Stéphane Larue

Récurer à fond 

Stéphane Larue publie un premier roman au Quartanier, Le plongeur, voyage au bout de la nuit dans les cuisines d’un restaurant. Narré par un joueur compulsif. 

Raconter la vie de plongeur dans un restaurant jusqu’au fond des chaudrons, dans les odeurs de graisse et des renvois bouchés. Stéphane Larue a choisi l’hyperréalisme pour traiter de la vie en cuisine. À l’opposé de ce que nous fait voir la téléréalité culinaire.

« C’est très léché à la télé. J’ai choisi le plongeur parce qu’on n’en parle jamais. C’est pourtant l’un de ceux qui tiennent le restaurant. Personne ne rêve de devenir plongeur. C’est un métier difficile, mal payé. En 15 ans, j’ai vu des milliers de gens faire ce métier : entre deux étapes de leur vie, qui essaient de se relancer, des immigrants, des étudiants… » 

« Ça fait 15 ans que je suis dans ce milieu, confie-t-il. Il y a du matériel autobiographique et il y a des personnages qui existent dans la vie qui ont nourri le roman, mais il ne faut pas y voir la réalité, même si le style est hyperréaliste. Ce n’est pas un essai sociologique non plus. »

Le travail de plonge prend souvent des allures cauchemardesques dans le livre. La nuit, tous les cuistots sont gris, mais des amitiés véritables se développent aussi dans les tranchées.

« Les gens peuvent s’engueuler, c’est vrai. À la télé, on l’amplifie et on en fait un spectacle. Dans un restaurant, ça se résout dans le calme souvent à la fin du service. Avec une bière, entre amis. À la fin d’un service, ce ne sont pas tes amis qui travaillent de 9 à 5 qui sont debout. Ce sont tes collègues. On se couche souvent à 7, 8 heures le matin. La vie sociale s’organise autrement. »

Joueur compulsif

Le plongeur est dédié à deux d’entre eux, Bébert et Bob. Il rend aussi hommage à un cousin qui l’a aidé à sortir de ses mauvais plis de joueur compulsif. Stéphane Larue se tient loin des loteries vidéo et bosse comme barman désormais. 

« C’est un roman d’apprentissage du travail, de la vie adulte et amoureuse. C’est l’histoire d’un jeune homme qui arrive dans la vie. Il est chanceux, bien entouré. Il y a des gens qui l’aiment. Aimer quelqu’un assez pour absorber tout le mal qu’il y a en lui, c’est rare. » 

— L’auteur Stéphane Larue

Ce long livre très bien construit témoigne d’un sens de l’observation de tous les instants. Un roman à la recherche de vrai, de vécu. Stéphane Larue est ce jeune auteur qui ne veut plus mentir dans la vie, pas plus que dans l’écrit. 

« Quand on est aux prises avec le mensonge ou une dépendance, les appétits se mettent dans le chemin de tout. Lorsqu’on se fait des amis, on a peur que ces gens-là découvrent nos mauvais côtés. C’est un livre sur le mensonge aussi. Comment ça empoisonne les rapports amicaux, amoureux et au travail. » 

Atteindre le fond

Le personnage principal du roman n’a pas le choix. Pour survivre et payer ses dettes, il doit accepter un boulot de plongeur. Il a atteint le fond de l’évier. Mais l’auteur ne cherche pas à expliquer les causes de sa dépendance.

« Une dépendance apparaît souvent de façon sournoise, poursuit-il. Un dépendant se cache, donc je ne voulais pas en faire l’enjeu principal du roman. De plus, le jeu est une dépendance un peu abstraite. Les dommages ne sont pas toujours visibles. »

Le jeune homme amateur de heavy métal, que l’on parle du narrateur ou du romancier, va bien. Il se repose avant de poursuivre sa trajectoire de workaholic. Le prochain livre est en dormance. Un roman de science-fiction dans le même style hyperréaliste, pour rester « près du grain ».

« C’est une approche que je vais garder. L’effet de réel est encore plus fort. Même s’il y a toujours un peu d’invention, j’aime montrer qu’il y a une vérité quelque part. »

Stéphane Larue sera en séance de dédicaces au Salon du livre aujourd'hui à 14 h au stand du Quartanier

Le plongeur

Stéphane Larue

Le Quartanier

576 pages

Extrait

« Your life burns faster. J’ai réfléchi à ce que moi je faisais brûler à coups de vingt piasses. Ce n’est pas ma vie que je faisais brûler ; ce n’est pas mon corps qui subissait les ravages de mes conneries.

Ce qui brûlait, c’est tout ce que je touchais. Argent, chums, amies, projets. Tout finirait par disparaître, je le savais. Mais je continuerais à jouer quand même. Pendant une seconde, j’ai eu envie de téléphoner à Malik, mais tard comme ça, il se serait beaucoup inquiété, il aurait été capable de partir de Trois-Rivières en pleine nuit. »

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