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Édition du 24 octobre 2016,
section ACTUALITÉS, écran 9
L’entreprise a obtenu un permis d’exploration en 2002, mais n’a pas extrait le moindre gramme d’or de la mine El Dorado. Craignant un désastre écologique, le gouvernement lui a toujours refusé un permis d’exploitation. Le projet a divisé les Salvadoriens. Entre 2009 et 2011, cinq opposants à la mine ont été assassinés. L’une était enceinte de huit mois. Le 14 octobre, la poursuite de 300 millions intentée par Pacific Rim contre le gouvernement du Salvador a été défaite par un arbitrage de la Banque mondiale.
La mine Fenix est située en territoire maya. Entre 2007 et 2009, de violentes évictions visant à faire plus de place à la mine auraient mené au viol collectif de 11 femmes autochtones par des membres des forces de sécurité, en plus de faire un mort et au moins 12 blessés. Des maisons ont aussi été réduites en cendres. L’affaire est l’une des rares à avoir été portées devant un tribunal canadien. Trois poursuites, déposées par les présumées victimes, seront entendues en Ontario.
Entre 2010 et 2013, trois personnes ont été tuées, six arrêtées et 50 blessées dans des manifestations contre Barrick Gold, provoquées par le renvoi de travailleurs sans compensation et par une possible contamination de l’eau à proximité de la mine.
Quand les opérations de la mine ont commencé en 2005, des membres de la communauté maya ont soutenu n’avoir jamais été consultés. Ils n’ont pas davantage consenti au projet, qui a profondément divisé la population. Entre 2005 et 2011, des violences ont causé la mort de deux personnes et la disparition de deux mineurs. Au moins 24 personnes ont aussi subi des blessures graves.
Gran Colombia Gold avait l’intention de déplacer les habitants de Marmato pour creuser son filon. Le projet a soulevé la colère des résidants qui travaillaient dans de petites mines situées à l’intérieur de la concession. Au plus fort de la révolte, en 2011, un prêtre local qui s’opposait farouchement au projet a été assassiné.
Dès le début des opérations de la mine Escobal, en 2013, les paysans vivant aux environs de la mine, craignant l’assèchement des rivières, se sont révoltés. En deux ans, les affrontements ont fait sept morts et 29 blessés. Un état de siège a été déclaré par le gouvernement du Guatemala. La région s’est militarisée, des leaders ont été emprisonnés. Au moins 50 personnes ont été arrêtées… dont le chef de la sécurité de la mine, accusé d’avoir ordonné de tirer sur les protestataires.
Mexique, 2008. Un militant opposé au projet minier de la société Blackfire est roué de coups par deux employés de la mine. Trois mois plus tard, il est assassiné.
Colombie, 2012. Deux mineurs sont abattus par des tueurs à gages, deux jours après avoir été invités à la télévision pour parler d’un conflit de travail à la mine Providencia, exploitée par la société Gran Colombia Gold.
Guatemala, 2013. Quatre leaders autochtones qui résistent farouchement au projet minier de Tahoe Resources sur leur territoire sont kidnappés par des hommes armés. Le corps de l’un d’eux sera trouvé plus tard.
Et la liste continue. Depuis 15 ans, au moins 44 personnes ont perdu la vie dans des violences liées à des projets miniers en Amérique latine. Des projets qui ont souvent profondément divisé les populations locales et qui ont tous un point en commun : ils appartiennent à des sociétés minières canadiennes.
Ces entreprises n’ont divulgué qu’une fraction de ces morts violentes à leurs investisseurs, selon un rapport inédit – et très critique à l’endroit de l’industrie – de Justice and Corporate Accountability Project (JCAP) – projet pour la justice et la responsabilité des sociétés –, groupe d’aide juridique composé d’avocats bénévoles et d’étudiants en droit de l’Osgoode Hall Law School de l’Université York, à Toronto.
Intitulé The “Canada Brand” (La « marque Canada »), le rapport a documenté des douzaines de meurtres, passages à tabac et répressions en tous genres d’opposants à des projets miniers canadiens dans 13 pays d’Amérique latine. « Et ce n’est que la pointe de l’iceberg », soutient Shin Imai, professeur de droit à l’Université York et directeur du JCAP.
Me Shin et son équipe ont recensé une centaine d’incidents distincts survenus entre 2000 et 2015 et impliquant plus de 30 entreprises canadiennes en Amérique latine. Ils ont découvert que ces violences n’étaient que très rarement rapportées par l’industrie minière ou examinées par le gouvernement canadien.
Ainsi, les entreprises cotées à la Bourse de Toronto n’ont déclaré que 24,2 % des morts violentes et 12,3 % des blessures liées à leurs activités dans leurs rapports annuels. « Cela montre que les entreprises ne croient pas que ces morts et ces blessés puissent leur faire mal sur le plan financier », analyse Me Shin.
Certains incidents documentés n’étaient « pas directement liés » aux activités d’exploitation des entreprises ciblées dans le rapport, selon Pierre Gratton, président et chef de la direction de l’Association minière du Canada (AMC). Il ajoute que d’autres incidents se sont produits à une époque où les mines n’étaient pas exploitées par des sociétés canadiennes.
« Nous ne tolérons aucune forme de violence. Certaines installations sont situées dans des régions où la violence est nettement plus élevée et où le respect de la loi est plus faible comparativement au Canada, ce qui pose un défi pour leurs exploitants. »
— Pierre Gratton, président de l’AMC
Les trois quarts des sociétés minières de la planète – et 41 % de celles établies en Amérique latine – ont leur siège social au Canada. Elles y sont attirées par de généreux congés fiscaux – et par des contrôles réglementaires minimaux. La ruée vers l’or, toutefois, les pousse à exploiter des mines dans des pays pauvres, où la police peut être sujette à la corruption et où les droits de la personne ne sont pas toujours respectés.
Me Shin estime que les lois et politiques en vigueur au Canada sont « inefficaces » puisqu’elles ne peuvent tenir les sociétés canadiennes responsables des violences qui se produisent à l’étranger.
Ainsi, le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises (RSE) de l’industrie extractive ne peut sanctionner les entreprises ni indemniser les victimes. Son seul pouvoir consiste à recommander le retrait du soutien commercial du Canada aux entreprises qui refusent de collaborer.
Depuis la création de ce bureau en 2009, le conseiller en RSE n’a traité que six plaintes. C’est trop peu, dit Me Shin. « Le Canada a résisté aux pressions internationales des Nations unies et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui exigent la mise sur pied d’un mécanisme d’enquête qui puisse tenir les entreprises canadiennes responsables. »
Le rapport de JCAP recommande la création d’un tel mécanisme.
« Si le Canada veut protéger sa réputation, il doit pouvoir déterminer si l’entreprise minière est complice des violences, ou si elle en fait assez pour empêcher que ces violences se produisent. »
— Shin Imai, directeur de JCAP
M. Gratton rétorque que « les mécanismes qui cherchent à appliquer les lois canadiennes à l’étranger sont non seulement irréalisables, mais aussi inappropriés. Par conséquent, nous croyons que la recommandation des auteurs est impossible à mettre en application même si elle est fondée sur une intention louable ».
Incidents liés à des minières canadiennes en Amérique latine entre 2000 et 2015 :
Au moins 44 morts, dont 30 « ciblées »
Plus de 400 blessés, dont 363 lors de manifestations antimines
Plus de 700 arrestations, mises en accusation ou détentions
Source : Justice and Corporate Accountability Project