mylène Aubertin-Leheudre. La réponse est oui. On n’a pas vu de différence ni sur le plan physiologique ni sur le plan neurophysiologique. »

Ces résultats l’ont à moitié étonnée. « Je m’attendais à ce qu’il y ait une légère détérioration sur le plan du fonctionnement cellulaire. Je ne m’attendais pas à ce que les résultats soient équivalents pour tous les groupes d’âge. Je croyais qu’il y aurait un léger déclin, sans que ce soit significatif. Mais la qualité musculaire était même supérieure chez les personnes âgées ! »

EXERCICES DE MUSCULATION

Quelles activités physiques faut-il donc pratiquer pour augmenter ses chances de vieillir en santé ?

Dans une autre étude, Mylène Aubertin-Leheudre a rencontré des hommes et des femmes dans cinq YMCA de l’île de Montréal. Sa conclusion : avant l’âge de 60 ans, pour préserver la qualité musculaire – le meilleur indicateur de mobilité chez la personne âgée –, il faut absolument faire des exercices de musculation. Passé 60 ans, les exercices d’aérobie ou de corps et d’esprit (comme le taï-chi) sont tout aussi efficaces.

Comme quoi il n’est jamais trop tard pour bien faire, l’étude des personnes très sédentaires – un autre groupe que la chercheuse a mis sous la loupe – indique que les gains en qualité musculaire sont toujours possibles. « Après 12 semaines seulement, on est capable d’améliorer la qualité musculaire de près de 180 % chez les personnes âgées de 60 ans et plus. »

Que dire de ceux qui ont été très actifs dans leur jeunesse, mais qui se sont laissés aller ? Peuvent-ils « surfer » un peu sur leurs gloires anciennes ? « Ils ont ce qu’on appelle un “capital de réserves”, répond Mylène Aubertin-Leheudre. Ce sera aussi difficile que pour les autres de l’activer ; par contre, leurs muscles ont connu la douleur au travail, donc ils risquent d’être plus persévérants à l’effort. »

Parmi les gens qui consultent le système de santé, l’équipe de Mylène Aubertin-Leheudre a constaté que six mois après une visite aux urgences, les personnes âgées perdaient des capacités fonctionnelles, même si elles étaient en santé. « Est-ce que le fait de leur prescrire des activités physiques en sortant de l’hôpital pourrait leur permettre d’éviter cette perte d’autonomie ? C’est ce qu’on essaie de voir. »

Les nombreuses études de Mylène Aubertin-Leheudre se poursuivent – auprès des autres groupes d’âge et des personnes sédentaires. Mais son message se résume en un mot : bouger. « Il y a 60 % de sédentaires chez les 65 ans et plus au Canada, estime-t-elle. Il ne s’agit même pas de leur dire de faire tel ou tel sport. En fait, ils doivent bouger, un point c’est tout, même si c’est juste de la marche. N’importe quoi, mais bouger. »

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