Le Canadien

« Pas une véritable surprise »

Prendre une chance avec Alexander Semin n’était pas une mauvaise idée. Le risque financier était limité (1,1 million pour un an) et si le Russe retrouvait son efficacité d’antan, le Canadien allait profiter d’une aubaine.

Mais dès le début de novembre, au milieu d’une séquence de sept matchs où il a retranché Semin, Michel Therrien posait son diagnostic. Et c’est ce qui explique pourquoi l’ailier de 31 ans se retrouve au ballottage aujourd’hui.

« Quand le joueur aura son opportunité, ce sera à lui de la saisir et de garder sa place dans l’alignement par son intensité et sa rapidité, disait Therrien. Il faut qu’il suive le rythme des autres. Lorsqu’on voit qu’un gars est en arrière des autres, il faut prendre les décisions en conséquence. »

Le talentueux Semin est la plus récente victime d’un sport qui s’accélère constamment. Habile manieur de rondelle et tireur redoutable, on l’a senti menotté par une cadence qui exige une prise de décision et une exécution plus vives que jamais.

De plus, Semin n’a jamais été le patineur le plus explosif. Maintenir sa vitesse d’autrefois n’aurait peut-être pas été suffisant pour qu’il continue d’avoir du succès. S’il faut, en plus, que les années se soient mises de la partie et qu’il n’y ait pas remédié, c’est normal de le retrouver à la croisée des chemins aujourd’hui.

Car on voit difficilement comment il pourrait se découvrir de nouvelles jambes au beau milieu de la saison pendant que l’entraîneur-chef tape du pied.

« La vitesse n’a jamais été un problème dans son jeu. Mais évidemment, si j’avais toutes les réponses, je serais assis dans une autre chaise que celle-ci... »

— Todd Diamond, un des deux agents d’Alexander Semin

Avant de commencer à le retrancher, le Canadien a donné à Semin dix matchs pour prouver qu’il avait les moyens de se distinguer autrement sur une patinoire. Aux yeux des dirigeants, la réponse est vite venue. Il n’en a disputé que cinq autres par la suite. Et alors qu’il semblait prêt depuis quelques jours à reprendre le collier à la suite d’une blessure, on a préféré donner une chance aux Christian Thomas, Bud Holloway et Daniel Carr.

Un but, quatre points et 15 matchs plus tard, l’expérience était vouée à l’échec.

DIRECTION ST. JOHN’S ?

Le constat de Therrien n’est pas différent de celui qu’ont fait les Hurricanes de la Caroline au moment de racheter le contrat de Semin, l’été dernier.

« C’était un joueur de haut niveau quand le hockey se jouait à une cadence moins rapide, a expliqué le président de l’équipe Don Waddell au Raleigh News & Observer. Maintenant, c’est joué à un niveau tellement élevé que ça devient difficile d’être compétitif si tu ne peux pas patiner. Alex a perdu de la vitesse et il demeurait en périphérie car il n’avait plus la vitesse.

« En plus, il n’adhérait pas à la culture que notre coach voulait implanter. En termes simples, on l’a payé 14 millions pour qu’il s’en aille. »

Le Canadien, heureusement pour lui, n’a pas à débourser tout cet argent. Si Semin n’est pas réclamé au ballottage d’ici midi aujourd’hui, il pourrait être cédé à la Ligue américaine et 925 000 $ des 1,1 million de son salaire seraient alors soustraits du plafond salarial de l’équipe. 

Les Hurricanes de la Caroline avaient soumis Alexander Semin au ballottage dans l’espoir qu’une équipe le réclame, mais ils ne l’ont jamais cédé à la Ligue américaine.

Semin accepterait-il un tel renvoi aujourd’hui ?

« Nous n’avons pas encore abordé la question, nous nous donnons la nuit pour voir ce qui se passe et nous déterminerons ensuite ce qui est préférable pour le court et le long terme », a indiqué Todd Diamond.

SHOOOOOOT !!

Évidemment, certains trouveront que Semin a été balancé par-dessus bord un peu trop vite. Il y a deux ans à peine, il était encore capable de produire décemment dans la LNH. Et selon les statistiques compilées par le site War-On-Ice.com, c’est lui qui affichait le meilleur différentiel chez le Canadien en termes de chances de marquer de l’équipe lorsqu’il est sur la patinoire.

Mais d’autres chiffres lui sont moins favorables.

Semin a longtemps été reconnu à travers la LNH comme possédant l’un des meilleurs tirs du circuit. Or, il l’utilise de moins en moins, et c’est particulièrement marqué depuis deux ans. Et cette saison, lorsqu’il s’est décidé à décocher, aucun attaquant du Canadien n’a tiré de plus loin que lui (37,9 pieds en moyenne).

En avantage numérique, Semin s’est contenté d’un seul tir en 31:15 sur la patinoire. C’est un rythme plus de six fois inférieur à celui qu’il maintenait en 2009-2010, lors de sa meilleure saison à Washington, ou alors en 2013-2014, alors qu’il inscrivait un point par match en Caroline.

D’ailleurs, Marc Bergevin avait justifié l’embauche de Semin en parlant des services qu’il pouvait rendre en supériorité numérique. Or, les succès du Tricolore en son absence l’ont rendu d’autant plus superflu. À noter que l’équipe n’a marqué que deux buts en supériorité numérique lorsque l’ailier russe était sur la glace.

« Je ne peux pas dire que ce soit une véritable surprise, résume l’agent de Semin à propos du ballottage. Le Canadien a pris sa décision. C’est considéré comme une organisation sympathique envers ses joueurs, mais ce ne sont pas toutes les décisions qui portent leurs fruits... »

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